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MAIN n. f. (latin manus)

« Organe de préhension, siège principal du toucher, qui termine le bras de l'homme et de quelques animaux » (Larousse). Des savants (Owen, P. Gratiolet) ont voulu définir l'homme comme étant le seul animal possédant deux mains et deux pieds. À ces prétentions, Huxley répond par cette objection que, d'une part, chez l'homme, c'est la civilisation qui a accentué les différences, nullement radicales à l'origine, du pied et de la main ; et que, d'autre part, c'est à tort qu'on dit le singe quadrumane, le membre postérieur du gorille se terminant par un véritable pied ayant un gros orteil mobile : « Ce pied, dit-il, est préhensile ; mais le pied des résiniers des Landes, selon Bory de Saint Vincent, le pied d'une femme de race blanche que Trémaux a vu retombée à l'état sauvage en Afrique, le pied toujours nu de l'homme qui marche dans des terres hérissées d'obstacles ou qui grimpe à des arbres fort branchus, présentent de petits orteils plus longs et un gros orteil en même temps plus écarté et plus opposable. »

Le pied possède, avec la main, quelques différences caractéristiques, telles : la disposition de l'os du tarse, la présence des muscles courts fléchisseurs et extenseurs, l'existence du long péronier qui assure la solidité du gros orteil et en fait l'ordonnateur des mouvements du pied. On trouve ces particularités dans le pied des singes anthropoïdes. « Il suffit, dit à ce sujet le Dr Duchenne, que les muscles de la racine du pouce soient atrophiés dans une main d'homme pour qu'elle présente un caractère simien »...

Renvoyant aux ouvrages spéciaux pour une étude anatomique de la main, pour diverses connaissances connexes, biologiques ou autres, ainsi que pour les considérations plus particulièrement dépendantes de l'anatomie comparée, et pour tant de curieux éclaircissements auxquels le transformisme a donné l'essor, nous nous contentons de consigner, ici, quelques observations générales, allant de l'anatomie à la psychophysiologie et que nous estimons typiques, et de marquer sommairement combien le rôle important joué par la main dans les mouvements de l'homme, a eu de rapports avec son évolution générale et a tourné vers elle une attention qui participe de tous les domaines de l'activité intellectuelle.

Helvétius disait : « C'est à la main, cet instrument des instruments, que l'homme doit toute son adresse et les arts qu'il exerce, enfin sa supériorité sur tous les animaux. » Et il ajoutait : « Si l'homme avait eu un sabot à l'extrémité de son bras, il n'aurait jamais fait un progrès. » Il y a, dans cette opinion, une part de vérité que le transformisme a mise au point. Sans rechercher ici la supériorité première de tel ou tel organe humain, nous pouvons dire que la question d'attribuer au cerveau ou à la main les raisons de la prodigieuse avance réalisée par l'homme sur les espèces environnantes comporte, si elle est tranchée systématiquement en faveur de l'un ou de l'autre, un absolu que contredit l'évolution.

La suprématie lointaine de l'homme (dont le départ remonte sans doute à quelque cause accidentelle) servie par certaines conditions initiales, des circonstances primitives favorables, a entraîné peu à peu toute une série de répercussions réciproques entre ses organes. Le besoin (entre autres la nécessité de répondre aux exigences d'organes plus avancés), a hâté maints développements et provoqué d'heureuses conformations. Le mouvement lui-même, l'usage fréquent, les fonctions nouvelles ont accentué la puissance des plus actifs. Parmi ces derniers, l'organe coordinateur par excellence : le cerveau, toujours porté à concevoir d'ingénieuses transformations, des œuvres toujours plus délicates, et la main, plus apte que tout autre par sa position et sa mobilité, à en faciliter l'exécution, ont entretenu des rapports constants. Et les réalisations et les possibilités excitant de nouvelles exigences, il s'en est suivi entre eux comme une émulation incessante et une course parallèle, toujours plus rapide, vers leur perfectionnement. À tel point qu'aujourd'hui, au degré de complexe capacité auxquels ils sont parvenus et que leur entente persistante accroît sans arrêt sous nos yeux, il apparaît que la réduction à l'impuissance, à un moment de l'évolution, de l'un de ces facteurs essentiels du progrès, eût entraîné pour l'autre une véritable paralysie. Une coordination continue et un mutuel appui nous rendent difficile de concevoir la marche de l'un privé du secours de l'autre. Quelle qu'eût pu être clans cette conjoncture le sens du développement de notre espèce, qui eût subi, nous semble-t-il, quelque grave stagnation mais qui peut-être eût trouvé à s'agrandir dans une autre voie, nos constatations actuelles nous permettent de noter entre les progrès de la pensée et la dextérité avertie de la main des relations qui comportent des portions multipliées de causalité. Une innervation particulièrement ramifiée et harmonique atteste, par sa structure même, l'abondance des échanges et une connivence pour ainsi dire toujours en éveil. Et le magnifique épanouissement des arts et cette floraison moderne d'appareils mécaniques sont parmi les fruits les plus beaux de cette heureuse collaboration...

