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MALADIE (SES SECRETS BIENFAITS)

Dans une erreur alimentaire ou dans un abus de même nature, commis par deux hommes de même âge, de mêmes conditions de vie, l'affection qui naîtra de cette erreur sera-t-elle la même pour chacun des deux sujets ?

La réponse est négative, pour 99 cas sur 100 ; la seule fois que les affections seront de même nature, chez l'un et l'autre des deux sujets, identiquement frappés, c'est exception à la règle.

La maladie, dans ses symptômes, sa nature, sa force, sa durée, ses reliquats, se traduira de façons différentes selon les prédispositions du sujet à des tares afférentes à son hérédité, à ses affections anciennes, à des états imputables à des professions malsaines ou déformatrices d'une fonction organique, ou bien à des préoccupations morbides, etc...

La maladie est mal appelée, ou bien on l'interprète mal dans son sens, son origine.

La maladie, c'est simplement un état de fièvre réagissant contre le mal enfin constitué ou sur le point de l'être.

La maladie sera quelconque et différenciera de nature cependant que les causes qui la constituent seront identiques.

En somme, ce n'est pas la maladie qu'il importe de vaincre puisque son rôle est de protéger le sujet contre le mal déferlant sur l'organisme. Lutter contre la maladie, c'est lutter contre la guérison ; aider la maladie, voilà ce que devrait être le rôle du médecin (de santé).

La maladie, c'est le règlement d'échéances suprêmes, desquelles on ne saurait remettre le paiement sans danger d'accumuler les chances de faillite. Celui qui échappe, en fraude, à la maladie qu'il a méritée fait une véritable banqueroute ; la peine qu'il subira de ce fait, à la prochaine récidive, ne profitera pas de l'indulgence du tribunal qu'il aura, pour l'avenir, indisposé plus gravement à son égard.

Le rôle du médecin (de maladie) est de faire vivre le mal un quart d'heure de plus, en conjurant la maladie qui, seule, compte pour le « patient ! »

Ce qu'on ne permet pas de faire contre le social est permis quand il s'agit de la société que constitue le corps humain ! Cependant il y a des cas où l'on se comporte contre le mal social à l'instar des méthodes médicales employées contre la maladie des humains : quand une région se rebelle contre les mauvais traitements qu'elle subit ou parce qu'elle manque de pain, on expédie, contre elle, non pas des secours de justice ou de bouche, tout d'abord ; mais la force armée qui étouffe la rébellion, aussi légitime soit-elle !

Le corps humain, malmené par l'ingestion habituelle d'aliments nocifs, par les atteintes du toxique, du stupéfiant alcool ou tabac, se plaint-il, quelque part, de ne plus pouvoir tant en supporter ? L'homme, le plus révolutionnaire du monde, enverra la force brutale, contre la province révoltée, sous la forme de médicaments provenant du pharmacien ou du bistrot, les deux se confondant de plus en plus.

Révolutionnaires contre la société et réactionnaire contre soi-même, dans des cas réclamant la même mesure de moralité, voilà une situation contradictoire commune à beaucoup d'hommes se prétendant éclairés, défenseurs de la vérité !

Pendant les quinze premières années que je me suis consacré à l'étude de l'ordinaire médecine officielle, je m'expliquais très bien pourquoi les maladies étaient innombrables.

Les faits ne démontraient-ils pas, à chaque instant, qu'il n'y avait pas de maladie ‒ au sens médical du mot ‒ mais rien que des malades ayant des affections « sur mesures » ?

La maladie me semblait s'apparenter aux mille incidences de la vie affective des sujets, aux mille tumultes de leur organisme malmené, aux mille attentats (jalousement dissimulés), livrés à la chair suppliciée et aussi à la conscience, jusqu'à l'abêtissement.

Dans ce monde, infiniment peuplé de secrètes dispositions, innées les unes, et vicieuses les autres, sur lequel s'échafaudait le mal, je voyais la médecine si petite et toujours tant distancée, par des affections nouvelles s'ajoutant à des milliers de maladies encore insaisissables, que je m'en voulais d'avoir perdu mon temps à le consacrer à une science vaine ne pouvant plus qu'à peine constater le mal, sans jamais le dépister à temps ni pouvoir lui couper les vivres surtout.

Les causes de la maladie, persistant et s'amoncelant, chaque jour et de plus en plus : alcoolisme, tabagisme, vinisme, carnivorisme, caféisme, cocaïnisme, falsificationisme, surmenage, sexualisme, prostitution et taudis creusant tous le lit, toujours plus profond, des fléaux les plus redoutables, les épidémies augmentant le nombre de leurs victimes, la société devenant le prolongement de l'asile d'aliénés, c'était, pour moi, plus qu'il n'en fallait pour me sidérer de stupéfaction lorsque j'entendais parler de la découverte qui devait assurer la guérison d'une des mille tuberculoses, aux cent têtes, décimant l'humanité.

Le mot guérison me semblait impropre à la maladie qui, pour moi, n'était tout d'abord qu'une force réagissant contre la puissance du mal, menaçant de tout incorporer à ses fins, mot impropre aussi, désormais, en pratique médicale honnête.

