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NÉANT n. m. (du latin ne, non et ens, entis être)

Ce terme est un de ceux dont le sens très clair, subjectivement, s'obscurcit en proportion des efforts tentés par les philosophes pour en préciser, objectivement, l'impossible réalité. En fait, le néant. n'étant rien et nos représentations mentales, sources de toutes nos pensées, ne pouvant se former que par des images sensorielles et leurs rapports entre elles, il s'ensuit que nous ne pouvons avoir une représentation du néant, pas plus que nous ne pouvons nous représenter une couleur inconnue, ou une saveur inexistante. Cela étant, nous ne pouvons penser le néant

Pourtant, dira-t-on, on peut se représenter l'absence de quelque chose. Cela est inexact. L'analyse introspective nous montre qu'il y a, ici, liaison entre deux représentations : l'une antérieure, qui nous fait connaître l'existence de l'objet et des réalités ambiantes l'accompagnant ; l'autre actuelle, qui nous montre l'existence de ces réalités seules, avec impossibilité d'user de l'objet en question.

Si l'on pousse l'analyse plus loin, on peut même s'apercevoir qu'il y a presque superposition et simultanéité de deux états mentaux : d'une part l'image antérieure de l'objet qui reste présente à notre conscience ; de l'autre, l'image du présent qui s'impose comme une impossibilité d'action et de liaison avec l'image antérieure. Il est probable que, physiologiquement, cette impossibilité d'action se traduit en nous par une déficience organique créant tous les états connus, depuis la simple déception, jusqu'au regret et la hantise aiguë.

La conception du néant primitif, sorte d'état imaginaire, d'où serait sorti le monde est une de ces pauvres inventions que les hommes ignorants ont imaginées par faiblesse intellectuelle, pour mettre un terme à leurs efforts investigateurs sur l'origine des choses. Il se différencie tout de même du chaos grec, d'une conception plus savante, laquelle admettait probablement un état primitif inorganisé des éléments du monde.

Cosmologiquement, le néant, le vide absolu n'ont pas plus de sens réel que l'infini et ne peuvent pas plus se concevoir, bien qu'il faille admettre et le vide, et l'infini. Ici, le vide s'entend comme intervalle ou distance entre deux points matériels (j'appelle matérielle toute chose affectant nos sens). Toutes les découvertes de la physique moderne tendent à démontrer un mouvement prodigieux de particules extraordinairement minuscules, séparées par des distances énormes par rapport à leurs dimensions propres. Ainsi, ce vide, sorte de mesure de deux points de l'espace (deux sensations) s'apparente quelque peu à la durée, qui mesure également deux faits successifs, deux sensations, dans le temps.

On peut aisément comprendre que l'espace ainsi mesuré n'est pas du vide, du néant en soi, comme le suppose Kant, mais qu'il correspond à une réaction physiologique de l'être vivant s'adaptant à une réalité objective. Il suffit, pour s'en rendre compte, d'essayer de se représenter des dimensions hors de 1'échelle humaine, pour comprendre qu'une distance cosmique ou inter-atomique ne correspond à rien de connu dans notre esprit. L'erreur de tous les philosophes qui ont suivi Kant, dans son concept de l'espace, vient de ce fait qu'ils supposent, tout comme lui, que la notion d'espace est antérieure à toute expérience, alors qu'il est manifeste qu'une telle affirmation ne pourrait se fonder que sur la démonstration irréfutable de l'existence de cette notion chez le nouveau-né. Contrairement à cette conception, toutes les observations sur les enfants démontrent, chez eux, l'absence de la notion précise d'espace et de distance, la confusion des plans, la défectuosité de la vision et de l'adaptation des gestes à la préhension des objets diversement éloignés. D'autre part, ce n'est qu'à un âge relativement avancé, après d'innombrables expériences, que l'être humain conçoit l'espace et le temps. Ce qui détruit la thèse Kantienne.

Quant il l'expression populaire : « retourner au néant », cela signifie disparaître, cesser d'être et non continuer d'exister sous une autre forme. Anéantissement est synonyme de destruction, non de continuation.


- IXIGREC.