Pour en revenir (et conclure à cette occasion) à l'argument avancé par Helvétius, notons, en effet, « que l'intelligence du cheval participe des conditions inférieures de son pied, et qu'il est certain qu'une maladie qui convertirait la main de l'homme en sabot aurait pour effet récurrent » sinon d'abaisser son esprit au niveau de celui du cheval, du moins de le frapper d'une sorte de stupeur plus ou moins prolongée et de faire dévier son orientation. « L'homme ne doit sa supériorité ni à sa main, ni à son cerveau, ni à tel ou tel organe, mais à l'unité plus complète des différentes pièces de son organisme. Avec des éléments à peu près pareils, inférieurs souvent » (en tant que puissance directe par exemple) « il conçoit et réalise plus de rapports. La réciprocité de ses organes est plus grande et ils se perfectionnent l'un par l'autre » (Larousse). Quelle richesse majestueuse que celle du cerveau humain ; mais que de merveilles dans une simple main !

L'importance des aptitudes de la main et ses services multiples, son intervention courante dans les manifestations de la vie ont entraîné, dans tous les temps, des interprétations où la fantaisie n'a pas manqué de prendre une large part. La cabalistique, la chiromancie, secondées par l'astrologie, y ont cherché ‒et y recueillent encore ‒la marque de nos caractères et le secret de nos destinées. Conformation de la paume et des doigts, ampleur et saillie des masses musculaires (monts de Vénus, de Mars), disposition des lignes (étoiles, croix, brisures) etc., autant de signes ou d'indices, sans valeur pour les profanes, mais où les initiés poursuivent implacablement notre horoscope...

Les attributions vont de la superstition, habilement exploitée, ou sincèrement mise au service de « presciences » prestigieuses, à la science, encore enfantine, des empreintes (souvenirs, prédispositions, etc.) que laisse dans nos organes le jeu de nos facultés. La chirognomie prétend au diagnostic moral de la main. Psychiatres, aliénistes lui demandent des indications sur l'état intellectuel, les caractéristiques mentales des sujets qu'ils soignent ou étudient.

Les travaux des Dally, des Lucas concordent sans entente préalable, avec les anciennes idées des Égyptiens, mentionnées par Macrobe, et avec les rénovations de Paracelse sur l'importance physionomique de la main. De certaines formes très spatulées des doigts, d'Arpentigny, après Hippocrate, induit à la phtisie. De spéciales dispositions anatomiques externes témoignent, nous dit-on, des mauvaises conditions dans lesquelles opèrent des agents précieux en dépit de leur petitesse. Doigts ronds, boudinés : insuffisante fonction des filets nerveux. Bout des doigts plat, ridé, fendu : mauvais état des papilles. Absence des mamelons de la paume (les « monts » de la chiromancie !) : rareté ou chétivité des corpuscules de Paccini, siège par excellence du tact. D'autres rapprochements : (pouce court et prédominance des instincts, racine du pouce ridée en grille et lubricité, premières phalanges fendues et défaut d'idéalité), sont des signes déjà consignés dans les antiques chiromancies et ils montrent celles-ci dotées d'une part non négligeable d'observation.

