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MÉTALLURGIE n. f. (et MÉTAUX) (du grec métallon : métal et ergon : ouvrage)

Les métaux, à l'exception de quelques-uns tels que l'or, l'argent, le platine, ne se trouvent pas dans la nature à l'état natif ou pur. Ils se rencontrent à l'état de combinaison avec des agents minéralisateurs. Ces composés naturels se nomment minerais. L'art d'extraire le métal du minerai et de le rendre propre aux multiples usages auxquels il est destiné prend le nom de métallurgie.

Technique. ‒ On emploie actuellement deux traitements pour extraire les métaux : 1° traitement chimique, par voie sèche ou par voie humide ; 2° traitement électrique.

Le traitement chimique est de beaucoup le plus utilisé. Comme il est le plus anciennement connu, on est arrivé, par des améliorations successives, à le doter d'un outillage considérable parfaitement au point. Il a, d'autre part, l'avantage d'être le plus économique.

Le traitement électrique n'est pratiqué que dans les régions où le courant électrique coûte très bon marché, et pour certains métaux seulement. Mais quel que soit le traitement du minerai, chimique ou électrique, le métal fourni par la première opération – sauf pour la fonte grise – n'est jamais pur. Pour l'affiner on lui fait subir un ou plusieurs autres traitements, chimiques ou électriques, qui différent avec la nature du métal.

Le fer. – La métallurgie du fer (sidérurgie) est, de toutes, la plus importante étant donné qu'on utilise ce métal dans toutes les industries, dans des proportions variables mais toujours considérables.

La chimie indique que le fer est un corps simple, mais pratiquement, dans l'industrie, cette appellation est étendue aux métaux combinés dont le fer est l'élément essentiel. La combinaison, en proportions plus on moins grandes, du carbone, du silicium, du phosphore, du soufre, du manganèse, du nickel, de l'arsenic, de l'antimoine, du chrome, etc... avec le fer en modifie les propriétés et donne naissance à des métaux absolument différents, classés dans deux groupes principaux : 1° les fontes ; 2° les fers et les aciers.

Les métaux renfermant des corps étrangers au fer dans des proportions assez fortes (2,6 p. 100 et plus) sont classés dans le premier groupe ; Ceux qui contiennent des proportions infimes de corps étrangers au fer, appartiennent au second groupe. Leurs propriétés sont totalement différentes.

La fonte se liquéfie à basse température sans passer par un état intermédiaire entre l'état solide et l'état liquide. Son point de fusion est d'environ 1200°. Elle n'est pas malléable, même à chaud, si bien que lorsqu'on veut modifier la forme d'une pièce en fonte il est indispensable de la faire fondre et de la couler dans un moule de forme appropriée à l'usage désiré.

À l'inverse de la fonte, les fers et les aciers connaissent un état intermédiaire entre l'état solide et l'état liquide. Lorsqu'on les chauffe, ils passent, bien avant d'atteindre leur point de fusion, à l'état pâteux où ils deviennent malléables et peuvent changer de forme sous un effort mécanique. Le point de fusion des fers et des aciers croît en proportion de la pureté du métal mais n'est jamais inférieur à 1500°.

Ces deux classes principales se subdivisent à leur tour en catégories ou spécialités. La première, celle des fontes, en : fonte grise et fonte banche ; la seconde, celle des fers et aciers, en : fers soudés et aciers fondus.

Fonte grise. – La fonte grise est appelée ainsi à cause de sa couleur qui varie du gris clair au gris foncé. Elle est particulièrement employée pour les pièces moulées de mécanique à cause de sa très grande fluidité lorsqu'elle est en fusion (1200°) ; pour la construction de certains appareils nécessaires à l'industrie chimique à cause de sa résistance (supérieure à celle du fer et de l'acier) aux agents chimiques ; à la construction des masses polaires de dynamos en raison de sa possession d'une certaine force coercitive. Sa teneur en carbone combiné est relativement faible (0,5 à 2 p. 100) s'étant séparé au refroidissement pour se former en graphite (1,3 à 3,7 p. 100). Elle contient également du silicium dans les proportions de 2 à 4 p. 100. Sa densité varie entre 6,8 et 7.

Fonte blanche. – De couleur blanc d'argent, cette fonte est lourde (densité 7,5 à 7,7) cassante et dure. Elle est impropre à l'usinage mécanique et sert presque exclusivement à la fabrication du fer et de l'acier. Son point de fusion est d'environ 1100°. Sa teneur en carbone combiné est de 2 à 3 p. 100 et en graphite de 0,2 à 0,5 p. 100.

Fers soudés. On comprend sous cette appellation les fers qui prennent naissance à l'état pâteux et ne sont pas totalement expurgés de leurs scories. Ils sont constitués par des grains formés isolément et soudés ensemble. Les fers soudés sont peu résistants et ne prennent pas la trempe. Leur teneur en carbone est de moins de 0,5 p. 100.

Aciers fondus. – À la différence des fers soudés, les aciers fondus prennent naissance à l'état liquide et sont débarrassés de la totalité de leurs scories. Ils sont homogènes et très résistants, ils prennent la trempe. Leur teneur en carbone est de au moins 0,5 p. 100. Les fers et les aciers fondus se substituent de plus en plus aux fers soudés.

Indépendamment de ces deux catégories principales, il y a les fontes spéciales obtenues par alliages telles que les ferro-siliciums (fer et silicium) les ferro-manganèses (fer et manganèse), les ferro-chromes (fer et chrome), les ferro-tungstènes (fer et acide tungstique), les ferro-nickels (fer et nickel), les ferro-molybdènes (fer et acide molybdène), les ferro-vanadiums (fer et oxyde de vanadium), les ferro-aluminium (rognures de fer et aluminium). Ces alliages servent presque exclusivement à la fabrication de l'acier dans lequel ils sont en combinaison dans des proportions déterminées, lui donnant ainsi des propriétés spéciales très intéressantes. Ces combinaisons de fontes spéciales donnent naissance à toute une gamme d'aciers fondus spéciaux. Lorsqu'on ajoute à l'acier un seul élément nouveau, il est dit ternaire ; lorsqu'on y ajouté deux éléments, il est dit quaternaire. Ainsi le ferro-nickel (ternaire), combiné avec l'acier augmente la résistance de celui-ci sans en augmenter la fragilité. La présence simultanée dé ferro-tungstène et de ferro-chrome dans l'acier (quaternaire) permet de le porter au rouge sans lui faire perdre de sa dureté ni de sa résistance ; cette propriété le recommande pour l'exécution de travaux où le frottement échauffe l'outil, soit par la vitesse, soit par la dureté. Cet acier quaternaire est appelé ordinairement acier à coupe rapide.

