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MARINE n. f. (du lat. mare, mer)

Art. de la navigation sur mer. Ensemble des bâtiments grands et petits d'une nation.

Les premiers essais de navigation semblent avoir été faits par les Atlantes 3.000 ans environ avant J.-C., ils remontèrent tout le long des côtes et parvinrent, même jusqu'en Asie. Certains prétendent même, se basant sur les écrits d'historiens grecs, que chez eux, dans les ports, de petits bateaux se dirigeaient sans pilote comme sans rameurs, c'est ce qui donne corps à la croyance que les Atlantes connaissaient l'électricité et savaient employer les ondes.

Les Grecs ne commencèrent à s'aventurer sur mer que vers l'an 2700 avant J,-C. mais, ce n'est en réalité que vers l'an 600 avant J.-C. que la marine prit de l'importance par l'apparition des galères, lesquelles étaient actionnées par des équipes de rameurs, qui s'aventuraient sur mer, pour aller faire du commerce avec les autres continents et se battre à l'occasion ; c'est de cette façon que les Phéniciens fondèrent Carthage.

Le premier bateau qui surpassa toutes les galères établies jusqu'à ce jour fut construit 215 ans avant J.-C. sur l'ordre de Hérion II, roi de Syracuse, qui le destinait au transport des blés. Archius de Corinthe, en dressa les plans et Archimède lui-même assura la direction supérieure des travaux. Un certain Maschien, historien, raconte que ce bateau absorba plus de sapins qu'il n'en eût fallu pour construire une flotte de 60 galères, trois cents charpentiers travaillèrent sans cesse à la construction de ce monstrueux édifice qui fût nommé Alexandrin.

L'Alexandrin était un navire à voiles, mais surtout à rames, on lui donna trois ponts étagés l'un au-dessus de l'autre. Le pont supérieur restait libre ; l'on y fit asseoir les rameurs : le navire d'Archius était un navire à vingt rangs de rames.

Comme tous les bateaux de cette époque qui servirent en même temps pour le commerce et pour la guerre, la défense de l'Alexandrin était assurée par des tours dans lesquelles étaient placées des lithoboles qui lançaient à la distance de près d'une encablure des pierres du poids d'environ cent kilos. En cas de voie d'eau, la vis sans fin, inventée par Archimède, intervenait sur l'heure pour élever l'eau introduite dans la cale. Le navire était muni de quatre ancres en bois et de huit en fer; son premier voyage eut lieu de Syracuse à Alexandrie.

Peu de temps après, Ptolémée Philopala enchérissait encore sur la tentative hardie d'Archimède et d'Archius en faisant mettre en chantier un navire dont le mouvement était imprimé par quatre mille rameurs. Les dimensions du navire sont les suivantes : longueur du pont 130 mètres ; largeur 18 mètres ; 26 hommes tirent sur chaque aviron, lequel dépasse 17 mètres de long. L'équipage se compose de 400 matelots qui manœuvrent les voiles et les ancres et de deux mille huit cent cinquante épibates qui n'auront qu'à se préoccuper du combat, plus une troupe considérable occupée à tirer les vivres de la cale pour les distribuer aux rameurs, soit en tout un équipage de plus de huit mille hommes.

C'est à cette époque que les Égyptiens construisirent les premiers bassins de radoub.

Soixante ans plus tard, les Romains et les Gaulois se livraient un combat à Vannes qui s'appelait Vénète, sur des galères primitives.

Pendant des siècles, les moyens d'attaque et de défense des bateaux à distance ne se composèrent que de lithobole et des feux grégeois (ces feux inventés par des moines byzantins au VIème siècle avaient un effet terrible et l'eau n'avait comme pouvoir que d'en augmenter l'activité). Ce n'est que vers l'an 1515 que les navires furent armés de canons de bronze et de fer lançant des boulets.

Vers 1800, toutes les marines marchaient à la voile, ce n'est que vers 1844 que la vapeur fût appliquée à la marine militaire sur une grande échelle : bateaux à roues d'abord, comme l'on peut encore en voir quelques-uns dans le port de Malte ; puis la roue fut abandonnée pour faire place à l'hélice.

En 1860, Dupuy de Lôme construisit le premier bateau cuirassé blindé. Ce navire était terminé à lavant par un très fort éperon qui devait, à l'abordage, couper en deux les bateaux en bois existant à l'époque.

Peu à peu les ingénieurs modifièrent la forme et la puissance pour arriver au type Liberté, cuirassé d'escadre de 14.868 tonnes ; ce dernier fut détruit en rade de Toulon par une explosion qui se produisit le 25 septembre 1911, ensevelissant avec le navire environ 400 victimes.

Enfin, pendant la guerre 1914-1918 une nouvelle série dite « cuirassé d'escadre dreadnought » fut mise en service. Les unités du type Paris mesurent 165 mètres de long, 27 de large, jaugent 23.500 tonnes ; la puissance motrice de 26.200 chevaux est donnée par deux turbines ; la vitesse est de 20 nœuds, l'armement de 12 canons de 305 millim., 22 cartons de 140 millim. et 4 tubes lance-torpilles sous-marins.

