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PANIQUE n. f. et adj.

Selon les Grecs, le dieu Pan, au cours de ses randonnées nocturnes, jetait fréquemment l'effroi par de brusques apparitions. De là vient le mot panique, que l'on applique à une terreur subite et souvent collective. Quand un mouton se met à fuir, le troupeau entier prend peur. Les foules humaines aussi sont prises de paniques, car les émotions se propagent avec une incroyable rapidité. On en peut citer des exemples fameux. Préludant aux paniques qui secouent les banques modernes, la banqueroute du système de Law, en 1720 fut le signal d'une indescriptible émotion. Les spéculateurs malheureux, dont les actions et les billets ne valaient plus guère que le prix du papier, s'entassaient aux portes de la banque ; des cris et des menaces montaient à l'adresse de Law. Trois personnes furent étouffées par la foule, tant la presse était grande ; et leurs cadavres furent promenés à travers Paris par les ennemis du financier qui réclamaient vengeance. Effrayé, Law, qu'on encensait sans mesure peu auparavant, décampa secrètement et de nuit. Quand Poincaré, en 1914, s'enfuit à Bordeaux avec sa séquelle de ministres, de journalistes, de financiers et de parlementaires, ce fut sous le coup d'une panique, que l'on a vainement essayé de couvrir du manteau de prudence. Ces gens, qui épargnaient si peu le sang de l'humble soldat, craignaient pour leur propre vie, et c'est loin du danger qu'ils transportaient leurs précieuses personnes. Des armées russes, pendant la dernière guerre, furent prises d'une terreur indicible, car elles voyaient la Vierge Marie étendant la main du haut du ciel pour protéger l'adversaire. On a su depuis que des aviateurs, munis d'appareils cinématographiques, projetaient ces divines images sur les nuages qui servaient d'écran. Avec raison, ils avaient tablé sur la superstition populaire. De nombreuses paniques sont volontairement déchaînées par les financiers et les politiciens ; elles permettent de louches combinaisons, d'infâmes marchandages, impossibles à un autre moment. L'affolement provoqué en France par la chute du franc, celui qui vient de secouer l'Angleterre par suite de la baisse de la livre sterling, ont profité à certaines gens. Les gémissements officiels ne purent dissimuler complètement la joie secrète et les ambitieuses visées de ceux à qui cet affolement profitait. Réfléchir, observer, voilà ce que doit faire le sage, quand il voit ceux qui l'entourent pris d'une panique dont le motif n'est pas clair. Il ne peut oublier qu'aux yeux des chefs le peuple est un enfant qu'il est utile d'effrayer en certains cas.