Que d'autres traits, que d'indices réels ou imaginaires, rigoureux ou amplifiés ne relève-t-on pas dans la façon de tendre la main, de donner une poignée de main, de lever la main pour prêter serment, etc... Dans la rencontre plus étroite des corpuscules de Paccini, dans le geste des doigts enlacés et des paumes jointes, dans celui des mains imposées sur le front ne déduit-on pas, là un rapport d'union, de concorde, ici de puissance dominatrice, de suggestion, de guérison ?... Les écrivains (et au premier rang les romanciers) ont usé d'images où les mains viennent comme révéler ou traduire soit les états d'âme, les desseins de leurs personnages, soit seulement leurs tendances ou les influences majeures de la physiologie ou du caractère. Il y a pour eux des mains « bêtes, gourdes, brutales et des mains bonnes, belles et fortes ». Les mains crispées, griffues, agrippantes d'un Grandet, et les mains douces, déliées, caressantes de quelque héroïne charitable ont pour eux, chacune, leur éloquence terrible ou apaisante...

De la physionomie de la main à son éducation, il n'y a qu'un pas. Et Buffon l'avait esquissé qui écrivait, nous ramenant d'ailleurs aux gains réciproques du cerveau et de la main dans leur commerce attentif, intelligent, méthodique : « Un homme n'a peut-être plus d'esprit qu'un autre que pour avoir fait, dans sa première enfance, un plus grand et plus prompt usage du toucher ; dès que les enfants ont la liberté de se servir de leurs mains, ils ne tardent pas à en faire un grand usage... Ils s'amusent ainsi ou plutôt s'instruisent de choses nouvelles. Nous-mêmes, dans le reste de la vie, si nous y faisons réflexion, nous amusons-nous autrement qu'en faisant ou en cherchant à faire quelque chose de nouveau ? »

« Étonnez-vous, dit Larousse, que tous les hommes remarquables aient été des « touche-à-tout » dans leur enfance, et qu'il y ait si peu d'hommes normaux et complets qu'on les regarde comme des phénomènes ! Le simple fait de prendre une plume, c'est-à-dire de la serrer entre les doigts, glace les hommes superficiels et excite les hommes de pensée à réfléchir plus et à exprimer mieux... Tout le monde comprend que l'index est le doigt qui, mieux que les autres, indique la route ; que le médius est lourd et immobile... Avant d'être un compas la main a été, crispée, une pince et fermée : un marteau. Avant de modeler, de peindre et d'écrire, elle a brisé, fendu et lacéré. Avant d'être des points d'appui qui servent à la précision du tact, les ongles ont été des griffes. La main a suivi son évolution ; elle a eu son histoire... » (Larousse). Et nous voici arrivé au dualisme séculaire de nos mains, sœurs inégales, dont le rythme instinctif, dans certains mouvements (apprentissage de l'écriture, gymnastique, etc., etc.), révèle pourtant le parallélisme des moyens. À l'une, la droite, nous avons ‒fortuitement, sans doute, à l'origine, sinon par prédisposition, puis par la répétition logique d'un rappel là où se sent déjà une expérience, une propension acquise, un moindre effort non seulement d'exécution de la part de l'artisan, mais de commande et de surveillance de la part de l'impulseur ‒nous avons accordé la prééminence. Et les ans ont entretenu, consacré (de dextre, n'a-t-on pas fait dextérité, habileté, talent ?), ils ont porté à un tel point la supériorité habituelle de la main droite que l'autre apparaît comme la sœur inférieure, frappée d'incapacité ‒j'allais dire de gaucherie ‒invétérée. Et pourtant, au lieu de cette servante malavisée, à peine en état de tenir un second rôle, d'accomplir une tâche de complément, nous pouvions avoir, dans nos multiples travaux ‒ csont près d'y atteindre ‒deux aides également adroites et fortes, dociles et empressées ? N'est-ce pas le délaissement auquel nous l'avons condamnée, la condition de manœuvreà laquelle nous l'avons réduite qui ont fait de notre main gauche une auxiliaire embarrassée, entachée de considération subalterne ? Et ne pouvons-nous dire, avec Maquel, que « c'est un véritable préjugé que de croire qu'on doive tout faire de la main droite ? »

