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OMNISCIENCE n. f. (du latin omnis, tout, et scientia, science)

D'après les théologiens et les philosophes qui sont à leur remorque, l'omniscience serait un attribut de Dieu lui permettant de tout connaître : présent, passé, futur. Impossible, en effet, d'admettre que Dieu soit parfait si ses connaissances peuvent s'accroître au cours des temps ; car son intelligence, discursive comme celle de l'homme, serait capable de plus et de moins, elle serait perfectible, ce qui ne peut être le propre que d'un esprit fini, limité, soumis aux contingences du devenir. Et comme, par définition, Dieu est l'être que rien ne borne dans l'espace ni le temps, dont la connaissance est parfaite comme ses autres qualités, il faut admettre qu'il connaît l'avenir aussi clairement que le passé. La Bible nous montre une multitude de farceurs qui s'intitulent prophètes et dont les prédictions restent assez vagues, assez équivoques pour que, avec un peu de bonne volonté, et quelques coups de pouce au texte, les prêtres puissent toujours prétendre qu'elles sont accomplies. Il serait inutile d'insister sur l'omniscience d'un Dieu inexistant, si cet attribut ne contenait en lui-même une contradiction capable de nous édifier sur la vanité des spéculations théologiques. Les mêmes qui affirment que Dieu connaît l'avenir prétendent aussi que l'homme est libre. Or si l'homme est libre, s'il peut accomplir ou non telle action, s'il peut faire ou ne pas faire ce qui lui convient, comment admettre que Dieu connaisse une conduite encore non déterminée, une action dont la réalisation dépend du bon vouloir humain. Dieu sait, paraît-il, qui doit aller au ciel, qui doit aller en enfer, et cela de toute éternité. Il sait, de plus, pour quelle faute librement accomplie, un tel doit rôtir à jamais, pour quelle bonne action un autre doit se pâmer sans fin au ciel. Et, malgré cela, le malheureux destiné à l'enfer, le saint qui ira dans le paradis, ce que Dieu sait de toute éternité, restent libres, absolument libres d'accomplir le péché qui doit damner le premier, la pénitence ou l'aumône au clergé qui sauvera le second, toujours d'après l'infaillible prescience du tout-puissant. Contradiction si insoluble que les théologiens et les philosophes spiritualistes ont renoncé à la résoudre et même à l'expliquer en déclarant qu'il s'agit là d'un mystère inaccessible à la faible raison humaine et qu'il faut croire sans chercher à comprendre. Moyen singulièrement commode d'en imposer à la sottise populaire, mais dont l'homme réfléchi ne peut que sourire.

On a parfois employé le terme omniscience pour désigner une connaissance très étendue qui embrasse l'ensemble du savoir humain. C'est ainsi que, à la Renaissance, Pic de la Mirandole acceptait de discuter de tout ce qu'on pouvait connaître. Aujourd'hui les sciences expérimentales, les mathématiques, l'histoire, les arts, la philosophie, etc.., ont pris un développement trop considérable pour qu'un même individu puisse tout approfondir. Mais constatons qu'une spécialisation poussée à l'extrême présente de sérieux dangers. Il est bon, à notre époque, comme par le passé, sans prétendre à l'omniscience, de ne rester étranger à rien de ce qui est vraiment humain.