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NAISSANCE n. f. du latin nascientia : Sortie de l'enfant du sein de sa mère

Par naissance, on comprend l'entrée dans l'existence d'un nouvel individu, Cet individu peut n'être que le résultat d'une division d'un autre, comme c'est le cas pour beaucoup d'êtres, qui se trouvent au plus bas de l'échelle du règne animal et il s'agit, alors, de propagation asexuelle. De tels êtres, qui ont, sans doute, constitué les premiers habitants de notre globe, naissent toujours d'autres possédant exactement les mêmes caractères héréditaires, mais qui peuvent se différencier, comme développement, par l'influence des conditions plus ou moins favorables de l'ambiance, (température, lumière, nourriture) et, par conséquent, être plus ou moins grands. Mais si un individu, pour peu développé qu'il soit, à cause d'une ambiance défavorable, se trouve dans un milieu favorable, ses descendants prendront un développement conforme.

Les caractères produits par l'influence qu'exerce le milieu sur le développement de l'individu ne sont donc pas héréditaires et on les appelle Paravariations. Mais, par suite de causes encore peu connues, il arrive quelquefois qu'un individu naisse, qui possède un ou plusieurs caractères nouveaux et qui ne sont pas seulement des Paravariations parce que héréditaires et ces caractères sont appelés Idiovariations (Mutations).

On sait, par la géologie que les êtres vivants présentent, d'une façon générale, une évolution progressive vers des formes moins primitives, plus compliquées, et cette évolution est due aux Idiovariations. Si telle Idiovariation s'est trouvée être favorable à l'existence de l'individu en question, celui-ci a pu se multiplier plus que les autres moins favorisés. Mais souvent l'Idiovariation n'a pas eu un caractère favorable et, si elle a eu un caractère défavorable, elle a contribué à faire disparaître les individus en question.

La question de savoir si on peut, artificiellement, provoquer des idiovariations a beaucoup préoccupé les génétistes et on conçoit facilement pourquoi. Si on pouvait arriver à déterminer des idiovariations favorables, il est évident qu'on aurait ainsi le moyeu de hâter l'évolution vers le mieux Mais jusqu'à présent il n'existe pas de cas d'expérimentation le prouvant. Pourtant, quelques expériences pratiquées sur des êtres les plus simples, semblent prouver que des facteurs comme des températures très hautes, certaines substances chimiques, des rayons de Rœntgen, des rayons de Radium, etc., ont pu provoquer des idiovariations, c'est-à-dire influencer à tel point l'Idioplasme, que de nouveaux caractères héréditaires en sont sortis. Par Idioplasme on comprend la matière constituant dans la cellule ce qui caractérise l'espèce vis-à-vis de toute autre espèce, mais on ne connait pas encore les éléments, qu'ils soient liés à la structure ou au chimisme, qui constituent ces caractères.

A part les Paravariations et les Idiovariations, on emploie encore le terme Mixovariations ; mais ces variations ne peuvent avoir lieu que chez les êtres sexués, où il existe des mâles et des femelles, De telles variations proviennent du fait que les parents sont Hétérozygotes, c'est-à-dire possédant des caractères héréditaires différents, ce qui rend possible l'apparition de formes différentes, ressemblant à des degrés presque illimités plus ou moins aux parents.

On nomme Homozygotes les êtres qui proviennent des parents possédant les mêmes caractères héréditaires et ces homozygotes n'existent que chez les animaux hermaphrodites et chez les plantes qui sont fécondées par les éléments provenant du même individu, par exemple où les fleurs ne laissent pas le pollen d'autres fleurs arriver au stigma. Chez de tels êtres les Mixovariations ne se produisent pas.

On a beaucoup, étudié la transmission des qualités héréditaires, et cette science : la Génétique, qui est la plus jeune et qui ne date que d'environ trente ans (quand on a retrouvé, dans un petit périodique de province, la publication des observations du moine autrichien Gregor Mendel), sera sans doute la plus importante de toutes les sciences.

Le fait que les qualités physiques et mentales se transmettent par hérédité, avait, naturellement, été reconnu de tout temps ; mais on n'avait pas trouvé le moyen de l'étudier par l'expérimentation, qui est la seule manière de procéder en science.

Les lois découvertes par Mendel, vers le milieu du siècle passé, mais restées inaperçues par les hommes de science, constituent la hase de la science génétique, science très compliquée et qui n'est encore que dans son stade initial et nous ne nous en occuperons pas ici

Ce qui importe surtout, c'est la lumière toute nouvelle que la science génétique jette sur l'étude de la sociologie.

