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LACONISME n. m. (grec laconismos)

Brièveté d'élocution qui parfois nuit à la traduction de la pensée et rend cette forme inférieure en exactitude aux tournures explicites. Le laconisme peut constituer une insuffisance d'expression au contraire de la concision qui est une concentration gravitant autour de l'essentiel. Cependant il en diffère surtout en ce que cette dernière a pour contraire la diffusion plutôt que la longueur du discours. Dans l'antiquité, notamment, qui en fut le berceau, le laconisme était riche des qualités qui confèrent à un exposé resserré la puissance et la rapidité. Le laconisme était moins négligence, satisfaction d'à­ peu-près que recherche assidue d'une forme enfermée dans les limites de l'indispensable et qui, avec énergie et sans dispersion oiseuse, épouse le sujet et s'applique à atteindre le but. On ne peut demander au laconisme que des vertus utilitaires et non les attributs qui font le charme du style. Les beautés littéraires, comme en comporte par exemple la phrase limpide et brève d'un Voltaire ou le tour ramassé, lapidaire de nos auteurs de maximes sont étrangères aux propos laconiques et ne les habitent que par accident. Le laconisme s'accompagne inévitablement de sécheresse et de froideur et ne peut s'embarrasser des figures rythmées de la narration. Il convient éminemment aux proverbes, aux sentences, aux devises armoriales, aux inscriptions monumentales. Deux écueils, d'autre part, menacent le laconisme : l'obscurité et l'affectation.

Le mot tire son origine de la réputation qu'avaient d'en faire usage, avec un à-propos tout particulier, les peuple de la Laconie, voire les Lacédémoniens, les Spartiates. L'esprit du « multa paucis » est l'essence même du laconisme et devrait inspirer la manière de nos orateurs. Si les joutes du prétoire devenaient laconiques, si les assemblées parlementaires, notamment, si fécondes en prolixes stérilités, introduisaient dans leurs délibérations un laconisme rigoureux, c'en serait fini de cette grandiloquence pompeuse et vide, qui auréole la vanité des champions de l'éloquence. Mais un Parlement pratique, aux séances de labeur précis et aux échanges expurgés de fioritures oratoires, aurait la valeur symbolique d'une révolution.

Pour revenir aux sources et fixer notre définition par quelques exemples, rappelons que les Lacédémoniens usaient parfois de monosyllabes décisifs. Si (non) répondirent-ils à Philippe de Macédoine les sommant de lui ouvrir l'accès de leur territoire et les menaçant, s'ils s'y refusaient, de tout mettre à feu et à sang. Léonidas réplique à Xerxès, qui lui ordonnait de rendre les armes : « Viens les prendre! » On cite aussi comme des modèles du genre le veni, vidi, vici (je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu) de César et le « Sinon, non » des Aragonais, lors de l'investiture de leurs rois... « Ea rus » (je pars à la campagne), écrivait, à la suite d'un défi, Voltaire à Piron. « I » (va), répondit Piron, que son laconisme majeur faisait vainqueur du tournoi.



- L.