Le haut-fourneau. – Le fer est très répandu sur notre globe à l'état d'oxydes et de carbonates. L'extraction du métal s'obtient par la réduction de l'oxyde de fer par l'oxyde de carbone produit au moyen du coke dans le haut-fourneau. Le coke étant employé comme agent réducteur constitue donc une matière première dans la métallurgie du fer.

Comme nous l'avons dit plus haut on obtient pas le fer immédiatement après le premier traitement. La réduction du minerai de fer en haut-fourneau (traitement chimique) donne la fonte, produit intermédiaire entre le minerai et le fer.

L'oxyde de fer à réduire n'est jamais pur, il est toujours mêlé de matières argileuses (silicate d'aluminium impur), siliceuses ou calcaires selon la nature du gite et qui constituent ce qu'on nomme la gangue. Comme ces matières qu'il faut séparer du fer (oxyde de fer réduit) sont non-réductibles, la séparation ne peut s'opérer qu'en les transformant en substances fusibles susceptibles de s'écarter du métal par leur différence de densité. À cet effet, on ajoute au minerai les éléments qui manquent à sa gangue pour former des silicates plus fusibles (silicates d'aluminium et de calcium). La matière ajoutée prend le nom de fondant ; c'est l'argile pour les minerais calcaires et le calcaire pour les minerais argileux. Le mélange du minerai de fer et du fondant se nomme lit de fusion, et la gangue ainsi fondue s'appelle laitier.

Le haut-fourneau est un grand four vertical formé par deux troncs de cône réunis par leur base et formant une cuve de 15 à 30 mètres de hauteur selon l'importance de la production, et d'un petit cylindre placé à la partie inférieure : le creuset. L'ouverture dû sommet s'appelle gueulard, elle porte une trémie assurant l'ouverture et la fermeture du haut-fourneau et par laquelle sont introduits le coke, le minerai et le fondant ; Le tronc de cône supérieur le plus grand, constitue la cuve proprement dite ; le tronc de cône inférieur forme les étalages. Les cônes sont formés de deux parois entre lesquelles on place des fragments de briques afin de permettre la libre dilatation de la cuve. La paroi inférieure est faite en briques très réfractaires, la paroi extérieure est construite en maçonnerie légère et armée de cercles de fer à l'extérieur.

Lorsque le haut-fourneau est chaud (24 heures après l'allumage) on introduit par le gueulard, en couches successives, le coke et le minerai (celui-ci mêlé de fondant), puis on envoie de l'air chaud (800° environ sous une pression de 25 centimètres de mercure) par les tuyères qui débouchent immédiatement sous les étalages, dans l'ouvrage. Cet air chaud qui réagit sur le charbon au rouge en le portant aux environs de 2000° forme le gaz carbonique. Ce gaz rencontre bientôt du carbone en excès qui le ramène à l'état d'oxyde de carbone. Lequel oxyde traversant la couche de minerai le réduit tout en se transformant partiellement en gaz carbonique ; gaz carbonique qui rencontre de nouveau, en traversant la couche de charbon supérieure, un excès de carbone qui le ramène à l'état d'oxyde. Ces transformations successives du gaz carbonique en oxyde et de l'oxyde en gaz s'opèrent de couches en couches jusqu'à la hauteur du gueulard où les gaz constitués par un mélange d'azote, d'anhydride carbonique et d'oxyde de carbone sortent à une température d'environ 400° pour se rendre dans les appareils de récupération. Cela constitue la marche ascendante des gaz.

Les matières solides : minerai, fondants, coke, qui sont chargées de temps à autre, dessèchent dans la partie supérieure du haut-fourneau. Dans la partie inférieure de la cuve et au ventre s'effectue la réduction de l'oxyde de fer par l'oxyde de carbone. Dans les étalages où la température varie entre 1.600° et 1.700° le fer se combine au carbone en excès et donne la fonte, alors que le laitier se forme par la combinaison de la silice, de l'alumine et de la chaux. Le laitier, étant fusible à la température où l'on opère, descend dans le creuset avec la fonte à l'état de fusion et, plus léger que cette dernière, il surnage. Comme deux trous sont ménagés, l'un au fond du creuset, l'autre à un niveau plus élevé, il suffit de les délivrer de leur bouchon d'argile pour que la fonte s'échappe par le premier et les scories, plus légères, par le second. Cela constitue la marche descendante des matières solides.

Par ce traitement au haut-fourneau on obtient la fonte blanche et les fontes spéciales destinées, après affinage, à donner les fers et les aciers et la fonte grise de moulage. La nature de la fonte obtenue dépend essentiellement : de la composition chimique du minerai employé ; du lit de fusion ; de la température qui règne dans la zone de fusion et de la vitesse de refroidissement pendant la solidification.

L'affinage a pour but d'éliminer la plus grande partie des corps étrangers que nous avons signalés plus haut et qui se trouvent dans la fonte en combinaison avec le fer. Il repose sur l'oxydation de ces corps par l'oxygène de l'air ou par les oxydes de fer, les impuretés étant plus oxydables que le fer. Ce traitement s'effectue selon différents procédés : le four Martin-Siemens, le convertisseur Bessemer et le traitement basique de Thomas et Gilchrist. Cet article est déjà trop technique pour que nous nous permettions de décrire chacun de ces procédés. Il nous suffira de signaler que l'amélioration qu'apportèrent au convertisseur Bessemer les anglais Thomas et Gilchrist en 1875, aboutissant à l'élimination du phosphore, a permis l'utilisation du minerai phosphoreux jusqu'alors inutilisable. Pour obtenir les aciers spéciaux on ajoute, dans des proportions déterminées, les éléments indispensables à la combinaison désirée.

Cuivre. – Le cuivre est, après l'argent, le meilleur métal conducteur de chaleur et d'électricité. Comme il est moins rare que l'argent, partant meilleur marché, on l'emploie chaque fois qu'on a besoin d'un bon conducteur calorifique ou électrique. Aussi est-il fait une grande consommation de cuivre, dans les industries électriques, la fabrication des chaudières, d'alambics, d'appareils de distillerie, de raffinerie, etc...

