MAGASIN n. m. (de l'italien magazzino, dérivé du pluriel arabe makhasin, même sens)
Pièce d'appartement, de maison qui sert à faire du commerce. Dans ce local se trouvent plusieurs articles et produits destinés au négoce, vaguement annoncés par l'enseigne commerciale. Dans les villes et localités quelque peu importantes, certains quartiers et rues sont particulièrement occupés par des magasins. Ainsi, dans un certain rayon et dans les magasins, se trouvent les marchandises les plus variées.
Dans notre société, c'est généralement par les magasins particuliers que se fait la distribution des richesses mobilières aux individus.
Le magasin est une espèce de petit marché, un lieu où s'opère soit le troc, soit la remise des produits contre monnaie conventionnelle. L'échange direct est de plus en plus rare et l'on pratique surtout communément l'achat ou la vente des objets et des denrées qui font du producteur au consommateur un chassé-croisé parfois complexe (voir commerce, négoce, trafic, etc.).
Si dans la société actuelle tous les magasins (ou à peu près), appartiennent au domaine privé, et par là se prêtent à la spéculation pour l'avantage exclusif des négociants, il devrait en être autrement dans une société rationnellement organisée.
Sans entrer dans le fonctionnarisme commercial il devrait y avoir – dans le système auquel je marque ma préférence – des magasins-types et de contrôle indicateur comme prix maximum pour chaque produit, en laissant la liberté à chacun de pouvoir faire du commerce en quelque sorte moralisé par l'impossibilité de l'exploitation abusive. Ainsi la spoliation du travail à l'avantage du capital se trouverait endiguée par un bénéfice qui n'aurait rien de commun avec ce qui se produit actuellement sous la domination du capital. Les magasins abriteraient des travailleurs sérieux et honnêtes qui ne compteraient plus sur la spéculation pour s'enrichir, mais sur le travail.
Dans d'autres systèmes, à base communiste
notamment (voir coopérative, communisme, socialisme, répartition,
etc.), les magasins seraient représentés, d'une part, par des entrepôts
généraux, de préférence régionaux, qui centraliseraient les principales
productions, et d'autre part, par les magasins particuliers – ou de
répartition – plus ou moins spécialisés, qui recevraient des premiers
l'approvisionnement et tiendraient produits ou objets manufacturés à la
disposition des consommateurs. Quel que soit ici le mode d'échange
adopté (entièrement libre ou avec bons soumis à un barème de contrôle
ou selon toute autre modalité regardée comme plus équitable ou plus
sûre), il n'y aurait pas davantage de place pour la spéculation qui
caractérise le commerce actuel et fait des magasins des antres perfides
où l'on détrousse, légalement et avec le sourire, le chaland qui
s'approvisionne.
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Par analogie : lieu où l'on serre certains objets en grande quantité : « C'est dans l'eau que les castors établissent leur magasin » (Buffon). On donne aussi ce nom à une des parties d'une usine où se trouve un approvisionnement de circonstance ; à un ensemble de ressources personnelles ; à un entassement de choses inutiles ou disparates, etc. Par extension, en littérature, on appelle ainsi certains recueils périodiques : le « magasin pittoresque ». Dans ce sens se généralise l'usage du terme étranger : magazine.
Les magasins généraux, fondés en France par un décret du 21 mars 1848 « sont régis par une loi du 28 mai 1858, un décret du 12 mars 1859 et une loi du 31 août 1870 ». Depuis cette dernière loi, toute personne peut ouvrir un magasin général ; mais l'autorisation du préfet et un cautionnement sont exigés.
Ces magasins, recevant les marchandises que tout négociant ou industriel veut y déposer, ont pour but de faciliter les ventes et les prêts sur gages.
« Celui qui fait un dépôt dans un magasin général, reçoit deux titres : le récépissé et le bulletin de gage ou warrant. Le premier est destiné à transférer la propriété de la marchandise ; l'autre doit servir à placer la marchandise, à titre de gage, entre les mains du prêteur. Ces deux titres sont transmissibles par voie d'endossement. Le magasin général détient la marchandise soit pour le compte du propriétaire, porteur du récépissé, soit pour celui du créancier, porteur du warrant » (Larousse).
