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NUDISME n. m. (du latin nudus, nu)

Désinences et origines : Le terme : nudiste a été appliqué aux pratiquants de la nudité hygiénique dans une intention péjorative. Mais, comme il dit bien ce qu'il veut dire, les nudistes l'ont adopté, concurremment avec le terme : gymniste.

A la vérité, les partisans de cette méthode d'hygiène l'appellent la libre-culture du corps, qui est la désinence usitée par les Allemands. En France, le mouvement libre-culturiste préconisé par la revue « Vivre Intégralement » et appuyé par la « Ligue Vivre », s'intitule plus largement : Libre-culture physique et mentale.

Le nudisme puise ses références dans l'antiquité gréco-latine, dans le premier christianisme même et parmi de nombreux peuples anciens et modernes. Sa pratique systématique, de nos jours, est due aux peuples nordiques, particulièrement aux Allemands. En France, on lui découvre divers précurseurs ; mais c'est à M. Kienné de Mongeot, directeur-fondateur de la revue « Vivre Intég ralement » et de la « Ligue Vivre », et aux médecins et publicistes qu'il a réunis dans ces organismes qu'est due l'élaboration d'un système complet de Libre culture adapté au tempérament français. C'est également M. de Mongeot qui fonda, en France, dans un château de Normandie, le premier centre gymnique collectif, le « Sparta-Club » ; d'autres centres se sont. ouverts sous son égide. Par la suite, les docteurs Durville fondèrent l'île des Naturistes. Mais le caleçon, imposé aux adhérents, en raison de l'absence de sécurité de leur stade, enlève à l'œuvre des docteurs Durville tout caractère de libre culture, particulièrement en ce qui touche aux préjugés sexuels.

Nudisme, Naturisme, Alimentation. - On assimile cependant le nudisme au naturisme. Mais il y a là une confusion en ce que le naturisme à sa base essentielle dans un concept d'hygiène alimentaire tendant au végétarisme absolu. Or, tous les nudistes ne sont pas végétariens et beaucoup de naturistes sont, pour raisons confessionnelles ou conformistes, opposés au nudisme intégral.

Les deux mouvements sont apparentés en ce que la libre culture, si elle n'est pas systématiquement végétariste, tend à une alimentation raisonnée, comportant plus de végétaux que de viandes. Cette tendance est conditionnée à la fois par les besoins naturels du corps le plus généralement évidents, par les besoins résultant du milieu où il vit et par les ressources de ce milieu et, aussi, par le tempérament de chacun. Apparentement encore dans la culture du corps au point de vue de la force musculaire, de la grâce et souplesse corporelles, de l'équilibre fonctionnel. Divergence dans l'importance donnée à la nudité par les libres-culturistes au point de vue de l'éducation sexuelle.

En résumé, la libre-culture physique et mentale, telle qu'elle est préconisée par la « Ligue Vivre » et la revue « Vivre Intégralement », a en vue une hygiène sociale et individuelle, raisonnée, en réaction constante contre les préjugés.

L'alimentation et la culture physique, incluses dans la libre-culture, ne constituent pas l'aspect essentiel de la question purement nudiste. Constatons toutefois que le nudisme en famille et en groupes oblige - par souci d'émulation et de dignité - à surveiller l'alimentation, à pratiquer un minimum de culture physique, à s'adonner plus volontiers aux complètes ablutions, pour conserver le corps, « visible à tous », en bonne condition.

Hygiène solaire. - Individuellement ou en groupes, la base physique du nudisme est l'insolation ou « bain » de soleil. Disons que cette base est aujourd'hui élargie à la trinité : air, lumière, soleil, éléments complémentaires et également indispensables.

Résumons le principe : aération nécessaire de la peau, irradiation de la peau par la lumière diffuse -qui agit comme un aliment de notre organisme, enfin insolation, c'est-à-dire action de l'ultra-violet.