Cette préférence que l'homme donne à sa main droite sur sa main gauche a-t-elle sa source, comme le prétendent certains, dans « une prédominance naturelle accentué du côté droit sur le côté gauche ? » La main droite a-t-elle bénéficié de cette particularité de l'organisation et le premier appel à son concours participe-t-il d'un instinct déjà averti et disposé à accorder plus de confiance et à fonder plus de sécurité dans cette portion privilégiée de l'organisme ? Faut-il chercher en lui ‒ou seulement dans quelque hasard ‒le point de départ d'un recours qui souffre aujourd'hui de rares exceptions ? Si les qualités secrètes de l'organisation ont ici favorisé l'éclosion d'habitudes consécutives à un premier emploi, il est évident qu'elles en ont recueilli un renforcement correspondant... Quant à la main droite, appelée à l'exercice fréquent et régulier, elle en a retiré promptitude, adresse et vigueur. Et c'est elle qui, presque universellement, coopère aux ouvrages les plus remarquables conçus par l'esprit humain. Mais ce degré d'habileté et cette multitude de services ne doivent-ils pas justement nous faire regretter tous ceux que nous pourrions obtenir aussi de notre main gauche qui, « douée de la même organisation, aurait les mêmes talents si l'éducation les lui donnait ? » Pourquoi l'homme délaisse-t-il, sur le chemin de la perfection, un instrument aussi précieux à sa portée ?

Admettons qu'il faille, pour former notre main gauche, vaincre quelque faiblesse originelle ? Est-ce le seul cas où l'homme ait triomphé d'un tel obstacle ? Difficulté toute relative d'ailleurs, dès le commencement, et qui bientôt s'évanouirait « d'autant mieux que, par les leçons que reçoit la main droite, la gauche contracte une secrète aptitude à reproduire les mêmes mouvements, et que, déjà façonnée par les vives impressions du cerveau, elle est pour ainsi dire imitatrice, avant qu'elle ait réellement imité ». (Larousse). N'avons-nous pas, autour de nous, des faits qui prouvent combien cette initiation pourrait être rapide ? « Un habile dessinateur perd la main droite et, au bout de deux mois, il écrit et dessine de la gauche avec la même facilité. Que ne peut d'ailleurs la volonté mue par le besoin ? Un homme qui n'a point de bras transforme ses pieds en mains (exemple, le peintre Ducornet) et fait avec eux des prodiges d'adresse. Or ce que l'homme fait par force, Il faudrait qu'il le fît par sagesse, et que sa raison eût sur son esprit le même empire que la nécessité. »

« Cette distinction physiologique entre la main droite et la main gauche a exercé des influences de plus d'un genre sur les idées et les usages de l'homme et, pour la race aryenne en particulier, ces influences nous apparaissent dans les temps les plus reculés. Dans les idées mythiques et sacerdotales de cette race, la force et l adresse sont l'apanage de la main droite, qui se trouve ainsi chargée des principales fonctions actives. C'est cette main qui préside au travail et au combat qui manie également les outils et les armes. De là les idées d'estime et même de respect qui s'associent à tout ce qui la concerne ? Elle devient le symbole de la rectitude, le gage de la sincérité, le signe de l'honneur. Les idées contraires s'attachent naturellement à la main gauche, et les unes comme les autres s'appliquent de plusieurs manières aux rapports sociaux, aux usages cérémoniels ou religieux, aux croyances superstitieuses, etc. De plus, chez les peuples primitifs et, même encore chez les Grecs et les Romains, par suite de son infériorité naturelle, la main gauche se trouvait chargée tout spécialement des fonctions impures ou malpropres qui auraient souillé la main droite et déshonoré la dignité de son rôle. De là I'habitude de tenir la main gauche sous le manteau et de

ne jamais offrir que la droite ». (Aujourd'hui encore il n'est pas de bon ton d'offrir la main gauche ; pour certains, ce geste s'accompagne de mépris ou en tout cas d'une insuffisance de considération dont ils s'offusquent). « Il en est encore de même chez les Turcs, et c'est probablement aussi par suite des mêmes idées que les Romains attachaient à la main gauche une idée de sinistre augure. Il est curieux de retrouver ces scrupules chez les nègres de la côte de Guinée. Suivant Lanoye, ils ne se servent pour manger que de la main droite, toujours bien entretenue, tandis que la gauche est destinée aux usages immondes ». (Larousse).