On rencontre le cuivre dans la nature, à l'état d'oxyde, de carbonate, mais surtout de sulfure. Le cuivre natif, très peu oxydé, est simplement soumis à la fusion dans un four à réverbère. À l'état d'oxyde le minerai est réduit par le coke en présence d'un fondant.

La métallurgie des minerais sulfurés est, pratiquement, plus compliquée. Voici quel en est le principe : le minerai est soumis successivement à des grillages et à des fusions répétés jusqu'à l'obtention d'un cuivre impur. Au cours des grillages, le soufre, l'arsenic, l'antimoine se trouvent partiellement brûlés. Le gaz qui se dégage pendant ces opérations est transformé ordinairement en acide sulfurique. Dans la fusion on ajoute au minerai grillé des produits siliceux dont le rôle consiste à se combiner à l'oxyde de fer, qu'il contient en faible proportion, pour former des silicates fusibles. La masse fondue se sépare en deux parties : une scorie formée par les silicates et de plus faible densité et la matte de sulfure cuivreux. Cette matte subit de nouvelles fusions jusqu'à l'obtention d'un cuivre noir qui est ensuite affiné ou purifié soit par électrolyse, soit par une nouvelle fusion.

Le cuivre pur est de couleur rouge ; son point de fusion est de 1085° ; à 2100° il bout ; sa densité est de 8.85. À l'air humide il se recouvre d'hydrocarbonate de cuivre appelé communément vert-de-gris. Après le fer, la fonte et l'acier, le cuivre est le métal le plus employé soit à l'état pur, soit en alliages. Les principaux alliages de cuivre sont les bronzes (cuivre et étain) et les laitons (cuivre et zinc).

Pour les autres principaux métaux qui viennent, par leur importance dans la vie industrielle, après le fer, la fonte, l'acier et le cuivre, nous nous bornerons à une simple énumération accompagnée de leurs propriétés essentielles.

Le Plomb. Le plomb est un métal gris bleuâtre, mou, très malléable, ductile. Il fond à 327° et bout à 1250°. Sa densité est de 11,2. L'Étain. L'étain est blanc d'argent avec reflet bleuâtre, c'est le plus fusible des métaux (point de fusion 232°). Son point d'ébullition est d'environ 2.170° et sa densité 7,22. Le Zinc. Le zinc est un métal d'un blanc bleuâtre qui fond à 412° ; sa densité est de 6,8. L'Aluminium. Métal blanc légèrement bleuté, fond à 650°. C'est le métal usuel le plus léger (densité 2,5). Il est ductile et malléable. Le Mercure. Liquide blanc et très brillant, il est l'un des métaux les plus lourds (densité 13,51). Il se solidifie à - 39°5 et bout à + 357°. Le Platine. Le platine est blanc lorsqu'il est aggloméré et noir lorsqu'il est en poudre. C'est le métal le plus lourd (densité 21,5), son point de fusion se situe aux environs de 1780°. Étant inoxydable et inattaquable par les acides il est très employé dans la chimie et la physique. L'Or. À l'état pur, métal jaune clair, il est mou et le plus ductile et malléable de tous les métaux. Sa densité est de 19,5. Il fond à 1065° et bout à 2800°. Comme le platine il est inoxydable. L'Argent. Métal d'aspect blanc éclatant qu'il doit à son grand pouvoir réfléchissant ; sa couleur véritable est jaune. Sa densité est de 10,5. Après l'or, il est le plus malléable et le plus ductile des métaux. Son point de fusion est de 962° et d'ébullition 1850°.


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Alors que les minerais, et particulièrement le minerai de fer, sont répandus dans toutes les parties du globe, très peu de pays possèdent une métallurgie importante. Cela tient à deux facteurs : l'absence de houille en quantité suffisante et les difficultés d'accession pour l'exploitation.

Comme nous l'avons remarqué dans le chapitre précédent, la métallurgie emploie comme matière première non seulement le minerai, mais aussi le charbon. D'où la nécessité, pour produire les métaux dans de bonnes conditions, d'avoir abondamment dans une même région et la houille et le minerai. Comme cette condition n'est pas toujours réalisée par la nature, la métallurgie s'est développée surtout dans les grands bassins houillers et à proximité des grandes voies maritimes ou fluviales, le minerai allant à la rencontre de la houille parce que de moindre valeur. Il arrive même quelquefois que les hauts-fourneaux, les forges et les aciéries s'établissent dans des régions dépourvues de houille et de minerai, au voisinage de ports situés sur les grandes voies maritimes. La houille et le minerai matières encombrantes et de valeur relativement faible, ne sont transportés dans des conditions avantageuses et en grosses quantités que par voie d'eau, le transport par voie ferrée, outre qu'il est encombrant, est trop onéreux.

Il n'est guère que les États-Unis qui possèdent dans leur sous-sol la houille et les minerais nécessaires à leur métallurgie gigantesque. Les autres pays qui ont une métallurgie importante sont obligés d'importer soit la houille, soit le minerai qui leur manque en échange de l'une ou de l'autre de ces matières qu'ils ont en excès. C'est le cas pour l'Angleterre, l'Allemagne, la France, la Belgique. Aussi la métallurgie de ces pays s'est-elle établie auprès des grandes voies maritimes ou fluviales comme nous le verrons plus loin.

Nous avons déjà dit que le fer est le métal le plus usité à travers le monde. En 1925, la production mondiale de minerai de fer a été de 150 millions de tonnes, dans laquelle la part des États-Unis s'est élevée à 63 millions de tonnes, soit 42 %. Sur cette part il n'a été pour ainsi dire rien exporté. La métallurgie indigène fut tout juste approvisionnée par cette masse énorme de minerai.

La situation géographique des États-Unis et la disposition naturelle des richesses de leur sous-sol sont, peut-être plus encore pour la métallurgie que pour les autres industries, véritablement exceptionnelles. Les grands gîtes métallifères de Vermillon, de Mésabi, de Cuyana, dans le Minnesota, sont à proximité du Grand Lac Supérieur, comme d'ailleurs les gisements de Gogebic, de Marquette et de Ménominee, dans le Wisconsin, alors que les grands bassins houillers, qui s'étendent en une large bande ininterrompue depuis l'État de New-York jusqu'à celui de Tennessee, se trouvent à l'autre extrémité des Grands Lacs. C'est sur cette bande de 500 000 kilomètres carrés que s'est installée pour une grosse part la métallurgie américaine.