Le bain d'air se prend au cours de la toilette, pendant la culture physique, fenêtres ouvertes ; mieux encore dans le jardin. Le bain de lumière se prend en même temps et aussi pendant le repos, à l'intérieur même des appartements, les fenêtres fussent-elles fermées. Il n'en est pas de même de l'insolation. La pénétration de l'ultra-violet est faible ; le moindre écran, fût-il une gaze blanche, suffit à l'intercepter. Le bain de soleil exige donc le plein air ou un solarium spécialement aménagé. Son action est particulièrement remarquable sur les glandes endocrines, d'où l'utilité - particulièrement chez les enfants débiles - d'insoler les glandes testiculaires.

La nécessité pour les rachitiques, les débilités, d'insoler le corps intégralement est soulignée par l'action des rayons solaires. La brûlure, le coup de soleil sont d'autant plus redoutables que l'insolation est plus limitée. L'hygiène solaire ne doit d'ailleurs pas être appliquée sans prudence et un minimum d'indications. Pour les malades, le concours du médecin est absolument indispensable.

Tous ces faits ne sont plus sérieusement discutés par les personnes compétentes et impartiales. Même la nudité chez soi est admise en tant que moyen d'aérer et d'irradier l'organisme. Seules demeurent contestées l'utilité de la nudité en commun et la possibilité de vivre nu sous le climat européen. A cette dernière objection, répondons que, justement, la nudité quotidienne rééduque la peau qui résiste mieux au froid et que l'on peut, dans certaines conditions d'entrainement, traverser en plein hiver une piscine d'eau froide. Précisons, en outre, que la libre-culture n'a pas pour objet de proposer l'état constant de ta nudité. Maintes raisons pratiques, esthétiques, etc., s'y opposent. Il lui suffit de tendre à une vêture moins incommode, moins abusive, plus hygiénique. Quant à la pratique du nudisme, je l'ai maintes fois ainsi définie: « On se met nu pour prendre des bains d'air, de lumière ou de soleil, comme on se dévêt pour se laver, pour faire du sport, pour nager. On s'habille ensuite ».

Le préjugé du nu. - Reste la nudité collective. Elle est nécessaire pour groupement des efforts qui, seul, dans l'état des lois, permet l'achat des libres-parcs à l'abri desquels les personnes ne disposant pas de moyens personnels suffisants peuvent s'insoler. Elle est utile encore en ce qu'elle est. un facteur d'émulation. Mais son but, dans la famille comme dans les parcs, est de ruiner le préjugé du nu et les tabous sexuels, d'organiser ainsi la prophylaxie des obsessions et. des déviatians sexuelles.

Je ne puis, dans cet article extrêmement résumé, aborder cette question qui prend place à l'article : sexualité. Je veux seulement affirmer que, des expériences faites en France même, en particulier au « Sparta-Club » et auxquelles j'ai participé, il résulte que les faits justifient la théorie, sous condition d'éliminer d'un centre non médical les individus profondément tarés, les obsédés incurables. Les résultats sont particulièrement probants en ce qui concerne les enfants. C'est tout un aspect nouveau de l'éducation sexuelle qui résulte de la pratique du nudisme en commun, spécialement à l'intérieur de la famille.

Philosophie de le libre-culture. - Mais au-delà de toutes ces questions d'hygiène physique et mentale, il y a, dans la libre-culture, toute une philosophie de la vie qu'il convient de dégager. Bien loin de tendre, comme le répètent les sots, à un recul vers la barbarie et la sauvagerie, la libre-culture, telle qu'elle est. conçue dans les organismes directeurs de « Vivre », comme je m'attache personnellement à orienter son évolution, s'efforce d'adapter l'individu aux nouvelles conditions de vie que lui impose l'industrialisme. Pour cela, elle préconise une meilleure hygiène du travail, une meilleure organisation de la production et de la répartition en vue d'augmenter les loisirs, le confort, le bien-être matériel des individus avec, pour corollaire, une plus grande liberté individuelle, la volonté de cette liberté pour recréer le sentiment de la « personnalité » aboli par le collectivisme extrême de la vie moderne. C'est le thème de l'ordre du jour adopté par la Ligue « Vivre », à son congrès de 1930. C'est ce que, dans mon précis de libre-culture : « Nudisme (Pourquoi ? Comment ?) »,je synthétise sous cette forme :

«  Conserver la souplesse de nos corps dans l'harmonie des libres jeux quotidiens.