Littré n'avait-il pas dit, sans que sa parole trouve franchement écho dans le corps médical, que « la maladie est une réaction de la vie, soit locale, soit générale, soit immédiate, soit médiate, contre un obstacle, un trouble, une lésion » ?

Je ne croyais la possibilité d'appliquer le mot guérison, qu'à l'action qui consiste à se débarrasser d'un vice, d'une habitude, de passions ou de besoins contraires au bon sens, nuisibles à la santé, à la société, à la nature.


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La maladie fait plus de mal autour du malade qu'à lui-même.

Une boutade reproduite maintes fois, nous fixera sur ce point : Une maman appelant le médecin au chevet de son enfant, atteint de rougeole, demanda au médecin, une réduction du prix de sa consultation parce que son petit avait collé la rougeole à tous les enfants du quartier !

Dans la médecine (établissant son règne sur de telles incidences), comme dans la politique, tout est opportunisme, relativisme, irresponsabilité, intolérance, abus.

Quelqu'un a dit : « La cause du faible est un objet sacré ! » Oui, cela est vrai si on considère que le faible, et le malade peuvent entraîner, avec eux, le reste de l'humanité dans le marasme, dans le néant alors cela devient pressant pour les forts, de s'occuper du faible les menaçant de tout contaminer même les médecins. Aussi serait-il urgent de faire de l'École de Médecine une École de prévention du mal et non pas une École de constatation et d'exploitation du mal, dans l'individu et dans la société.

Déjà, le malade instruit vraiment de son mal, de ses fautes et de ses ignorances, qui se soignerait, apporterait plus de sécurité que les malades au comble de la résistance au mal, s'en remettant au médecin de la maladie, aussi ignorant qu'eux du secret d'une bonne santé. Et puis, il n'y a rien de plus dangereux qu'un bien portant qui ne se soigne pas ; ne vaut-il pas mieux lui préférer le malade qui se soigne ?

Voilà donc la question de se bien soigner posée ; mais nous n'aborderons pas la solution de ce problème, si pressant, avant d'avoir insisté sur le détail que nous allons exposer.

La maladie est un accès de fièvre réagissant contre le mal, en voie de constitution ou déjà constitué, avons-nous dit déjà, mais nous nous devons d'ajouter que cet état de fièvre est, lui-même, organisé par une succession de petits états de fièvre non enregistrés par un organisme insensible, ou stupéfié, ou anesthésié, par vice de mal vivre.

Celui qui fume, se « chloroformise » ; comment pourrait-il être sensible aux sommations les plus désespérées de sa santé aux abois ? Celui qui boit un seul verre de vin (falsifié ou non), un seul petit verre d'alcool, ou simplement une tasse de café, provoque sur l'instant, un état de fièvre qui peut être supérieur à celui lui signalant à temps, le danger d'une contamination ou d'une affection naissante. C'est ce qui explique pourquoi ce dernier dira ‒ à qui voudra bien l'entendre ‒ qu'il ne se ressent jamais de rien, qu'il a un estomac à digérer du mâchefer, etc., jusqu'au jour où...

Se soigner, veut dire : avoir de la sollicitude pour soi. Prendre soin de sa santé, c'est avoir de l'attention pour soi, de l'inquiétude pour son foyer, pour sa vie et de la présence d'esprit en face des dangers de la maladie.

Une personne « sans soin » nous montrera parfaitement, par renversement des rôles, ce que nous devons faire pour nous soigner. Attendre pour se soigner qu'on soit, très malade, ou simplement malade, ce n'est pas avoir de la sollicitude, de l'attention pour soi, ni faire montre de présence d'esprit.

N'être pas disposé ou capable de se soigner, c'est se mépriser, ne pas s'aimer et n'avoir ni le droit d'aimer ni la prétention d'être aimé ; fumer, s'alcooliser, c'est se placer dans ce cas.


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Se soigner, c'est échapper à l'esclavage des choses, pour s'évader de celui des hommes.

Se soigner, c'est rendre libres ses facultés sensorielles, pour être averti des moindres atteintes du mal et être en état de vaincre sans combats. Dans l'atmosphère putride des villes, sur les routes pétrolées des campagnes, par les eaux polluées des sources contaminées par l'industrie corrodant tout, le mal peut atteindre un homme, se soignant parfaitement, comme il atteindra un tout autre homme. Mais, c'est de la façon dont on se débarrasse du mal, de qui importe l'état de santé, et non pas de la façon dont on attrape ou supporte le mal.

Voilà en quoi diffèrent ceux qui se soignent de ceux qui ne se soignent pas.

En général, il faut se défier de celui qui déclare aimer mieux vivre « sa vie », pendant quelques années, plutôt que « végéter » pendant toute une vie... Ceux qui parlent ainsi sont des gens qui ne donnent espoir à aucun idéal, à aucune amitié, à aucun amour, à aucun espoir de s'élever, de vivre et éclairer l'avenir. Ce sont des « ventres », des « gueules », des « tubes digestifs à deux pattes », « des morts en sursis » desquels il fait bon s'écarter afin de les inviter, si possible, à la réflexion et se prémunir contre leur égoïsme maladif ou sadique...