Le minerai du Minnesota vient se concentrer dans les ports de Two Harbourg, Supérieur City et, surtout, de Duluth aménagés spécialement pour le recevoir. D'autres ports également agencés à cet effet tels que ceux d'Asholand et de Marquette reçoivent le minerai du Wisconsin.

Les lacs américains n'ont aucune analogie avec ceux que nous connaissons en Europe ; ce sont de véritables mers intérieures dont la profondeur a permis aux États-Unis de construire toute une flotte de cargos de gros tonnage affectée spécialement au transport du minerai ou de la houille. Ainsi les minerais chargés à Duluth ou à Marquette – ports d'expédition – sont acheminés : par le lac Michigan, vers Milwaukee, Chicago, Gary ; par le lac Huron, vers Detroit ; par le lac Erie, vers Teledo, Sandusky, Cleveland, Buffalo, etc..., ports de débarquement du minerai et centres métallurgiques importants. Dans l'Alabama, le Colorado, le Texas, le Montana, il existe encore d'autres centres aussi bien avantagés que ceux que nous venons de citer.

Si la métallurgie américaine absorbe une grosse quantité de minerai, elle exporte très peu de fonte, de fer et d'acier – à peine 2 millions de tonnes – en proportion de sa production. Celle-ci est totalement résorbée par les industries mécaniques indigènes dont le rythme de production, s'accentuant d'année en année, n'est pas le moindre sujet d'effroi pour les industriels du vieux monde qui appréhendent d'être submergés sur leurs propres marchés nationaux par les quantités considérables des produits manufacturés de la métallurgie que les États-Unis expédient à destination des cinq parties du globe sous forme de machines-outils, agricoles, à écrire, outillage, automobiles, etc...

La France possède après les États-Unis, la plus grosse métallurgie du monde et elle tient la première place en ce qui concerne l'exportation des fontes des fers et aciers. En 1925, elle a exporté 710 000 tonnes de fontes diverses et 3 millions 160 000 tonnes de fers et aciers. La France n'a acquis cette situation privilégiée sur marché métallurgique qu'à la faveur du traité de Versailles qui lui a fait retour, dans son domaine territorial, de l'Alsace-Lorraine avec ses riches minerais du bassin de Briey qui portent sa production extractive à 35 740 000 tonnes, soit 24 % de la production mondiale et un peu plus de la moitié de celle des États-Unis, après laquelle elle est la plus importante du monde.

Mais la France, si elle a beaucoup de minerai de fer, a, par contre, très peu de charbon ; elle doit le demander à l'Angleterre, à l'Allemagne et à la Belgique.

Naturellement la métallurgie française subit la loi économique commune, et ses hauts-fourneaux comme ses forges et aciéries se sont installés auprès des charbonnages ou aux environs des grandes voies maritimes et fluviales. C'est dans la région de l'Est – près de la frontière franco-allemande – que se trouvent les plus importants gîtes métallifères de la France. Les départements de la Meurthe-et-Moselle et de la Moselle sont les plus gros producteurs de minerai de fer avec les groupes de Nancy, Champigneules, Frouard, Pompey, Jœuf, Homécourt, Hayange, Briey, etc... Dans la région nancéenne il n'y a pas de charbon, mais ces hauts-fourneaux reçoivent les charbons allemands de la Ruhr et de la Sarre que leur apportent la flotte de péniches allemandes par les canaux de la Marne au Rhin et de la Sarre. Venues le ventre rempli de houille, ces péniches s'en retournent à leur port d'attache – Duisbourg, Dusseldorff, etc... – le ventre plein de ce minerai lorrain qui manque aujourd'hui à la métallurgie allemande. Le trafic dans les deux sens est considérable ; pour être moins intense, celui qui s'effectue sur le canal de l'Est est également important. Par péniches, le charbon belge descend le canal de l'Est à destination de tout le bassin de Briey. Au retour, les mêmes péniches remportent le minerai lorrain vers le centre métallurgique de Charleroi, en Belgique. En France, c'est surtout à la rencontre du charbon des bassins du Nord que va le minerai de l'Est. Là, la métallurgie, outre qu'elle y trouve le coke, est entourée d'industries de transformation capables d'absorber sa production Aussi s'est-elle fortement concentrée dans la région du Nord, à Maubeuge, Jeumont, Anzin, Valenciennes, Denain, Lille, Hazebrouck, pour ne citer que les centres les plus importants.

Plus bas sur la côte de la Manche, dans la région havraise, qui n'a ni charbon ni minerai, la métallurgie a dressé ses hauts-fourneaux et ses aciéries. C'est que là le charbon anglais arrive facilement par la mer tout comme le minerai normand situé plus bas sur la côte, dans le Calvados. Les gisements de Normandie (Caen) et de Basse-Bretagne (Redon) fournissent des minerais très riches en teneur et de grande pureté qui les font rechercher par la métallurgie anglaise spécialisée dans la production d'aciers spéciaux requérant des minerais purs. D'ailleurs ces deux gisements français, après avoir alimenté la métallurgie des régions havraise et nantaise et quelque peu celle du Nord, expédient l'excédent de leur production, par Nantes, à Cardiff et par Caen, à Newcastle, en Angleterre. Il est même une partie de ces minerais qui remonte jusqu'à Rotterdam, à l'embouchure du Rhin et descend celui-ci à destination de l'Allemagne.

D'autres gîtes métallifères de moindre importance sont disséminés à travers la France. On rencontre du fer dans le Centre, l'Ariège, les Pyrénées-Orientales, mais relativement peu de métallurgie dans ces contrées si l'on excepte, en Saône-et-Loire, le centre du Creusot, universellement connu qui reçoit une grande partie de son minerai de l'Est par le canal du Sud et par la Saône et son charbon des bassins de la Loire, par le canal du Centre.

Quoique première puissance exportatrice de fontes et d'aciers, la France n'épuise pas ses capacités de production métallurgique et vend annuellement à d'autres pays 9 millions de tonnes de minerai de fer qu'elle ne peut transformer sur place, faute de charbon. La France est donc également la première puissance exportatrice de minerai de fer.