 » Créer les conditions d'un équilibre où se réalisera le conseil du vieux Juvénal: « Entretenir en santé à la " fois l'âme et le corps. »

 »Organiser les instants nécessaires où, dans le calme, l'homme - rapproché des sources de la vie - retrouvera sa personnalité ; où, méditant à loisir sur sa destinée, il s'agrandira de pure philosophie et s'enchantera des harmonies de l'art vivant.

 »Dans la paix volontairement construite, dans la beauté à chaque geste créée, sous le signe prééminent de l'esprit chaque soir libéré plus longuement de ses servitudes, redonner un sens à l'Amour ... »

On voit, par cela, que la libre-culture, dite « nudisme » est un instrument de progrès social en même temps qu'un moyen de culture individuelle et d'affranchissement de la personnalité. Elle s'allie sur ce plan aux mouvements philosophiques d'esprit libertaire comme aux mouvements sociaux d'action objective et positive. Sa particularité propre - et qui en fait tout le dynamisme - c'est son opposition par le fait au plus enraciné des préjugés, le préjugé du sexe, auquel, dans tous les milieux, s'attache une idée de honte toute spéciale que des esprits libres doivent nettement rejeter. C'est parce qu'on y accomplit un effort de compréhension et de vérité que les milieux libres-culturistes sont marqués d'une cordialité, d'une tolérance, d'une délicatesse de manières et de sentiments par quoi se manifestent les esprits ouverts sur la riche diversité de la vie.


- Charles-Auguste BONTEMPS


BIBLIOGRAPHIE. - Les ouvrages traitant du nudisme en France se trouvent, jusqu'ici, naturellement groupés aux « Edit.ions de Vivre », 2 bis, rue de Logelbach, Paris (17e). Citons : Devons-nous vivre nus ?, trois luxueux albums illustrés de Henri Nadel, qui constituent une véritable encyclopédie de la nudité ; L'homme et la lumière, ouvrage médical du Docteur Fougerat de Lastours ; Connaissance de la vie sexuelle, du Docteur Pierre Vachet, et un précis de la libre-culture i1lustré : Nudisme (Pourquoi. Comment), de Ch.-Aug. Bontemps, complété de documents et d'une post-face de Kienné de Mongeot sur' les « Origines du mouvement en France ». Enfin, dans la collection de la revue « Vivre Intégralement », de nombreux articles des Docteurs Charles Guilbert, Robert Sorel, Pierre Lépine, etc ... , et une suite d'articles du Docteur Pathault qui vont être réunis en volume.

NUDISME REVOLUTIONNAIRE 

Qu’on considère le nudisme comme "une sorte de sport, où les individus se mettent nus en groupe pour prendre un bain d’air et de lumière comme on prendrait un bain de mer" (Dr Toulouse), c’est-à-dire à un point de vue purement thérapeutique ; qu’on l’envisage, comme c’est le cas pour les gymnosmystique (gymnos en grec signifie nu ), comme un retour à un état édénique, comme replaçant l’homme dans un état d’innocence primitif et "naturel", thèse des adamites d’autrefois, - ce sont deux points de vue qui laissent place à un troisième qui est le nôtre, c’est que le nudisme est, individuellement et collectivement, un moyen d’émancipation des plus puissants . Il nous apparaît comme tout autre chose qu’un exercice hygiénique relevant de la culture physique ou un renouveau "naturiste". Le nudisme est, pour nous, une revendication d’ordre révolutionnaire.

Révolutionnaire sous un triple aspect d’affirmation, de protestation, de libération.

