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LAICISATION n. f.

Le fait de remplacer, par un personnel laïque, les congréganistes dans les écoles, les hôpitaux, etc...

Jusqu'à la grande Révolution française, le rôle des congréganistes était très important dans l'Etat. Les ordres religieux tenaient l'enseignement primaire, secondaire et même supérieur ; Albert le Grand, Abélard, Roger Bacon étaient des moines. L'assistance aux pauvres et aux malades était aux mains du clergé. Le clergé séculier possédait les registres des baptêmes qui tenaient lieu d'état civil.

La substitution de la République au régime monarchique et féodal a eu pour conséquence la laïcisation. La religion cesse d'être un appareil d'Etat pour devenir une affaire privée ; le moine et le prêtre sont remplacés par des fonctionnaires publics, neutres en principe an point de vue religieux, tout au moins dans l'exercice de leurs fonctions.

L'Eglise catholique a vu d'un très mauvais œil la laïcisation qui lui enlevait une partie de sa puissance. Les pauvres institutrices primaires des années 1880 à 1890 ont eu une vie très dure. Le clergé tout puissant dans les campagnes ameutait contre elles les paysans. Celle qui venait remplacer les religieuses dans l'école était boycottée ; les commerçants refusaient de lui vendre des aliments, elle était en butte à l'injure, à la calomnie, parfois aux voies de fait.

Dans les hôpitaux, la laïcisation marche très lentement ; encore aujourd'hui, nombre d'hôpitaux de province sont tenus par des sœurs.

La laïcisation de l'enseignement primaire a eu de très heureux effets. Certes l'école laïque a aussi ses dogmes ; elle ment aux enfants en leur présentant des images fausses de la société où ils doivent vivre. Elle leur fait adorer la patrie, le drapeau ; mais enfin l'affranchissement religieux est déjà un résultat. C'est l'école laïque qui a affermi la République, qui, toute mauvaise qu'elle soit, vaut mieux que la monarchie. Il ne faut pas oublier que la France est le pays le moins religieux du monde et il faut en savoir gré à l'école laïque.

Dans les hôpitaux, les religieuses exercent une pression odieuse sur les pauvres malades pour les amener à se soumettre aux pratiques du culte. Elles épouvantent les mourants avec l'évocation de leur fin prochaine, pour les forcer aux derniers sacrements. L'homme en soutane noire vient se dresser au lit du moribond terrorisé, véritable fantôme de la mort elle-même.

Les cléricaux n'ont pas manqué de reprocher au personnel hospitalier sa dureté, son incurie, sa vénalité. Reproches justifiés, surtout avant la guerre. Les infirmiers étaient des hommes inférieurs, qui n'avaient pas appris de métier ; les infirmières venaient des campagnes ; beaucoup étaient illettrées ou presque. Les traitements étaient dérisoires, la nourriture grossière ; le logement, un dortoir infect dans les combles de l'hôpital.

Mais il ne faut pas oublier que les religieuses tenaient le rôle de surveillantes ; elles ne se chargeaient pas des besognes grossières de propreté qui étaient laissées au personnel laïc.

Forcée d'accepter la laïcisation, l'Eglise a changé de méthode. Elle s'applique à conquérir le personnel laïque de l'enseignement primaire et malheureusement elle y réussit.

La dictature intellectuelle qui a sévi pendant la guerre a amené une forte régression.

En outre le parti radical, artisan de la laïcisation, s'est endormi sur ses lauriers et l'Eglise en a profité pour reconquérir peu à peu le terrain perdu. On n'a rien fait pour donner un intérêt à la vie de la pauvre institutrice isolée dans son école de village. La République parlementaire l'a traitée avec indifférence parce que, femme, elle n'était pas électeur. Aujourd'hui, l'Eglise va la trouver ; une société secrète, les Davidées, couvre la France de ses sections ; l'institutrice est enrôlée dans l'armée cléricale. Des professeurs d'école normale primaire affichent ouvertement leur catholicisme.

Le gouvernement ferme les yeux. Il a rétabli l'ambassade du Vatican ; il paie des congrégations missionnaires pour aller enseigner aux peuples attardés l'absurdité religieuse.

C'est que la République capitaliste a compris que la religion est un frein social. Dans sa terreur du communisme, elle abandonne la laïcisation.



- Doctoresse PELLETIER.