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MILLIARDAIRE n. m.

Personne qui possède un ou plusieurs milliards. Ce terme est devenu l'appellation, dans la langue courante, d'une personne immensément riche, d une sorte de nabab de l'argent et des affaires.

S'il y a quelque chose qui démontre l'iniquité du régime social actuel, c'est bien la possibilité, pour un individu d'accumuler une fortune allant jusqu'à un milliard ou le dépassant. Un ouvrier relativement bien payé – salaires pris dans l'ensemble du pays – peut gagner 10 000 francs par an. Il lui faudrait donc travailler 83 333 années pour avoir cette somme, en admettant qu'il ne dépense rien pour sa nourriture, logement, habillement, etc... Un technicien intellectuel, ingénieur, etc., qui touche 50 000 francs par an est considéré comme ayant une bonne place. Il lui faudrait 20 000 ans pour gagner un milliard.

Ces deux exemples nous montrent toute l'iniquité d'une organisation dans laquelle il est permis à un homme, par des opérations de finances, des spéculations plus ou moins malpropres, de rafler, en quelques années, ce que le produit, même bien rétribué, du travail utile, ne permettrait pas, à mille ouvriers habiles ou à 400 techniciens capables, de gagner en toute une vie de cinquante années de labeur.

Rien ne prouve mieux que ce qu'on dénomme la propriété n'est pas le produit du travail, n'est que la conséquence de tractations, combinaisons et opérations de toute nature, étrangères pour la plupart à l'effort productif.

Dans notre société contemporaine, le nombre des milliardaires et des archi-millionnaires s'accroît continuellement. C'est une des marques les plus frappantes de la situation économique actuelle, que cette concentration des capitaux en quelques mains favorisées. Le travail, la production, sont relégués au second plan, c'est en dehors d'eux et à leur détriment que s'édifient de rapides et colossales fortunes.

Un homme peut arriver à mettre en exploitation toute une industrie, ou un commerce, ou une branche de l'activité humaine. Les milliardaires – dont l'Amérique est le berceau de prédilection : elle a les Rockfeller, les Pierpont, Morgan, etc... – se désignent souvent par les noms retentissants et bien suggestifs de : roi du pétrole, roi de l'acier, roi de l'automobile, etc...

Et c'est, en effet, une véritable royauté, une souveraineté tyrannique que ces potentats de l'or étendent sur les branches capitales de l'économie sociale : ils accaparent les sources, commandent la mise en valeur et les transactions ; leurs trusts (voir ce mot), contrôlent les marchés mondiaux et la majeure partie des profits affluent vers leurs coffres-forts.

L'argent est devenu le magique talisman. On l'adore comme une divinité et ses grands prêtres, millionnaires et milliardaires exercent, sous ses auspices, un pouvoir incontesté. Les États, les gouvernements, les formations politiques avec leurs pavillons bariolés et leurs apparentes oppositions, ne sont que des trompeuses façades derrière lesquelles les milliardaires – princes de finance – manient les personnages d'un théâtre de fantoches.

Ce sera pour les siècles futurs, un bien curieux tableau et un déconcertant contraste que l'ascension parfois précipitée de ces magnats du capital, échafaudant dans l'agiotage, la spéculation et l'escroquerie des concentrations scandaleuses, tandis que les multitudes – sous le sceptre reconnu et souvent admiré du veau d'or – s'épuisent à la poursuite du salaire et s'étiolent de privations devant les fruits amoncelés de leur travail.

– G. BASTIEN.