Car, qui n'a pas constaté l'immense importance que, pour les rapports entre les hommes, ont leurs qualités morales ? Ces qualités, si elles sont bonnes, rendent leur fréquentation agréable et créent du bonheur, et si elles sont mauvaises, c'est le contraire qui a lieu. Eh bien ! Les qualités morales, comme toutes les autres qualités mentales et physiques sont héréditaires, On a dit qu'une société vaut ce que valent les individus qui la composent et c'est en grande partie vrai. Certainement une société, commue notre société capitaliste actuelle, où règne la lutte pour la vie matérielle et où l'idéal consiste à trouver le moyen de vivre en parasite, non seulement favorise le développement de toutes les tares morales, mais encore les encourage. Pourtant, même dans une société, où, par la collectivité, la vie matérielle serait assurée à tous (nombreuses sont les doctrines émises et j'en ai moi-même émis une que j'aie appelée « Le Socialisme Individualiste » et dont un bref résumé a été publié en espéranto par Félix Lazelaure), la valeur morale des individus composant une telle société aurait une grande importance. Personne n'a jamais mis en doute les grandes différences intellectuelles entre les individus ni les différences comme talents artistiques et autres. Les différences physiques sont aussi de toute évidence,

L'idée de pouvoir arriver à constituer peu à peu une humanité possédant de plus en plus des qualités et des valeurs de tout ordre est tout naturellement sortie de la connaissance, encore très rudimentaire, mais toujours en progression, des lois héréditaires, et c'est ainsi qu'est née la science, appelée Eugénisme. Du reste, depuis les temps les plus reculés, l'homme avait pratiqué à son avantage une sorte d'eugénisme parmi les animaux et les plantes qui lui étaient utiles, et c'est par la sélection des parents que l'homme a pu créer toutes les races d'animaux domestiques, possédant les qualités recherchées et dont il avait découvert l'ébauche chez un animal sauvage. De même il a agi en sélectionnant comme parents les plantes qui, individuellement, possédaient des caractères qui lui étaient utiles. Mais, comme je viens de le dire, cette sélection fut naturellement toujours faite par l' homme à son avantage exclusif, jamais il l'avantage de l'animal ou de la plante.

Mais, ceci dit, on conçoit que le fait que l'homme a pu créer par la sélection des animaux domestiques et des plantes de culture si différentes des types sauvages, fournit une preuve indiscutable qu'il peut faire la même chose pour sa propre espèce, donc pour l'avantage de l'espèce humaine, c'est-à-dire pratiquer l'Eugénisme. Ce raisonnement était si simple que de tout temps l'homme, non entravé par les influences néfastes de sociétés mal organisées, a pratiqué plus ou moins l'eugénisme et cela souvent inconsciemment ; car, lorsque rien ne s'y oppose et quand des intérêts matériels n'entrent pas en jeu, l'être humain est attiré sexuellement vers l'individu de sexe opposé qui, par ses bonnes qualités, de n'importe quel ordre, lui plait. Une telle sélection s'est donc faite tant que l'homme vivait dans l'état où il ne pouvait se faire valoir que par son mérite personnel. Mais du jour où la possibilité de devenir riche constitua l'idéal et où cette richesse influença le choix dans les rapports sexuels, tout a changé. Il y a de longues années, que j'ai publié ce que je crois être la réponse logique à cette question si importante : pourquoi, depuis les temps les plus reculés, on ne trouve pas que l'homme ait gagné en qualités mentales. Je pense que c'est depuis que la sélection, basée sur le mérite personnel, a été remplacée par la sélection basée sur la richesse ou le pouvoir, que l évolution mentale de l'homme s'est arrêtée. Qu'on arrive à fonder une société où la vie matérielle sera garantie à tous, et la sélection sexuelle reprendra de nouveau sa voie naturelle et amènera une évolution progressive des qualités mentales de l'homme. On pourrait se contenter de l'Eugénisme ainsi compris et comme il semble devoir se pratiquer de nouveau, comme sans doute il s'est réalisé à une époque très reculée. Mais quand on parle de l'eugénisme, on comprend généralement, par là, ce qu'il est possible de faire actuellement pour améliorer l'humanité et toutes les propositions peuvent être ramenées aux deux catégories suivantes : l'eugénisme par mesures qui restreignent la procréation d'êtres humains de qualité indésirable et l'eugénisme qui cherche des mesures pour augmenter la procréation d'êtres humains désirables. Jusqu'à présent, ce n'est que la première catégorie, qu'on appelle l'Eugénisme restrictif ou éliminatoire, qui a été réalisée et seulement en Californie, où un mouvement important existe pour la mise en pratique de l'Eugénisme. Ce mouvement est dirigé par le docteur Paul Popenoe, qui est à l'heure actuelle, la plus haute autorité sur ces questions et qui, en association avec M. E. Gosney, lequel a donné beaucoup de sa fortune pour cette cause, dirige la Fondation pour l'Amélioration Humaine, et l'Institut pour l'étude des Hérédités de Famille.