À l'inverse de la France, l'Angleterre, qui possède dans son sous-sol une réserve prodigieusement riche de charbon, n'a pas suffisamment de fer pour sa métallurgie qui est dans l'obligation d'importer presque le tiers du minerai indispensable au fonctionnement de ses hauts-fourneaux. Malgré cela, l'Angleterre a su, grâce à sa situation géographique, à sa richesse charbonnière et à une organisation commerciale admirable, se doter d'une puissante métallurgie qui fut longtemps la première du monde, et qui, quoique actuellement au troisième rang, rivalise dans le domaine de l'exportation avec la métallurgie française en se classant immédiatement après elle par l'importance du tonnage.

En Angleterre la nature a disposé le fer près de la houille et les bassins houillers près de la mer, à l'exception de celui du Yorkshire qui s'en trouve à peine éloigné de 150 kilomètres. La métallurgie a donc pu, très tôt, se développer dans de bonnes conditions. Pour le minerai qui lui manque, 4 millions de tonnes en 1925, l'escadre importante des charbonniers anglais se charge de le drainer dans les pays, proches ou lointains, où elle dépose sa cargaison de charbon britannique. Ainsi, le minerai constitue-t-il pour cette flotte spécialisée un fret de retour avantageux.

De Suède, à Luléa et Stockolm, les charbonniers anglais, appelés aussi colliers, emportent vers Newcastle et Hull les minerais scandinaves riches et purs, mais trop abondants pour leur pays d'origine. De Caen, en France, encore vers Newcastle, ils emportent les minerais normands, et de Nantes, vers Cardiff, ceux de la Bretagne.

L'Espagne, qui extrait de son sous-sol 3 millions de tonnes de minerai de fer et en utilise à peine le sixième, fournit également un très avantageux fret de retour aux colliers anglais. Enfin, l'Algérie, démunie de charbon, reçoit celui de l'Angleterre en échange des beaux minerais du Zaccar et de l'Ouenza.

Tous ces minerais étrangers joints au minerai indigène, alimentent les centres métallurgiques d'Edimbourg, de Newcastle, de Middlesbrough, de Hull, sur la Mer du Nord ; de Glasgow, de Workington, de Withe­ hayen, de Liverpool, de Cardiff, de New-Port sur l'Atlantique ; ainsi que les fiefs métallurgiques de Manchester, de Sheffield, de Nottingham, de Birmingham au Centre.

Toutefois, si l'Angleterre exporte presque autant de produits bruts de la métallurgie que la France, sa production totale est beaucoup moindre – à peine 8 millions de tonnes contre 14 millions pour la France.

En Europe, c'est l'Allemagne qui produit le plus de fontes et d'aciers après la France. Pour les exportations elle arrive après la France et l'Angleterre avec 3 250 000 tonnes. Par contre, depuis le traité de Versailles qui l'a amputée du gisement lorrain (celui-ci fournissait, avant-guerre, 80 % de la production allemande) au bénéfice de la France, l'Allemagne est le pays qui achète le plus de minerai de fer à l'étranger. En 1925, 11 millions et demi de tonnes.

Comme l'Angleterre, l'Allemagne possède plus de charbon qu'il n'en faut à ses industries. Ses bassins houillers de la Saxe et de la Haute-Silésie restée allemande approvisionnent le marché national. Le charbon de la Ruhr, après avoir alimenté la région rhéno­ westphalienne, remonte, pour une bonne part, le cours du Rhin sur une magnifique flotte fluviale vers les centres métallurgiques français de la Meurthe-et-Moselle, par le canal de la Marne au Rhin. Pour une autre part le charbon de la Ruhr descend le Rhin vers Rotterdam et Anvers d'où de grands cargos le mèneront dans les pays scandinaves qui enverront, au retour, du minerai.

La métallurgie allemande s'est installée sur le bassin rhénan-westphalien dont Essen, Bochum, Gelsenkirchen et Dortmund sont les groupes les plus fameux ; en Saxe et en Thuringe dans les centres de Smalkalden, Zwickau et Saalfeld ; enfin, dans la partie de la Haute-Silésie restée allemande, dans les districts de Beuthen et de Gleiwitz.

Les États-Unis, la France, l'Angleterre et l'Allemagne sont les quatre grands pays de la métallurgie du fer – la plus importante, répétons-le – ; viennent ensuite le Luxembourg, la Belgique, le Canada, la Suède, l'Espagne, la Russie, la Tchécoslovaquie, l'Italie. En ce qui concerne les autres métaux, les États-Unis sont les plus gros producteurs pour : le cuivre (58 % de la production mondiale), le plomb (43 %), le zinc (60 %), l'aluminium (57 %), l'argent (30 %). Ils arrivent après l'Afrique du Sud (41 %) dans la production de l'or avec 15 % de la production mondiale.

La France produit peu de cuivre (0,08 % de la production mondiale), peu de plomb (2 %), peu de zinc (2 %), pas d'or ni d'argent mais 6,6 % d'aluminium.

L'Angleterre a très peu de cuivre mais en reçoit de ses Dominions – le Canada en produit 3,4 %, l'Australie 2 % et les Indes Britanniques 2,5 %, toujours de la production mondiale. Faible productrice de plomb, l'Angleterre le trouve également dans ses colonies – Canada 3,5 %, Australie 6,6 %, les Indes 4 %. Sa production de zinc n'est guère supérieure à celle de la France, sa production d'aluminium lui est même inférieure (6 %). Si l'Angleterre ne produit ni or ni argent, ses colonies en sont largement pourvues (Afrique du Sud 41 % d'or, Australie 7 % d'or, 5 % d'argent, canada 4,6 % d'or, 7,7 % d'argent).

L'Allemagne produit du cuivre (3,3 %), du plomb (9 %), du zinc (15 %), de l'aluminium (10 %). La Belgique produit du zinc (12 %) et du plomb (3,5 %). La Norvège fournit aussi du zinc (2 %) et de l'aluminium (4,6 %). L'Espagne est un gros producteur de plomb (16 %). Le cuivre, plutôt rare en Europe, se trouve dans les deux Amériques ; outre les États-Unis avec leurs 58 % de la production mondiale, le Mexique donne 6 %, le Chili 8 %, le Pérou 4 %, la Bolivie 1 %, Cuba 1 %. En Afrique, le Congo en donne 2,3 %. Enfin le Japon produit près de 8 % de la production mondiale de cuivre. Le Mexique produit également 7 % de plomb, 4,5 % d'or et 36,7 % d'argent. Le Canada, la Suède, l'Allemagne (en Saxe), la Silésie, la Hongrie et la Nouvelle-Calédonie sont des régions productrices de nickel. La Russie, les Indes, la France, l'Allemagne, l'Angleterre, les États Unis possèdent du manganèse. Enfin, les Indes et les iles de la Sonde sont, avec les États Unis, les plus gros producteurs d'étain.


