MARCHANDAGE n. m. (du bas-latin mercatans, mercadare, marchand)
Action de marchander. Forme de contrat de travail, qui consiste dans la convention, passée entre un sous-entrepreneur dit « marchandeur » ou « tâcheron », et les ouvriers qu'il emploie, à l'heure ou à la journée, pour l'exécution des travaux qu'il a sous-entrepris; le marchandage a pour conséquence l'abaissement des salaires de l'ouvrier.
Encycl. ‒ « Le marchandage est libre ou licite lorsqu'il intervient dans des conditions d'équité et procure à l'ouvrier un gain suffisant ; il devient au contraire délictueux lorsqu'il donne lieu à une exploitation dolosive des travailleurs par l'abaissement abusif du taux des salaires. Toute exploitation de l'ouvrier par voie de marchandage est punie de peines correctionnelles » (Larousse). Il ne faut jamais perdre de vue qu'en un temps de domination capitaliste les dictionnaires ne peuvent guère être que le reflet de la mentalité officielle et des conceptions de l'État. S'il est vrai que le marchandage avilit les salaires de l'ouvrier, et que ceux-ci doivent s'organiser pour être eux-mêmes leurs propres entrepreneurs, il n'est pas vrai que l'État punisse de peines correctionnelles « toute exploitation de l'ouvrier par voie de marchandage » ; et punirait-il ce cas d'exploitation, l'ouvrier n'en serait pas moins exploité par le premier entrepreneur, qui ferait travailler avec des contremaitres, et surveiller de très près leur travail. Le nombre des exploiteurs du seul producteur réel, l'ouvrier n'en serait pas diminué. Chaque fois que l'on examine une question sociale, économique ou non, il faut bien prendre garde à ne pas la séparer des autres questions, auxquelles elle est intimement liée, et avec lesquelles elle forme « la question sociale ». Les salaires (V. ce mot), sont basés davantage sur le coût de ce que l'on considère comme indispensable à la conservation relative de la force de travail de l'ouvrier, que sur le bénéfice que le patron retire de son exploitation.
L'existence du tâcheronat ou marchandage, prouve surtout quels bénéfices scandaleux tout entrepreneur prélève sur le travail de ses ouvriers, puisque un sous-traitant peut s'enrichir également. Au fond, tâcheron ou entrepreneur, sont, au même titre que l'intermédiaire commercial, des parasites. Avec un peu de bonne volonté, une éducation sérieuse et un esprit de camaraderie effectif, les ouvriers, sans attendre une Révolution dont on ne sait quand elle viendra, pourraient remplir à leur profit, le rôle d'entrepreneur et d'ouvrier, en formant des associations de production.
Mais quand la majorité des ouvriers se sentira capable d'œuvrer dans ce sens tant dans le domaine de la production que dans celui de la consommation, la Révolution sociale sera réalisée.
‒ A. LAPEYRE.