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OMNIPOTENCE n. f. omnis, tout, potentia, puissance

Omnipotence est synonyme de puissance absolue, de toute-puissance. C'est un des attributs que l'on prête à Dieu, comme on lui prête toutes sortes d'autres qualités, sous prétexte qu'il est parfait. De cela on n'apporte aucune preuve. S'il existait un Dieu et s'il était tout-puissant, on pourrait dire qu'il est le pire des despotes ; ce n'est pas aux adorations du genre humain, mais à ses malédictions qu'il aurait droit. « Une nature qui jette le faible en pâture au fort, et ne prodigue les germes que pour multiplier les victimes, ne saurait avoir qu'un monstre pour auteur. Or, cette sanglante harmonie, cette finalité cruelle seraient celles de notre univers, si l'on voulait, à tout prix, qu'un artisan habile en soit l'organisateur ». C'est à la confusion du créateur que tourne la preuve de l'existence de Dieu par les causes finales, si souvent servie aux fidèles par les prédicateurs. Son omnipotence démontrerait qu'il est le Dieu mauvais, l'esprit néfaste et méchant que les disciples de Zoorastre opposaient au Dieu lumineux et bon. On ne s'étonnera pas que des philosophes croyants, tels que W. James, se refusent à placer la toute-puissance parmi les attributs divins. Mais les prêtres et les philosophes crurent, autrefois, qu'ils rendraient le créateur, plus redoutable et plus sympathique, tout ensemble, s'ils le gratifiaient de qualités contradictoires. La naïveté des anciens rendait le procédé efficace et sans inconvénient. Les modernes plus réfléchis ne comprennent pas que Dieu use de sa toute-puissance pour les faire souffrir. De certains chefs d'Etat on dit, comme du créateur, qu'ils sont omnipotents. On signifie par là que leur pouvoir est absolu, qu'ils règnent en maîtres souverains dans le pays qu'ils commandent. C'était le cas de Louis XIV et de la majorité des rois, au XVIIème siècle ; avant la guerre c'était le cas du tzar de Russie. Aujourd'hui les monarques absolus ont disparu, pour faire place à des présidents de République, ou à des rois constitutionnels. Des dictatures, surgies çà et là, continuent cependant à nous renseigner sur l'effroyable tyrannie que les masses acceptent parfois de subir. L'orgueil et l'ambition des potentats, hissés sur le pavois, deviennent, en général prodigieux. « Papes, rois, dictateurs, même d'obscurs ministres arrivent à se prendre pour des demi-dieux. Car, pour satisfaire leurs plus vils caprices, des valets s'offrent ; ils ne rencontrent que flatteurs à l'échine soupIe ; on les acclame en public, on les supplie dans l'intimité avec les mots qu'emploie la dévote pour attendrir les habitants des cieux. S'ils digèrent mal, l'univers s'affole, il est aux anges s'ils ont copieusement banqueté ; du moins la presse l'affirme, cette presse tapageuse qui ne découvre en eux que mérites et vertus. Pour ne point éprouver le vertige, leur cerveau devrait avoir la dureté du fer, tant les a perchés haut la sottise populaire » (Vouloir et Destin). A ces fantoches on attribue l'honneur des travaux qu'exécutent leurs esprits. Pourtant c'est à la servilité des peuples, et à elle seule, qu'ils doivent une prééminence que la nature ne justifiait pas.