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Les origines de la métallurgie sont entourées d'épaisses ténèbres ; elles remontent très loin dans la chaine des siècles. Mais s'il est audacieux de leur fixer une époque, on peut affirmer que son histoire et son évolution sont intimement liées à celles de la civilisation et des progrès de l'humanité. Il n'a point été de sa faute si les hommes l'on trop souvent utilisée à des fins de destruction et de mort, alors qu'elle peut aussi bien donner et faciliter la vie de l'humanité.

Des préhistoriens ont prétendu que l'art d'extraire les métaux de leurs minerais fut pratiqué par les hommes entre les XIVème et XIIème siècle avant notre ère. D'autres font remonter encore plus loin, dans la nuit des temps, la connaissance de sa pratique en Chine et aux Indes.

Sans vouloir prendre parti dans la dispute, on peut dire qu'il est hors de doute que les peuples civilisés de l'antiquité ont employé des outils de fer pour tailler la pierre de ces gigantesques monuments dont les siècles n'ont pas totalement effacé les traces, aussi bien que pour travailler la terre à laquelle ils demandaient leur subsistance, et surtout pour fabriquer des armes.

Une autre dispute met aux prises les savants préhistoriens. À savoir lequel des métaux fut le premier connu des hommes ? Autrement dit l'âge du bronze a-t-il précédé l'âge du fer ou lui fut-il postérieur ? Le choix, autant que l'affirmation, est difficile en pareille matière. Nous inclinons cependant à croire que la métallurgie du fer est antérieure à celle du bronze du fait que celui-ci, étant un alliage de cuivre et d'étain, deux métaux qui se trouvaient rarement dans les mêmes contrées, suppose une époque de navigation et de commerce très développée, ce qui n'était pas encore le cas. D'autre part le bronze n'a pas une résistance suffisante pour justifier la pérennité des monuments de l'antiquité. Il est par contre indéniable que le bronze ait eu les préférences des peuples primitifs pour certains usages en raison de son vif éclat, de son inoxydabilité à l'air et la facilité avec laquelle il se prête au moulage. Il fut certainement une des premières matières de troc entre les peuplades sous forme d'ornementations et d'objets à usage domestique.

Naturellement nous n'avons aucune notion de la technique métallurgique des peuples de l'antiquité, mais tout nous laisse supposer que son évolution fut très lente et que ses procédés ne différaient guère de ceux dont le moyen âge nous a laissé la trace. À cette époque le minerai était réduit dans des foyers de bois, à proximité des forêts, celles-ci fournissant le combustible des foyers et des forges installés tout près. Il se conçoit aisément qu'avec cette méthode la production était bien faible et que seuls les minerais riches en teneur de fer pouvaient être traités.

Ce n'est qu'au XIVème siècle qu'apparut en Allemagne l'appareil qui, en se perfectionnant à travers les siècles, devait devenir le haut-fourneau que nous connaissons aujourd'hui. Le stückofer, c'était le nom de l'appareil, n'était autre chose que l'ancien foyer recouvert d'une cuve de 3 à 4 mètres, par le haut de laquelle on introduisait les minerais et le charbon de bois afin qu'ils s'échauffassent progressivement avant d'arriver au cœur du foyer. Sa première utilité fut d'économiser du combustible, mais l'observation révéla qu'en activant le foyer par l'envoi plus rapide d'une quantité d'air supérieure, on obtenait un métal fondu en place de la traditionnelle loupe pâteuse qu'il fallait pétrir à la forge pour la débarrasser partiellement de ses scories, Le stückofer s'adapta à ce nouveau procédé et ainsi naquit la fonte propre au moulage, et avec elle l'artillerie et les boulets de fonte.

La méthode allemande se répandit rapidement dans son pays d'origine d'abord et ensuite en Angleterre, sans déranger toutefois la métallurgie des régions forestières où elle était établie, son combustible continuant à être le charbon de bois. Ce n'est que vers 1730 qu'en Angleterre on imagina de carboniser la houille pour la transformer en coke, nouvel aliment du haut-fourneau. La métallurgie du continent fut longue à faire une place à ce nouvel arrivant et l'Angleterre resta longtemps seule à bénéficier de ses avantages. La métallurgie conserva cependant l'usage du charbon de bois pour l'affinage.

Mais c'est surtout à la fin du XVIIIème siècle que nous découvrons les origines de la métallurgie moderne. Les perfectionnements apportés à la machine à vapeur et sa généralisation dans toutes les industries furent pour la métallurgie d'une importance capitale. Jusqu'alors elle avait été condamnée à la fabrication de pièces de dimensions réduites, faute d'avoir dans ses forges des organes propulseurs assez forts pour actionner de puissants marteaux capables, par leur poids et leur pression, de forger des masses volumineuses. La machine à vapeur va permettre à la métallurgie de créer pour ses forges un outillage puissant qui comblera cette lacune. Ce progrès a une importance considérable, mais la machine à vapeur va faire plus fort et plus grand. En s'introduisant dans toutes les industries, elle va transformer les rapports des hommes entre eux au point que le XIXème siècle présidera une révolution universelle autrement importante que celle de la fin du XVIIIème siècle. L'ère de la machine commence, et avec elle celle du capitalisme. Dans la production, l'homme passe au second plan, il cède sa place à la machine qui va créer un tel besoin de métal, que la métallurgie sera d'abord débordée. Mais devant ces besoins et ces débouchés nouveaux, qui sont considérables, les métallurgistes sont contraints de rechercher des perfectionnements toujours plus grands à leur technique, en un mot, il leur faut adapter leur production au marché nouveau qui se constitue.

L'anglais Cort va d'abord trouver le four à puddler qui permettra l'affinage à la houille. Puis il inventera le laminoir à cannelures à l'aide duquel les loupes de fer, à l'état pâteux, seront transformées en barres de toutes formes et de toutes dimensions beaucoup plus rapidement, et économiquement, que par le martelage.

En 1830, la métallurgie expérimente – et adopte – l'emploi de l'air chaud dans les hauts-fourneaux écossais. Cette pratique va permettre d'élever le haut-fourneau progressivement de 10 mètres à 20 mètres de hauteur, partant, la production passera de 15 à 50 tonnes par jour.

