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PALÉONTOLOGIE (du grec palaios, ancien, ontos, être, et logos, discours)

La Paléontologie est loin d'être une science morte. Elle a fait ses preuves, elle est appelée à prendre une place de plus en plus importante parmi les connaissances humaines. Elle ouvre au philosophe des horizons infinis, et peut-être nous permettra-t-elle de percer, un jour, le mystère des origines. Elle s'appuie sur les autres sciences, qui, elles-mêmes, s'appuient sur elle. Son but est de démontrer que l'homme n'est pas né d'hier, mais d’avant-hier, et qu'au lieu de sortir comme une créature parfaite des mains du créateur, il a été lentement engendré par toute la série des êtres qui l'ont précédé. C'est dire qu'il y a deux paléontologies : la paléontologie animale et la paléontologie humaine. Mais esquissons brièvement l'histoire de cette science. Nous apercevrons mieux, ensuite, son but et ses moyens.

La paléontologie se préoccupe, avant toute chose, de l'étude des fossiles, animaux et végétaux, conservés entièrement ou en partie dans les couches géologiques. C'est dire qu'elle ne peut se passer de la géologie, qu'elle s'appuie sur elle pour la dépasser. On pourrait ergoter sur le mot « fossiles », et ne l'employer que pour désigner les débris des espèces éteintes. C'est dans ce dernier sens que nous l'emploierons ici, sens qui a fait souvent donner à la paléontologie le nom de paléozoologie lorsqu'elle s'est préoccupée des animaux enfouis dans les entrailles du sol, et celui de paléobotanique, quand elle s'est appliquée à l'étude des anciens végétaux. Ces débris se sont conservés sous certaines influences, qu'il serait trop long d’énumérer ici ; d’autre part, les espèces disparues offrent plus d'un rapport avec les espèces actuelles. Elles permettent d'en mieux saisir l'évolution. L'évolution, mot qui n'a rien à voir avec les débuts de la science paléontologique, dont Cuvier peut être considéré comme le père. En remontant plus haut, on lui découvrirait des précurseurs chez les Grecs et chez deux ou trois savants des XVIe et XVIIe siècle. Ce n'est que lorsque la géologie a vraiment existé que la paléontologie a pu exister à son tour. Cuvier, dans les Ossements fossiles et son Discours sur les révolutions du globe, publiés dans la première moitié du XIXe siècle, a énoncé les grandes lois de la paléontologie. Mais Cuvier, savant officiel, respectueux de toutes les traditions, et ses disciples immédiats, prenant à la lettre son enseignement, n'avaient pas voulu entendre parler dfévolution. Et si, comme le savantasse Elie de Beaumont, ils affirmaient l'ancienneté de certains animaux fossiles, ils ne voulaient rien savoir en ce qui concernait l'ancienneté de l'homme fossile, qu'ils faisaient naître, avec la Bible, 4.000 ans avant notre ère, et ils proclamaient sur un ton qui ne souffrait point de réplique : « L'espèce humaine n'a jamais été contemporaine de l'Elephas primigenius ». Le règne animal a évolué paléontologiquement, et l'homme, bien qu'apparu le dernier sur la terre, remonte sans doute à des millions d'années ! Certains savants ont essayé d'accorder la paléontologie fondée sur la doctrine de l'évolution avec l'enseignement de l'Eglise, tel Albert Gaudry qui se fit l'ardent défenseur de l'hypothèse évolutionniste. Cette hypothèse ne s'opposerait pas, comme le croyaient Cuvier et ses disciples, aux dogmes chrétiens.

L'étude de l'anatomie comparée avait été pour Cuvier une révélation. Elle l'avait mis sur la voie d'admirables découvertes. Il compara les formes disparues aux formes vivantes. Alcide d'Orbigny, Charles Lyell, Lamarck et Darwin ont contribué, autant que lui, à jeter les fondements de la paléontologie. Albert Gaudry, dans ses Enchaînement du Règne animal, achève de donner à cette science droit de cité parmi les autres.

La paléontologie a ressuscité tout le passé de l'homme et de l'animal, dont les ossements ont été conservés dans les couches terrestres, formant comme les feuillets d'un grand livre qu'on pourrait appeler, avec Haeckel, la création naturelle. La phylogenèse nous fait assister à l'évolution de l'espèce dans le sein de la terre, elle est confirmée par l'ontogenèse ou constitution de l'être dans le sein de la mère. L'embryologie vient ainsi en aide à la paléontologie. Cette dernière a aussi d'étroits rapports avec la Préhistoire : elle est une de ses sources.

Nous ne ferons pas ici l'histoire des espèces qui se sont succédées dans les couches géologiques, ni l'étude du fœtus humain ; bornons-nous à dire que l'embryon passe, dans le sein maternel, par tous les états par où sont passés les espèces animales. C'est une récapitulation synthétique, les étapes du règne animal l'ont franchie rapidement. Ne subsiste que l'essentiel.

On sait que les terrains ont été divisés en primaires, secondaires, tertiaires et quaternaires, et que chacun d'eux comporte lui-même des divisions. La paléontologie a recueilli dans ces différents terrains des traces des animaux et de l'homme. Elle projette sur le mystère des origines humaines d'éclatantes lueurs. Alliée aux sciences connexes, elle nous met sur la voie de la vérité, de la vérité sans majuscule, qui nous dispense de recourir à l'hypothèse d'un Dieu ayant tiré le monde du néant, et fabriqué de toutes pièces, dans le Paradis terrestre, une créature parfaite. Désormais, on ne peut plus croire à ces balivernes. Elles cessent d'avoir cours. Seuls les cerveaux anémiés peuvent encore l'invoquer pour expliquer l'existence du ciel et de la terre.

- GÉRARD DE LACAZE-DUTHIERS

BIBLIOGRAPHIE sommaire (et récente) : Albert Gaudry : Les Enchaînements du Monde animal, les ancêtres de nos animaux dans les temps géologiques, Contemporanéité de l'espèce humaine et de diverses espèces animales aujourd'hui éteintes. - Boucher de Perthes : Des Arts à leur origine. - A. Nittel : Traité de Paléontologie. - Hornes : Manuel de Paléontologie. - Marcellin Boulé : Les Hommes fossiles. - Gérard de Lacaze-Duthier : Philosophie de la Préhistoire. - L. Joleaud : Eléments de paléontologie. - F. Roman : Paléontologie et Zoologie. - Binet-Sanglé : Nos ancêtres. - Goury : Origine et évolution de l'homme. - S. Blanc : Initiation à la Préhistoire. - Verneau : Les origines de l’Humanité, etc.