Accueil


POLITESSE (de l'italien : politezza)

Manière d'agir et de s'exprimer conforme aux usages reçus dans une société. Ces usages varient suivant les régions et selon les époques. Ils sont ainsi parfois contradictoires. Cependant ils sont inspirés toujours par deux sentiments très estimables : le souci de la dignité personnelle et le désir de plaire à autrui. Il ne s'agit donc nullement d'un préjugé, encore moins de coutumes condamnables, bien qu'elles puissent être, en certains cas, avantageusement modifiées et remises en discussion. La politesse est une forme de la sociabilité. Certains démagogues en ont pris ombrage, sous prétexte qu'elle est en honneur dans les milieux aristocratiques. Comme si l'esprit révolutionnaire devait consister, non à se conduire selon la raison, mais à faire, en chaque circonstance, exactement le contraire de ce que font les bourgeois !

La véritable courtoisie est faite de simplicité cordiale à l'égard de tout le monde, surtout envers les plus humbles ; et elle vise à la bonne tenue, à la grâce dans le geste, par respect pour soi-même et pour les autres. Elle n'a pas lieu d'être confondue avec l'attitude guindée, et le ton impertinent, les courbettes excessives, les propos ennuyeux à force d'être mesurés, qui furent de bon ton naguère, et qu'affectionnent encore de ridicules parvenus. Il serait injuste de la taxer d'hypocrisie. Les règles élémentaires de la solidarité, et de la déférence réciproque, dans les relations de chaque jour, n'ont rien à voir avec la duplicité. La flatterie excessive, l'obséquiosité intéressée pourraient seules mériter une telle accusation. Mais on peut être poli sans jamais recourir à d'aussi vils procédés. D'ailleurs, la franchise n'est pas plus à confondre avec la brutalité, que la modestie avec le sans-gêne ou la grossièreté.

Lorsqu'une personne est disgraciée par la nature, faut-il pousser l'amour de la vérité jusqu'à lui rappeler qu'elle est laide, ce que son miroir ne lui révèle que trop ? N'est-il pas plus charitable de prêter attention à quelque détail avantageux de son physique, tout en paraissant ne s'apercevoir point du peu d'harmonie de l'ensemble ? La sincérité ne consiste pas à dire tout ce que l'on pense, mais à penser tout ce que l'on dit. Et lorsque l'on pense des choses qui pourraient être attristantes pour autrui, sans aucune nécessité, le mieux est de se taire, de réserver son courage civique pour des occasions plus profitables.

Il n'est pas de règle de politesse puérile et honnête qui ne puisse se justifier par des raisons valables, ce qui ne signifie point qu'il faille, à l'instar des snobs, se plier aveuglément à tous les caprices de la mode. S'il est convenable qu'un homme, qui n'est ni infirme ni accablé de fatigue, cède sa place, s'il est assis, à une femme demeurée debout, ce n'est point en vertu d'une sorte de religiosité à l’égard du sexe féminin, mais parce que la femme étant, en moyenne, plus faible que l'homme et, par surcroît, sujette à des troubles physiologiques, que le sexe mâle ne connaît point, il est juste qu'elle soit l'objet d'attentions particulières. Eventuellement, d'ailleurs, il serait bien qu'une femme jeune et robuste se privât de son siège en faveur d'un mutilé ou d'un vieillard.

Se laver les mains avant de se mettre à table, manger en évitant de toucher les aliments avec ses doigts, n'est pas une question d'afféterie, mais d'hygiène et de propreté. Ne discuter qu'avec tact lorsque nous avons affaire à des personnes ayant des idées opposées aux nôtres, éviter de les froisser, tâcher plutôt d'éveiller leur curiosité, n'est ni une faiblesse ni de la dissimulation. Les invectives, l'ironie blessante, ne sont pas des arguments, et ils éloignent de nous plutôt qu'ils ne plaident en faveur de nos doctrines.

Il n'est pas indispensable de compulser de gros ouvrages spéciaux pour être de bonne éducation. Il suffit, à tout moment, d'avoir envers les personnes qui nous entourent, la conduite correcte et les prévenances dont nous serions heureux de bénéficier si nous étions à leur place.

- Jean MARESTAN.