Affirmation : Revendiquer la faculté de vivre nu, de se mettre nu, de déambuler nu, de s’associer entre nudistes, sans avoir d’autre souci, en découvrant son corps, que celui des possibilités de résistance à la température, c’est affirmer son droit à l’entière disposition de son individualité corporelle. C’est proclamer son insouciance des conventions, des morales, des commandements religieux, des lois sociales qui nient à l’humanité, sous des prétextes divers, de disposer des différentes parties de son être corporel comme il l’entend. Contre les institutions sociétaires et religieuses que l’usage ou l’usure du corps humain est subordonné à la volonté du législateur ou du prêtre, la revendication nudiste est l’une des manifestations la plus profonde et la plus consciente de la liberté individuelle.

Protestation : Revendiquer et pratiquer la liberté de l’anudation est, en effet, protester contre tout dogme, loi ou coutume établissant une hiérarchie des parties corporelles, qui considère par exemple que l’exhibition du visage, des mains, des bras, de la gorge est plus décente, plus morale, plus respectable que la mise à nu des fesses, des seins, du ventre ou de la région pubienne ; c’est protester contre la classification en nobles et en ignobles des différentes parties du corps : le nez étant considéré comme noble et le membre viril comme ignoble, par exemple. C’est protester, dans un sens plus élevé, contre toute intervention (d’ordre légal ou autre ) qui nous oblige à nous vêtir, parce que cela plaît à autrui, alors qu’il n’est jamais entré dans nos intentions d’objecter à ce qu’autrui ne se dévête pas, s’il y trouve davantage son compte.

Libération : Libération du port du vêtement ou plutôt de la contrainte de porter un costume qui n’a jamais été et ne peut être qu’un déguisement hypocrite puisque reportant l’importance sur ce qui couvre le corps - donc sur l’accessoire - et non sur le corps lui-même, dont la culture cependant constitue l’essentiel. Libération d’une des principales notions sur les quelles se fondent les idées de "permis" et de défendu, de "bien" et de "mal" . Libération de la coquetterie, du conformisme à un étalon artificiel d’apparence extérieure qui maintient la différenciation des classes.

Qu’on s’imagine nu le général, l’évêque, l’ambassadeur, l’académicien, le garde-chiourme, le garde-chasse ? Que resterait-il de leur prestige, de leur délégation d’autorité ? Les dirigeants le savent bien et ce n’est pas un de leurs moindre motifs d’hostilité au nudisme.

Délivrance du préjugé de la pudeur, qui n’est autre que "la honte de son corps". Délivrance de l’obsession de l’obscénité, actuellement provoquée par la mise à découvert des parties corporelles que le tartufisme social prescrit à tenir cachées - affranchissement des réserves et des retenues impliquées par cette idée fixe.

Nous allons plus loin. Nous maintenons, en nous plaçant au point de vue sociabilité que la pratique de l’anudation est un facteur de meilleure camaraderie, de camaraderie moins étriquée. On ne saurait nier que nous est une, un camarade moins distant, plus intime, plus confiant, non seulement celle ou celui qui se fait connaître à nous sans arrière-pensée intellectuelle ou éthique, par exemple, mais encore sans aucune dissimulation corporelle. Les détracteurs du nudisme - les moralistes ou hygiénistes conservateurs d’Etat ou d’Eglise - prétendent que la vue du nu, que la fréquentation entre nudistes des deux sexes exaltent le désir érotique. Cela n’est pas toujours exact. Cependant, contrairement à la plupart des théories gymnistes - chez lesquelles l’opportunisme ou la crainte des persécutions est le commencement de la sagesse, - nous ne le nions pas, mais nous maintenons que l’exaltation érotique engendrée par les réalisations nudistes est pure, naturelle, instinctive et ne peut être comparée à l’excitation factice suscitée par le demi-nu, le déshabillé galant, et tous les artifices de toilette auxquels a recours le milieu vêtu, mi-vêtu ou court-vêtu où nous évoluons.

- E. Armand