E. S.
MAGASINS COOPERATIFS
La plupart des gens considèrent les magasins coopératifs comme des boutiques de vente de marchandises à bon marché. C'est une conception étroite, étriquée, et en désaccord avec le caractère même de la coopération.
Dans les pays musulmans, où l'on a souffert comme ailleurs de la crise de vie chère, les Arabes appellent volontiers magasin coopératif, ou « coopérative » , toute boutique (privée ou capitaliste) qui vend, ou a la réputation de vendre, à bon marché. Et même, dans les pays à population évoluée, combien de ménagères et d'hommes, appellent « coopératives » des succursales de maisons d'alimentation à succursales multiples, lorsque ces succursales vendent, ou ont la réputation de vendre, à bon marché...
Ceux qui envisagent le problème coopératif de ce point de vue ont une lamentable mentalité. Certes, dans l'ensemble, les magasins coopératifs ont l'avantage de débiter des marchandises bonnes, à bon marché et au juste poids. Certes, dans l'ensemble, ils répartissent en fin d'année à leurs sociétaires des trop-perçus intéressants et soutiennent des œuvres sociales recommandables. Mais tout cela n'est rien par l'apport à l'action organique déterminée par la création et le fonctionnement de ces magasins.
D'abord, ils opposent un frein aux appétits déchaînés du capitalisme (petit ou grand), des mercantis et même des marchands. Et, mieux que cela, qui n'est pas mince, ils groupent organiquement, pour des entreprises collectives concrètes, la poussière des consommateurs qui, isolés, ne seraient rien, mais qui, unis, disposent de la plus grand puissance qui soit au monde, celle devant laquelle s'inclinent respectueusement les plus grands capitaines du commerce, de l'industrie, de la banque, du Capitalisme, en un mot : la puissance d'achat des consommateurs.
Supposez cette puissance d'achat groupée dans les succursales des coopératives régionales; celles-ci groupées dans leur Fédération nationale, leur Magasin de Gros, leur Banque et toutes ces institutions groupées dans leur Alliance coopérative internationale, dans leur Banque internationale, dès lors, c'est la Société coopérative, avec toutes ses possibilités.
Les consommateurs sont groupés d'abord comme nous venons de le voir. Ils savent de combien de tonnes de marchandises ou denrées ils auront annuellement besoin. Dès lors, avec leurs capitaux propres, collectifs dans leurs magasins coopératifs, ou avec leurs réserves, ils dirigent les productions, qui seront absorbées par leurs sociétaires, en créant des usines ou des ateliers coopératifs. Ils croissent. Ils se trouvent en présence des trusts et, par la force des circonstances, ils entrent en lutte et les expériences qui ont été faites en Allemagne, en Angleterre, en Suède, en Finlande, en Suisse et même en France prouvent que les trusts, même les plus puissants, ne sortent pas victorieux de leur lutte contre les consommateurs groupés dans leurs magasins coopératifs.
Cette poursuite de l'idéal coopératif a pour effet certain de faire participer à une action organique concrète et profondément révolutionnaire, sur le plan économique, des gens que rien n'avait, jusque-là, préparés à une action sociale profonde et qui se laissaient, jusque-là, emporter, comme des bâtons flottants, par les eaux du capitalisme.
L'avantage aussi de cette action organique des magasins coopératifs est qu'ils constituent, par l'association libre et volontaire des individus, dans l'actuelle société, un capital collectif et impersonnel, qui va grandissant sans cesse et qui se transmet de générations en générations et, par ce fait même, crée des habitudes de pensée et une moralité nouvelles, dégagées de l'emprise capitaliste. Et, à cause de leurs mérites actuels et futurs, les magasins coopératifs sont des instruments éminents d'une Révolution sociale profonde ; tandis que les myopes intellectuels les ont considérés (v. Karl Marx) et les considèrent encore (les « révolutionnaires » verbaux) comme de simples boutiques commerciales perfectionnées...
A. DAUDÉ-BANCEL.