À cette époque, la métallurgie anglaise est encore bien avancée dans la voie du progrès par rapport aux autres métallurgies continentales. Ces dernières n'abandonneront le charbon de bois et l'air froid qu'aux environs de 1840, au moment où les chemins de fer et les navires en acier en faisant leur apparition, accroîtront encore la demande du métal, en même temps qu'ils transformeront les rapports jusque-là établis entre les diverses régions du monde. Ces nouveaux moyens de transports auront une grosse influence sur la métallurgie. Elle pourra, avec leur concours, envoyer ses produits dans un rayon plus étendu et concurrencer les usines restées réfractaires ou qui n'ont pu, pour des raisons multiples, s'adapter aux progrès de la technique. C'est alors que, sous la poussée des faits, se produit la concentration pour réaliser les conditions optima de production. Les régions forestières sont désertées au bénéfice des bassins houillers où, désormais, la métallurgie puisera l'une de ses principales matières premières : le charbon transformé en coke ; au bénéfice également des régions avoisinant les grandes voies maritimes ou fluviales.

À partir de ce moment la technique se développe prodigieusement. Le marteau-pilon fait son entrée dans la forge et en modifie le caractère. Il pèse d'abord 1 000 kilos, puis, progressivement, la hardiesse humaine ira jusqu'à construire et utiliser des piliers de cent mille kilos. Les laminoirs subissent toute une série de modifications, et les hauts-fourneaux acquièrent une capacité de production de 100 tonnes par jour.

La métallurgie connaîtra une nouvelle révolution dans sa technique lorsque, vers 1860, l'anglais Bessemer et le français Martin trouvent, presque simultanément, le moyen d'obtenir de l'acier par fusion. Auparavant, les frères Siemens, en Allemagne, avaient inventé un four permettant d'atteindre de très hautes températures. Cette invention facilita d'ailleurs les travaux de Martin.

L'acier, plus résistant que le fer, eut rapidement fait de remplacer celui-ci dans de multiples fabrications. C'est ainsi que le fer fut totalement éliminé de la fabrication des rails et des bandages, et partiellement dans la construction mécanique, les tôles de marine, etc. La première, l'Allemagne construisit ses canons en acier fondu, dont la supériorité pendant la guerre de 1870 fut tellement marquée que, depuis, tout le matériel de guerre des nations est construit en acier fondu.

La presse hydraulique naquit à son tour du besoin de forger des lingots de plus en plus lourds, qui, même, dépassaient les 100 tonnes et pour lesquels les marteaux-pilons devenaient insuffisants ou leurs fondations se révélaient trop fragiles.

En 1879, un clerc de notaire anglais, Thomas-Gilchrist, allait de nouveau provoquer une révolution dans la technique métallurgique en trouvant le moyen de réduire le phosphore dans le convertisseur Bessemer par le procédé basique. Cette découverte rendit utilisable les minerais phosphoreux – tels ceux de la Lorraine – jusqu'alors impropres à la production de l'acier. Elle assura définitivement le passage de l'âge du fer à l'âge de l'acier.

Depuis cette époque jusqu'à la guerre 1914-1918, la métallurgie s'est enrichie de multiples perfectionnements qui ont accru sa production dans des proportions considérables, en même temps qu'ils en abaissaient le prix de revient. Ainsi la métallurgie a transformé des villes entières comme Essen, en Allemagne, le Creusot, en France, Birmingham, en Angleterre ; Pittsburg, aux États-Unis en vastes usines essentiellement métallurgistes.

En un siècle, quelles transformations de toutes sortes ? Car l'évolution technique en a entraîné bien d'autres, avec des conséquences sociales telles, que le contemporain du stückofer en eût été effrayé au seul énoncé.

Avant la machine à vapeur, le rayon d'action de la métallurgie n'allait que très rarement au-delà du centre où elle était établie. Les besoins étaient réduits et, à débouchés restreints production faible et technique stagnante. La machine à vapeur, en augmentant le nombre et la capacité des débouchés, élargit le marché et force la métallurgie à sortir de sa pratique routinière en cherchant des procédés de fabrication plus rapides et moins chers. La métallurgie, sous le fouet des nécessités, trouve cette nouvelle technique ; mais pour la mettre en pratique il lui faut des sommes fabuleuses bien supérieures aux ressources individuelles des Maîtres des Forges de l'époque. Allait-elle être arrêtée par un obstacle de cette nature ? Non pas ! Ce qu'un seul ne put faire, l'association le fit. Sous la forme de sociétés par actions, les entreprises se constituèrent par la réunion de capitalistes, quelquefois étrangers à l'industrie elle-même. Aussi a-t-on pu dire avec raison que l'industrie était la mère de l'un et de l'autre.

Alors, largement pourvue de capitaux, la métallurgie put abandonner les régions forestières pour s'installer sur le minerai ou la houille, avec un outillage nouveau et plus apte à la grosse production. La facilité des échanges, due au développement des chemins de fer et de la marine de gros tonnage, stimula autant qu'elle créa la production, car combien de produits n'auraient jamais vu le jour si les moyens de transports rapides et peu coûteux ne les eussent rendus utilisables. Si bien que les marchés, de régionaux devinrent nationaux. Et bientôt les cadres de la nation eux-mêmes se révélèrent trop étroits et la métallurgie réclama l'univers comme marché.

Il ne faut tout de même pas croire que cette évolution se soit accomplie sans à-coup. Bien des résistances furent à vaincre avant d'aboutir à la constitution des grandes entreprises et des puissants organismes de la métallurgie que nous connaissons aujourd'hui. Aussi nombreux se trouvèrent les rebelles à la tendance de double concentration capitaliste et industrielle, qu'il y en avait eus aux progrès techniques. Et l'on compta souvent plus de vaincus par la nécessité de se soumettre ou de disparaître, que de convaincus par les faits d'un caractère nouveau. Ce n'est donc que lentement que la métallurgie se développa dans le cadre national. Mais bientôt surgit une nouvelle difficulté. La coexistence de plusieurs grandes entreprises dans un même pays aboutissait à une concurrence effrénée dont bénéficiait le consommateur (c'est-à-dire l'industrie de transformation mécanique) et souvent la métallurgie étrangère.