En même temps qu'elle nous rendrait maîtres de moyens physiques étendus, l'éducation de la main gauche, en la réhabilitant, débarrasserait les esprits et les mœurs de croyances et de coutumes faites de tradition superstitieuse. Rendons-lui donc, au prélude même de la vie, une place digne d'elle. Faisons appel à tous les éléments, à toutes les vertus inévoluées que nous laissons sottement dormir en elle ? Élevons-la à la dignité première, sur le même plan que notre droite... Sur moi-même et sur des enfants confiés à mes soins j'ai expérimenté cette éducation et j'ai mesuré combien elle pouvait donner. En dépit d'un lourd atavisme, la main gauche, chez les petits, ne demande qu'à s'employer. Elle s'offre avec une spontanéité pleine de promesses. Et elle les tient quand nous insistons. Et les résultats personnels que j'ai enregistrés sur ce point sont suggestifs. Pour l'écriture, au jeu, au travail, garçons et fillettes, autour de moi, donnaient libre essor à la bonne volonté délaissée de leur main gauche. Et elle nous montrait vite combien était justifiée la confiance mise en elle... Les gauchers ne sont pas rares d'ailleurs dès la première enfance, mais on les refoule. Par un coup d'œil, une face courroucée, la grosse voix, par des tapes sur la « menotte » déconsidérée, on fait lâcher au bébé le jouet ou la cuiller saisis par la main gauche. À mesure qu'il grandit les défenses se codifient ; on invoque la coutume, la politesse, la bienséance, etc. (ce n'est pas beau, ou convenable, ou propre !) que sais-je, et notre gauche repoussée ne résiste pas. Pourtant, porté moi-même dès le jeune âge à revendiquer ses services (et contrarié sur ce point, à l'époque, il va de soi, par la famille) je suis revenu, systématiquement, à l'emploi de mes deux mains, un emploi aussi régulier, aussi équilibré que possible, et je n'ai eu qu'à me louer d'avoir, ici encore, surmonté les préjugés et les habitudes néfastes pour regagner une situation normale et des conditions naturelles. Combien de personnes accidentées, privées ‒momentanément ou à jamais ‒de l'usage de leur main droite, ont regretté qu'on n'ait autour d'eux ‒et qu'ils n'aient eux-mêmes ‒davantage estimé leur main gauche !

Nous pourrions, puisque nous en sommes aux réhabilitations, nous attacher à relever ‒s'il en est besoin encore auprès de ceux qui nous lisent ‒le travail des mains, regardé comme indigne ou inférieur par les aristocrates et par certains intellectuels. À ce dernier mot, nous avons montré, et tout près encore, à manuel, nous rappellerons qu'il n'y a pas de tâche dégradante lorsqu'elle accroît le patrimoine et sert la vie et le bonheur des hommes et que, du plus fruste et du plus humble effort, de la plus grossière comme de la plus « méprisée » des occupations, dans l'activité des mains calleuses et des mains noires ‒dont le labeur nourrit notre corps ! ‒résident en puissance, une dignité et une valeur morale égales à celles des travaux les plus glorieux de l'esprit.


***


Voici quelques locutions courantes dans lesquelles entre le mot main. Avoir de la main : être adroit, exécuter avec habileté. « La main, dit Reybaud est nécessaire chez le peintre, mais le goût l'est bien davantage. Rien n'est plus aisé que de se gâter la main ». ‒Large comme la main : de peu d'étendue ‒La main de l'homme : son travail ‒Les croyants sont courbés sous la main de Dieu : symbole ici de puissance, d'autorité ‒On désigne aussi par ce mot l'effet d'Influence, la force : la main de la nature, de la destinée : « Il n'y a, a dit E. de Girardin, que la main de la liberté qui puisse dénouer le nœud des nationalités ». Et Voltaire : « La main lente du temps aplanit les montagnes » ‒Le gouvernement, la maîtrise : Charles Nodier parle de « la main digne qui brisera le fer de la guillotine » ‒La manière de commander : intervenir d'une main ferme, ou légère ‒La protection, le soutien, la consolation : essuyer « d'une main secourable » les larmes d'un ami. « Belles petites mains qui fermerez mes yeux » a dit Verlaine ‒La possession, la disposition : Les idées sont des fonds qui ne portent intérêt qu'entre les mains du talent (Rivarol) ‒Être nu comme la main : dépouillé ‒Pas plus que sur la main : manque, pénurie ‒Ne pas y aller de main-morte : frapper rudement ‒Biens de mainmorte : appartenant à des gens réunis en communauté, lesquelles, par le renouvellement constant de leurs membres, échappent aux règles ordinaires des mutations de propriété ‒Avoir la main légère : ne pas s'appesantir, être habile : Les femmes ont la main plus légère que les hommes pour panser les plaies ‒La main leste (ou légère) : être prompt aux coups, au rapt ‒La main sûre. Mettre en mains sûres : de confiance, il une personne probe ‒Un outil bien à la main : d'un usage commode ‒Avoir toujours la bourse à la main : être prompt aux dépenses ‒Mettre l'épée à la main : combattre ‒Ouvrage de main d'homme : par opposition à ceux de la nature ‒Main-d'œuvre : voir ce mot ‒Y mettre la main : entreprendre, collaborer, participer, et aussi s'immiscer :


Chacun bourdonne autour de l'œuvre politique,

Chacun y veut mettre la main. (A. BARBIER).