M. le Docteur Popenoe, que je connais personnellement, m'envoie ses nombreuses publications, j'ai donc pu me tenir au courant de ce que l'Eugénisme en pratique a réalisé et ce qu'on cherche encore à réaliser.

En Californie, on a légalement le droit de stériliser les personnes, hommes et femmes, qui souffrent de maladies mentales héréditaires et qui sont à la charge de l'Etat ; mais on cherche aussi à stériliser les personnes qui, sans souffrir de telles maladies, sont, par leur manque d'intelligence, incapables de gagner leur vie ou de se conduire seuls dans la vie et qui sont à la charge de l'Etat. On cherche, en outre, à stériliser, par persuasion, les personnes qui, sans être à la charge de l'Etat, se trouvent dans les mêmes conditions mentales. On a stérilisé, depuis une vingtaine d'années, en Californie, 6255 personnes. Cette stérilisation qui n'altère pas la puissance sexuelle ni diminue le désir de rapports sexuels, mais rends inféconds les individus opérés, se fait sans aucun danger et très facilement chez l'homme par la vasectomie et se fait par salpingectomie chez la femme, opération plus délicate, mais qui, faite par un opérateur expérimenté, n'est pas dangereuse. Que faut-il penser de cela ?

A mon avis, il faut suspendre un jugement, qui serait déplacé et prématuré, ne serait-ce qu'à cause de la mentalité américaine, si différente de celle de la plupart des autres nations, même des Anglais, qui s'en approchent le plus.

Pour avoir habité les Etats-Unis et y avoir pratiqué la médecine, je parle d'expérience personnelle.

Je veux croire que l'immense majorité des stérilisations effectuées fut à l'avantage de l'humanité ; mais quand on pense à ce qui se passe aux Etats-Unis, qui est le pays de la terre où règne de la façon la plus absolue la ploutocratie et où se trouve répandu au plus haut degré l'idéal de pouvoir vivre en parasite une fois gagné la richesse, on hésite à donner son approbation sans restriction. Il est toujours question, dans cette littérature sur l'Eugénisme restrictif, des personnes qui mènent une vie non-civilisée (uncivilised life) et qui ne veulent pas s'adapter à la civilisation américaine. Sans doute bien des personnes qui seraient jugées aux Etats-Unis comme menant des vies non-civilisées, ne sont pas jugées ainsi dans la plupart des autres pays et cela surtout quand il s'agit de la vie sexuelle. Qu'on pense seulement à l'énormité que, aux Etats-Unis, le simple fait d'avoir des rapports sexuels en dehors du mariage est punissable par la loi ! Qu'on pense à la persécution féroce qui s'exerce aux Etats-Unis contre les personnes qui luttent pour le renversement de l'abominable société capitaliste qui, justement, dans ce pays trouve son expression la plus nette et où tout est vénal peut-être plus que dans aucun, autre pays, même les plus arriérés, seulement dans une forme plus hypocrite et retenant jusqu'à un certain point l'esprit. de la légalité, à moins que, comme dans lynchages, on passe outre cyniquement ! Qu'on pense encore à la mentalité d'un pays, où l'enseignement de la doctrine de l'évolution, acceptée par tous les hommes de science, est défendu du moins dans quelques Etats ! Où est la garantie que des personnes, même d'une haute intelligence - et peut-être justement en raison de cela, - réfractaires à la civilisation américaine, ne seraient pas peu à peu assimilées à la catégorie de celles dont la stérilisation serait obligatoire ?