C'est pour obvier à ce double inconvénient que naquirent les syndicats nationaux de production. Dans ces organismes chaque entreprise adhérente garde son autonomie intérieure mais se soumet à certaine réglementation : 1° Production maxima limitée ; 2° Zone de vente indiquée et strictement limitée ; dans cette zone l'entreprise jouit d'un monopole de fait ; 3° Prix de vente uniforme et fixé en commun. Ainsi – théoriquement – la concurrence est éliminée dans le cadre national puisque le consommateur rencontrera partout le même prix de vente, et dans sa région un seul fournisseur. Mais pratiquement le système s'avéra insuffisant en dépit des amendes qui frappaient les infractions au règlement susmentionné. Comme un retour en arrière n'eût point résolu le problème, c'est donc un pas en avant dans l'organisation que fit la métallurgie. Elle compléta le syndicat national de production par le Cartel de vente. Celui-ci s'interposa entre le producteur et l'acheteur ; il devint, nationalement, l'organe commercial de la métallurgie en même temps qu'il faisait de celle-ci une industrie nationale.

Pourvue de cette unité, la métallurgie se trouve en face de deux problèmes angoissants, dont les peuples ont payé et payeront encore de leurs souffrances et de leur sang la solution toujours temporaire.

Le premier de ces problèmes est celui de l'approvisionnement en matières premières : houille ou minerais, dont le sous-sol national est trop chichement doté par la nature. Le second est celui des débouchés, car rien ne sert de produire si l'on ne peut vendre pour amortir et faire fructifier les capitaux. Alors, identifiant les intérêts de la métallurgie, devenue industrie nationale, aux intérêts de la patrie elle-même, les Cartels, usant et abusant du pouvoir politique que leur confère leur puissance économique, exigèrent des gouvernements une politique de soutien qui, si elle leur est profitable, n'est pas sans peser lourdement sur les peuples. Pour se défendre contre la concurrence étrangère, les Cartels exigèrent d'abord l'édification d'un réseau de barrières douanières, qui leur fût accordé. Par un paradoxe ironique, à l'abri de ce réseau dont fut proclamée la nécessité pour la protection de la Nation, les Cartels vendirent leurs produits beaucoup plus cher à leurs nationaux qu'aux, étrangers, sûrs qu'ils étaient de ne pas être gênés par la production des autres pays métallurgiques. Cette opération qui consiste à vendre souvent très cher sur le marché national et à vendre souvent à perte sur les marchés internationaux porte le nom de dumping. Mais en même temps, les Cartels nationaux des pays industriels émettaient la prétention d'écouler l'excédent de leur production non absorbée par le marché national, dans les pays neufs et, par conséquent, peu industrialisés. Naturellement la conquête de ces débouchés nouveaux suscita une compétition exaspérée entre les différents Cartels nationaux. Toujours forts de leur puissance économique, à laquelle ils n'hésitèrent pas quelquefois à joindre leur capacité de corruption, ceux-ci firent entreprendre par leurs gouvernements respectifs des guerres de conquête coloniale, au nom de la toujours sainte patrie et de ses intérêts vitaux. À la vérité, il faut dire que la métallurgie ne fut pas seule à suivre cette voie : d'autres industries firent de même, et cette pratique donna naissance à ce qu'on a appelé le nationalisme économique auquel s'ajouta l'ambition d'accroître son patrimoine de pays à production complémentaire, ambition qui caractérise ce qu'on nomme ordinairement l'impérialisme. Les impérialismes et les nationalismes économiques se heurtèrent donc pour la conquête des matières premières et des débouchés jusqu'à aboutir, de conflit en conflit, à la conflagration générale de 1914. Sans être l'unique cause de la guerre mondiale, la métallurgie n'en a pas moins joué un rôle très important dans son déclenchement. La possession du Bassin de Briey qui assure aujourd'hui la première place à la métallurgie française après les États-Unis, a beaucoup plus, sa place dans la liste des buts de guerre que le trop fameux principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

La guerre de 1914-1918 fut une ère de grande prospérité pour la métallurgie. Si le problème de l'approvisionnement en matières premières se posa quelquefois tragiquement, la métallurgie n'eut pas à s'inquiéter de l'écoulement de sa production : la guerre, insatiable, absorbait tout ce qu'elle voulait bien lui donner pour ses canons, fusils, mitrailleuses, obus, tanks, avions, cuirassés, sous-marins, etc. Aussi bien, la guerre terminée, la métallurgie connut une crise de réadaptation qui, n'eût été la pauvreté des puissances, eût pu dégénérer à nouveau en conflagration générale à la suite des exigences de la métallurgie française qui entraînèrent l'occupation de la Ruhr.

En dépit de sa production gigantesque, et peut-être à cause d'elle, la métallurgie n'a pas retrouvé son équilibre. La facilité des échanges internationaux qui caractérise notre époque, a poussé la métallurgie à déborder le cadre national pour s'organiser, non pas internationalement, comme on l'affirme trop souvent par ignorance, mais par groupes nationaux. Ainsi le Cartel de l'Acier, de l'Étain, du Zinc.

Si cette nouvelle forme, ou plutôt ce nouveau stade de la concentration réduit les compétitions sur les marchés internationaux (matières premières, débouchés) il ne les supprime pas. À être moins nombreuses, les compétitions n'en sont que plus violentes et le conflit qui en sortira n'en sera que plus facilement universel.


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Ainsi les hommes ont dompté la nature. Par leur génie et leur travail séculaire ils ont arraché ses secrets à la matière inerte et lui ont donné la vie. Par un tragique retour des choses de ce monde, la matière, devenue vivante par la main des hommes, s'est vengée sur eux de l'avoir tirée de son sommeil plusieurs fois millénaire en les y plongeant à sa place.

Fatalité ! disent les uns. Aberration monstrueuse ! répliquent les autres. La métallurgie, si elle sème la ruine et la mort, est capable de créer la joie et la vie.

C' est à cette dernière tâche que la partie éclairée du prolétariat mondial, lasse d'être la victime de son génie, entend se consacrer. Elle sait que la métallurgie ne soulagera la peine des hommes que lorsque ses matières premières et ses produits jouiront d'une libre circulation dans les artères de la société humaine.

Pour cela, il faut que cesse l'exploitation de l'homme par l'homme. Aussi poursuit-elle la destruction du régime capitaliste et l'avènement du travail libre dans uns société libre. Alors, et alors seulement, l'homme pourra être fier de sa métallurgie. 

– A. GUIGUI.