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PARVENU [E] adj. 

« Celui, celle qui a fait fortune, qui a passé de la pauvreté à l'aisance, à la richesse, à l'opulence. (Lachâtre) ». Nulle époque n'est plus favorable à l'éclosion des parvenus que celle d'un grand bouleversement social: guerre ou révolution. Cependant il y a eu de tout temps des parvenus, hommes habiles, favorisés par leur audace, par leur manque total de scrupules et par les circonstances. M. Jourdain vendait du drap ; telle famille bourgeoise doit sa fortune à l'ancêtre trafiquant d'esclaves; telle autre à l'acquéreur de biens nationaux, telle autre encore au fournisseur de matériel de guerre. Le parvenu a nécessairement tripoté avec la sueur ou le sang du peuple. Commerçant, industriel ou gros propriétaire foncier, il a exploité autrui autant qu'il a pu. Quand il est arrivé à la richesse, son insolence n'a plus connu de limites. Et cela s’explique: Voilà un homme, né dans le prolétariat ou dans la petite bourgeoisie, auquel l'abondance et le luxe de la classe riche en ont toujours imposé. Intelligent, avide de posséder, d'être enfin lui aussi -pourquoi pas ?- un des « heureux » de la terre (il ne conçoit pas d'autre sorte de bonheur), un jour, sous une de ses multiples formes, le moyen d'acquérir la fortune se présente à lui. Sans doute, pour ce premier pas, il faut tremper dans une affaire louche, passer sur les camarades, sur un frère, ou sur des cadavres, mais qu'importe! L'ultime but de l'agitation humaine n'est il pas de parvenir ? Et le premier geste fait, le reste vient par surcroît. Voilà notre homme riche. Dissipées les craintes et les angoisses du début. Ce qu'il possède, il le doit -il en est persuadé- à sa valeur personnelle. Où quantité d'autres ont vainement essayé, lui a réussi. Un formidable orgueil s'empare de sa personne. Il a changé de classe. Et un de ses premiers besoins est de cacher ses origines. M. Jourdain veut être un parfait gentilhomme; il devient mamamouchi ! Il achète au pape un titre de noblesse ; il a un château, une écurie de chevaux de courses, des ancêtres ! Il pousse à outrance les manières en usage dans « le grand monde), et se montre ainsi d'un parfait ridicule. « Un sot parvenu est comme sur une montagne, d'où tout le monde lui paraît petit, comme il paraît petit à tout le monde » (Noël). Cependant tous les par venus ne se laissent point sottement griser par leur fortune. Certains, -les plus redoutables- conscients de leur force (l'argent permet tout), se retournent avec morgue vers leurs compagnons de la veille et deviennent pour eux d'impitoyables ennemis. Il semble qu'un besoin les pousse à racheter leur origine dans l'écrasement des pauvres qu'ils ont reniés. C'est l'histoire de tous les renégats. L'infâme Mussolini est un modèle de ce genre. Le parvenu est donc un être sans conscience, toujours dangereux ; et le prolétaire restera fraternel, secourable, humain, prêt aux besognes émancipatrices de demain tant qu'il s'opposera aux désirs malsains des parvenus, et tant qu'il pratiquera pour lui-même cette vertu nécessaire, définie par Albert Thierry, et qui a nom : le refus de parvenir.

Ch.B.