La ploutocratie, qui gouverne absolument les Etats-Unis et qui, sans doute, redoute et traque beaucoup plus les réformateurs sociaux que les fous ou les malfaiteurs de droit commun, ne pourrait que regarder d'un œil satisfait l'élimination de ces personnes à mentalité opposée à la leur ! Donc, pour en finir, rien de plus raisonnable que de restreindre la procréation des individus qui, dans n'importe quelles conditions sociales, ne seraient qu'un obstacle au bonheur des autres et souvent peu heureux eux-mêmes, tout en se trouvant eu état de dépendre, pour leur existence, du travail d'autrui. Mais seule une société où règne l'équité et où la vie matérielle est. garantie par la collectivité est en mesure de juger les cas où la stérilisation obligatoire s'imposerait.

Quant à l'eugénisme qui cherche à augmenter les naissances d'individus de valeur au-dessus de la moyenne, l'Eugénisme positif, on a beaucoup écrit sur ce sujet ; mais, ici encore, faut-il qu'on sache que la mesure de supériorité souvent appliquée et qui se rapporte au succès dans la société capitaliste ne correspond sans doute pas aux qualités mentales qui constitueraient la supériorité dans une société où le bas idéal de parasitisme serait remplacé par l'idéal du mérite personnel, l'idéal d'être utile au progrès humain, Il n'est donc pas à propos de s'étendre ici sur toutes les propositions faites, afin que les classes dites « supérieures » de notre société capitaliste, et qui justement, malgré leurs moyens financiers, ont le moins d'enfant, en aient en plus grand nombre.

Mais, certainement, il est désirable que les personnes qui réellement sont supérieures à la moyenne aient plus d'enfants que les autres. Dans diverses publications, j'ai déjà traité cette question, dont je ne donnerai, ici, que les grandes lignes. Toute qualité, physique ou mentale, peut être propagée par la sélection humaine, comme on a pu le faire pour les animaux domestiques, et il est certain qu'on pourrait créer des races douées des qualités voulues, même une race de génies. Mais pour ce faire, il faudrait procéder comme on l'a fait pour les animaux domestiques et comme le plus grand bien de l'homme est la liberté, tel procédé est exclu. Il faudra se contenter de laisser la nature pratiquer de nouveau la sélection vers le mieux comme ceci eut lieu dans une période reculée, et qui fut plus tard plus ou moins remplacée par une sélection à rebours. Mais si nous voulons laisser jouer notre imagination et si nous songeons à ce que l'avenir pourrait être on peut raisonnablement prévoir que, par la femme choisissant librement l'homme dont elle aurait apprécié les qualités qu'elle voudrait retrouver dans son enfant, s'ouvrirait une perspective de progressive amélioration dont nous pouvons à peine concevoir l'importance.

Toute femme a l'ambition d'être mère d'un enfant de valeur et nul homme ne refuserait l'honneur d'être choisi comme père. Si la vie la plus heureuse est celle de vie en commun de l'homme et de la femme qui s'aiment d'un grand amour, complet, durable, on ne peut pas nier que de telles unions constituent une rare exception dans la société actuelle et ne seront peut-être pas la règle dans une société rationnelle.

On peut alors s'imaginer que la femme ayant ce grand désir d'être mère d'enfants supérieurement doués, n'en voudrait pas avec un homme qui ne posséderait pas les qualités requises, mais qui lui donnerait tout de même toutes satisfactions sous d'autres rapports. Il pourrait même entrer dans les mœurs que les femmes refuseraient d'être mères autrement qu'en des conditions eugéniques ; et, alors, se ferait, de par la volonté de la femme, cette sélection que l'homme a faite pour créer les meilleures races d'animaux domestiques. Comme pour les animaux, ce serait la faculté du mâle de pouvoir procréer un nombre presque illimité d'enfants et tel homme de génie serait peut-être choisi comme père de centaines d'enfants.

Mais pour la femme, à laquelle déplairait l'idée de rapports sexuels avec un homme qu'elle n'aimerait pas et qu'elle considérerait uniquement comme le moyen nécessaire d'avoir des enfants d'une très grande valeur, il y aurait tout de même le moyen d'en avoir avec lui par la fertilisation artificielle, comme elle est pratiquée couramment dans la sélection, par exemple, de chevaux de course et dans d'autres cas. Donc une femme pourrait avoir des enfants avec un homme qu'elle n'aurait jamais vu et même qui ignorerait qu'elle l'a choisi comme père. Alors tout sentiment de délicatesse serait respecté.

Des rêves ! Oui ! Mais tant de rêves sont devenus des réalités !


- Docteur Axel A. R. PROSCHOWSKY.