L'équipage se compose de 1.200 hommes ; le service du bord, affecte l'activité d'une petite ville, avec ateliers, boulangeries, prisons, etc. La vie y est extrêmement pénible, la discipline stupide et rigoureuse ; ajoutez à cela la mauvaise nourriture, et vous saurez pourquoi presque toujours une révolution commence par la révolte des marins.

Ces formidables forteresses, sur lesquelles comptaient les militaristes jusqu'au-boutistes pour écraser l'ennemi, firent preuve d'une impuissance totale, étant à la merci des torpilleurs, petits bâtiments légers, dont les plus grands atteignent environ 100 mètres, et principalement des sous-marins dont la dimension varie entre 30 et 100 mètres et l'équipage entre 12 et 80 hommes. Ces petits bâtiments naviguent en surface et plongent pour attaquer l'adversaire ; ils se dirigent en plongée au moyen du périscope ; une seule torpille lancée au bon endroit suffit pour anéantir un cuirassé moderne et les millions qu'il représente et engloutir tout l'équipage.

Certains affectent de voir dans les progrès réalisés tant dans la construction des bateaux, que dans leur vitesse et armement, le triomphe de la science domptant les éléments. Quoique ce raisonnement soit exact dans une certaine mesure, ce qu'il faut surtout retenir, c'est, comme toujours, le fait que les découvertes de la science sont utilisées ici au seul service de la malfaisance et de la destruction, la marine de guerre n'ayant d'autre rôle que de porter au loin l'asservissement, la misère et la mort aux peuples faibles, qui ne demandent qu'à conserver leur indépendance. La colonisation, en attendant les guerres d'envergure, est le champ « pacifique » d'activité des ruineux monstres marins.

La marine marchande est ainsi dénommée parce qu'elle sert au transport des marchandises en même temps que des passagers. Elle englobe tous les bâtiments, petits et grands, se livrant au commerce, depuis les petits voiliers caboteurs (ne s'éloignant guère des côtes) jusqu'à leurs grands frères : les voiliers, à 5 mâts qui se font de plus en plus rares.

Une autre catégorie désignée à part sous le nom de bateaux de pêche, comprend les petits voiliers avec trois ou quatre hommes et aussi les Terre-Neuvas, beaucoup plus importante, qui partent chaque année pêcher la morue à Terre-Neuve, et les chalutiers à vapeur se livrant à différentes pêches.

Enfin les bateaux à vapeur qui sillonnent les mers en tous sens, depuis le cargo-boat de 100 mètres environ affecté au transport du charbon et du pétrole jusqu'aux grands bâtiments mixtes qui transportent marchandises et passagers, et dont certains, comme Le Foucault, atteignent 150 mètres de long, 18 mètres de large, déplacent 14.624 tonneaux, comportent 195 hommes d'équipage, et possèdent une force motrice de 6.900 chevaux et deux hélices actionnées par deux machines à triple expansion.

Nous arrivons enfin aux super transatlantiques, genre Lutetia, qui effectuent les grandes traversées. Un tel bâtiment mesure 217 m. 50 de long sur 28 mètres de large. Le tonnage est de 39.900 tonnes. La force motrice propulsée au moyen de turbines à vapeur atteint 52.400 chevaux et permet une vitesse de 23 nœuds. On vient de lancer le super-paquebot Atlantique, destiné au service Bordeaux-Buenos-Aires, qui mesure 225 mètres de long.

Le luxe réalisé à bord pour l'agrément des riches passagers est inouï. L'on y trouve des jardins d'hivers, des salles de jeux, concerts, dancings, des courts de tennis, des appartements et des salons d'un confort aussi élégant que les plus opulents hôtels particuliers.

En nous reportant au premier bateau construit par Archimède, 215 ans avant J.-C., nous voyons que les dimensions sont restées sensiblement les mêmes ; par contre la vapeur a remplacé la voile, décuplant ainsi la vitesse et rapprochant de ce fait les continents.

Si nous envisageons la peine des hommes, nous constatons que peu de chose a été fait pour diminuer leurs souffrances. Autrefois, ils tiraient sur l'aviron, pendant que les maîtres se prélassaient sur le pont dans la contemplation des étoiles ou recevaient les baisers des femmes. Aujourd'hui, pendant qu'au son du jazz, les épidermes se frôlent et que les lèvres s'humectent dans l'étreinte et la possession, tout au fond de cette ville flottante, les soutiers enfouis dans les cales étouffantes et armés d'une pelle amènent sans trêve le charbon que les chauffeurs précipitent sans arrêt, dans la gueule des immenses chaudières qui produisent la vapeur pour actionner machines et turbines. Ces hommes sont nus, couverts de sueur ; la poussière de charbon vient se coller sur leur corps ; ils sont plus noirs que des Africains. Ce travail si pénible et malsain est, selon la coutume, mal rétribué et ceux qui l'accomplissent méritent bien le nom de modernes forçats de la mer. 

‒ Georges CHÉRON.