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PANÉGYRIQUE n. m.

Le proverbe dit : « Menteur comme un panégyrique. » Le panégyrique est un discours consacré à la louange d'un personnage plus ou moins illustre. Il ne comporte ni critique, ni blâme, ni même la moindre réserve. C'est donc la forme la plus bassement servile dans l'art oratoire.

Ironiquement : Propos qui a l'air de louanger quelqu'un et qui le décrie par des restrictions. (Lachâtre)

Les Grecs, si avides d'éloquence, prononçaient des panégyriques en l'honneur d'hommes, vivants ou morts; de cités glorieuses (Athènes) ou d'entités métaphysiques (la Parie). Les Romains consacraient le panégyrique exclusivement aux vivants. Ce furent des élucubrations fatigantes dans lesquelles on prodigua aux puissants de l'heure les mensonges les plus éhontés, (panégyriques de Constantin, de Julien l'Apostat, de Théodose, etc.).

Les Pères de l'Eglise, grecs et latins, cultivèrent avec succès ce qu'on nomma « le panégyrique chrétien ». L'oraison était consacrée à un personnage destiné à être canonisé. L'Eglise grecque appelle encore Panégy­riques des livres disposés, selon l'ordre des mois et contenant pour chacun de ces mois des discours à la louange de Jésus et des Saints.

Longtemps, panégyrique, éloge et oraison funèbre ont pu être confondus. « L'oraison funèbre était, à vrai dire, le panégyrique des morts, et le panégyrique donnait aux vivants un avant-goût de leur oraison funèbre. » (A. Gazier. Ency.).

Ce genre, en raison même du but poursuivi, ne fut presque toujours que l'étalage d'une phraséologie pompeuse et froide, un abus de lieux communs, pleins de banalités et d'enflure. Il fallait certainement n'avoir pas le souci du pain quotidien pour consacrer son temps à écouter « ces chefs-d'œuvre de pédantisme et de mauvais goût ». Au surplus c'était bien le passe­ temps d' « honnêtes gens » avides de flatter les maîtres ou d'apprendre comment on les courtise.

Le panégyriste le plus éminent, Bossuet, se spécialisa dans « le panégyrique des morts ». Il s'éleva, certes, jusqu'aux plus hauts sommets de l'éloquence, mais davantage avec le souci d'instruire, de donner des leçons (pour la plus grande gloire de Dieu) que de dire la vérité, dont il n'avait cure. « L'auteur d'une oraison funèbre dira seulement ce qui est à l'honneur de son héros ; il louera des actions qu'on puisse louer sans crainte dans la chaire de vérité, et résolument, en vertu d'un accord tacite entre lui et ceux qui l'écoutent, il passera les autres sous silence. » (Encycl.) Bossuet ne manqua pas à la règle. Panégyriste de Saint-Pierre, il se garda de parler de son reniement ; de Saint-Paul il omit de signaler que le prince des apôtres fut d'abord un persécuteur acharné des chrétiens.

« De 1.500 à 1.800 oraisons funèbres imprimées de 1621 à 1789, dix ou douze tout au plus supportent la lecture. » Que de temps, et parfois de talents, mal employés ! Que d'oisifs se sont appliqués, dans ce genre boursouflé, insipide, à mentir avec art ! (le panégyrique d'Athènes coûta 15 ans de travail à Isocrate ; Bossuet eut 140 jours pour écrire l'oraison funèbre du prince de Condé et un an pour élaborer celle de la princesse palatine !) Qu'en reste-t-il aujourd'hui ?

Les gens d'Eglise et de robe, les personnages officiels, les bonzes de toutes les académies éprouvent certainement davantage que les prolétaires le besoin de prononcer des panégyriques. Cultivant avec amour leur petite vanité, combien se complaisent à s'encenser mutuellement ! Pour un Voltaire dérogeant une fois « à l’usage fastidieux de ne remplir un discours de réception que de louanges rebattues du Cardinal de Richelieu », que de plats valets! Panégyrique d'hommes de lettres, d'hommes politiques, d'hommes d'Etat ; panégyriques de Jeanne d'Arc, de la Patrie, de la Révolution, de la République, des morts de la guerre (ô Poincaré !) qui encombrent trop souvent les colonnes des journaux ou que vomissent les postes de T. S. F., qui donc a le triste courage de vous lire ou de vous écouter jusqu'au bout ? Fléchier, qui s'y connaissait, disait : « L'imagination a plus de part aux panégyriques que la raison ; ce sont des hyperboles perpétuelles. » « Hyperboles » est poli ; nous employons à l'occasion des termes un peu plus forts pour flétrir les discours trompeurs.

- Ch. B.