Mettre la dernière main : achever. Mettre la main à... : apporter son concours ‒Travail des mains : occupations, besognes manuelles : « L'homme vraiment utile à la société est celui qui vit du travail de ses mains » (J. Macé) ‒Faire par ses mains : soi-même, par ses propres moyens ‒Tour de main : tour d'adresse ; se dit aussi d'une action rapide : cela sera fait en un tour de main ‒Forcer la main : contraindre ‒Main basse : main gauche ; gens de basse main : la lie de la population (deux vieilles locutions) ‒Faire main-basse : s'emparer ‒Avoir les mains crochues : enclines à la rapine ‒Tenir la main à quelque chose : y veiller, s'en occuper activement ‒On dit aussi : former de ses mains sa destinée, adage qui n'est que partiellement exact ‒Prendre de toutes mains : sans s'inquiéter de l'origine. « L'Église est en possession de demander de toutes parts et de prendre de toutes mains ». (Dupin) ‒Jeu de mains : brutaux ‒De main de maître : à la perfection ‒Être à toutes mains : apte à toutes les besognes ‒Avoir la riposte, la parole en main : être prompt à la réplique, avoir l'élocution facile ‒Donner la main : aider ‒Prêter les mains à... : condescendre, se faire complice ‒Prendre en main une cause : défendre ‒Élever les mains vers quelqu'un : implorer ‒Ouvrir les mains : se déposséder ‒Pousser la main : exercer une pression ‒Tenir la main haute : veiller, se montrer exigeant ‒L'emporter haut la main : sans peine, avec une avance marquée ‒Avoir la main heureuse : avoir de la chance ; les mains nettes : être honnête ‒Avoir le cœur sur la main : être généreux ‒Mettre la main sur le feu : être convaincu ‒Se donner la main : être aussi filous l'un et l'autre ‒Se tenir par la main ou se tenir la main : aller de concert, dépendre l'un de l'autre. « L'ignorance et l'opiniâtreté se tiennent par la main » (La Rochefoucauld) ‒Il n'y a que la main : un rien de différence. « D'intendant à fournisseur, il n'y a que la main » (Balzac) ‒Avoir les mains longues (on dit plutôt aujourd'hui : le bras) : avoir de l'influence ‒Mettre la main à la pâte : besogner ‒Sous la main : à portée ‒À main (droite ou gauche) : direction ‒Des deux mains : avec empressement, etc.

Proverbes : « Froides mains, chaudes amours » (corrélation populaire entre la froideur des mains et le tempérament amoureux) ‒ « Que la main gauche ignore le bien que fait la main droite » (rendez service avec simplicité, sans faire étalage de votre obligeance et n'en tenez pas étroitement registre) ‒ « Dieu regarde les mains pures plutôt que les mains pleines » (un proverbe qui doit faire trembler de multiples « chrétiens » à l'heure de « comparaître »... ) ‒ « Un oiseau dans la main vaut mieux que deux dans la haie » (Prov. anglais équivalant à notre « Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras »), etc.

Main (subst.) pap. cahier de 25 feuilles ‒Petite main (artis.) : ouvrière sortant d'apprentissage ‒Main de roi, main souveraine (droit ancien) : souveraineté ‒Main de justice : autorité judiciaire : un emblème portait aussi ce nom ; on disait aussi main pleine, main moyenne, etc. ‒Main bote (pathol.) : difformité palmaire ou dorsale ‒Main de gloire, main de Fatma, etc. : amulettes, objets de superstition ‒Main de fer (mar.) : poignée avec crochet d'abordage ‒Main courante (escalier) : partie supérieure de la rampe sur laquelle glisse la main ‒Main du diable (zool.) : nom vulgaire de divers corollaires-alcyons, etc. 

‒LANARQUE.