La maladie vient se révéler sur le visage, en particulier, en y marquant les stades successifs des différents états qui la composent. Mais, combien sont nombreux ceux qui se font un visage par moyen de fards qui en transforment la nature ? Des gens bien portants se fardent, si maladroitement et si stupidement, qu'ils se font des physionomies de cancéreux, de pulmonaires, de cardiaques, de rénaux, de lymphatiques, de biliaires, rendant l'examen de leur visage difficile, à leur grand détriment.

Cependant, un mal signalé est un mal déjà dépisté ; la maladie aura d'autant moins d'acuité que la conscience organique ‒ le visage en est l'expression parlée ‒ aura été aidée, dans les secours réclamés, par les postes transmetteurs de ses appels. Une maladie qui cherche, en vain, à se signaler sur un corps insensible à ses sommations, verra l'énergie organique, propre à contenir le mal, dévier du point d'attaque et le mal accomplira, sans encombres, son œuvre jusqu'à son plein épanouissement.

Les symptômes du mal ne sont que les Indices des luttes que l'organisme livre aux éléments de morbidité, s'ajoutant, se succédant, dans l'ordre d'une évolution fatale, jusqu'à l'éclosion de la maladie. La maladie, c'est l'ouverture d'émonctoires supplémentaires à des fonctions ordinaires d'éliminations, trop encombrées, ou viciées dans leurs attributions.

La maladie, on le voit par tout ce qui précède, sera quelconque ; ce qu'il importe de savoir pour l'aider à réagir, c'est de connaître la nature des actions de vie de celui qui s'est livré au mal. Après ces renseignements obtenus, la lutte s'organisera automatiquement en ne la nourrissant plus de ses ordinaires pâtures. La maladie est toujours précédée d'états prédisposant à ses atteintes ; ces états correspondent tous à des erreurs alimentaires, à des abus qui, connus, permettent de prédire, longtemps à l'avance ‒ en tenant compte du passé pathologique du sujet ‒ l'affection qui résultera de ces causes de morbidité.

La maladie est toujours précédée, aussi, d'une certaine effervescence organique, marquant sur le visage une apparence trompeuse de bonne santé. Cet état peut durer quelques semaines, quelques mois ‒ voire même quelques années ! ‒ car la maladie ne s'organise pas d'un jour à un autre, elle couvera un certain temps, qui variera avec le pouvoir réactif du sujet.

Un cerveau abêti par des pensées morbifiques ou émasculatrices de l'intelligence organique, un estomac abruti par le faux-aliment et le surmenage qu'il réclame de celui qui en use, se verront condamnés dans le pouvoir, qu'ils ont, de signaler le moindre mauvais usage que l'on fait d'une vie.

Toutes les tares, toutes les maladies, avons-nous dit, se révèlent sur le visage humain.

Alliées au caractère, les maladies et les tares qui les créent, bien souvent, creusent les mêmes stigmates, les mêmes sillons, les faisant se révéler à un œil observateur, médecin ou non.

Le développement physique d'un sujet malade aura été marqué d'arrêts, de déficiences, de carences, comptant leurs altérations dans un visage.

L'éducation, elle-même, apporte, sur une physionomie, l'influence, bonne ou mauvaise, de ses principes.

Les indications héréditaires s'inscrivent en tête de liste du tout, marquant, plus spécialement, les défauts de nature sur lesquels s'échafaudent les affections nées des prédispositions fa tales.

Plus tard, les déformations professionnelles et le « physique de l'emploi » s'ajouteront, avec les traces des désastres causés par les vicissitudes de la vie contemporaine, à une foule d'indices compromettant l'harmonie, la régularité ou la normalité du visage.

Un petit adénoïdien (végétations nasales), un petit amygdalien (végétations du pharynx), un petit myxœdémateux, un petit candidat à l'acromégalie (augmentation considérable des extrémités), verront leur visage subir, graduellement, une transformation les moulant, sous l'empreinte de leurs affections dues, la plupart, à une mauvaise alimentation, de famille. Les malades du rein, du cœur, du foie, des poumons, de l'estomac, de l'intestin, de l'innervation, de la circulation, de troubles génitaux, afficheront sur leur visage, en lettres majuscules, la nature et la virulence de leurs maux.

L'examen de l'œil, des dents, des muqueuses, de la peau, de la forme et de la coloration du nez, des joues, des lèvres, offre le moyen de prévoir le mal avant son éclosion. Les oreilles, elles-mêmes, le cheveu, ont leurs attitudes pathologiques.

Pour connaître tout cela, j'ai passé une longue partie de ma vie à des études de sémiologie (art de dépister le mal) et je me suis, un jour, rendu compte que c'était trop de vanité de ma part, puisque je découvrais, enfin, qu'il ne suffit pas de dépister le mal, si on ne peut pas en détruire les causes profondes... 

‒ Louis RIMBAULT.