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POTENTIEL (adjectif et nom)

Au point de vue grammatical, l'adjectif potentiel désigne seulement la possibilité de l'action ; au point de vue philosophique, il convient à ce qui n'est qu'en puissance ; au point de vue médical, il s'applique à ce qui exige un certain temps avant de manifester son action. Mais c'est à sa signification physique que l'on s'arrête le plus souvent. Et d'abord, on oppose l"énergie potentielle à l'énergie cinétique ou actuelle. Cette énergie potentielle correspond au travail qu'accompliraient les forces intérieures d'un corps, si elles engendraient une action effectivement réalisée. Seules ses variations sont bien déterminées ; et, comme toutes les formes d'énergies, elle ne saurait augmenter spontanément, elle ne peut que diminuer. Si elle augmente, cet accroissement est compensé par la diminution d'une autre forme d'énergie. Le contrepoids d'une horloge possède, quand il est remonté, une énergie potentielle qu'il perdra pendant sa descente. Un ressort enroulé pourra de même produire un travail grâce à l'énergie que sa déformation lui confère. Un réservoir d'essence que l'on fera exploser avec de l'air, au moment voulu, constitue aussi une provision d'énergie potentielle. On pour­ rait multiplier les exemples. Mais c'est en matière d'électricité que le terme potentiel acquiert une importance particulièrement considérable : il cesse alors d'être employé comme adjectif pour devenir un nom. Si l'on compare un courant électrique à une chute d'eau, son intensité répondra au débit de la chute, son potentiel à la hauteur de cette même chute. D'une façon plus précise, on peut dire que la différence de potentiel entre deux conducteurs est l'équivalent de la différence de niveau entre deux réservoirs d'eau. Quand on met en rapport deux conducteurs chargés d'électricité de même nom, ils sont dits de potentiel semblable, lors­ qu'aucune quantité d'électricité ne passe de l'un sur l'autre ; dans le cas contraire, ils sont dits de potentiel différent. C'est en volts que se comptent les différences de potentiel, et l'on appelle voltmètres les appareils qui permettent d'en effectuer la mesure. Mais ce qu'on mesure et calcule c'est seulement une différence de potentiel. Dans un conducteur traversé par un courant, le potentiel prend d'ailleurs une valeur invariable et diminue d'un point à un autre, dans le sens du courant, depuis la valeur la plus élevée qui règne à l'une des extrémités du conducteur jusqu'à la valeur la plus basse qui règne à l'autre. Conformément à la fameuse loi d'Ohm, la chute de potentiel le long d'un conducteur, dans lequel le courant ne produit pas autre chose qu'un dégagement de chaleur, est proportionnelle à l'intensité du courant et à la résistance ; l'unité de différence de potentiel ou volt est la différence de potentiel existant entre les extrémités d'un conducteur, dont la résistance est de un ohm, traversé par un courant invariable de un ampère. Par son aspect extérieur, le voltmètre rappelle l'ampèremètre, mais alors que le second est un galvanomètre de très faible résistance qui mesure l'intensité du courant passant dans un circuit, le premier est un galvanomètre de très grande résistance qui sert à la mesure des forces électromotrices. Remarquons que nos sens restent presque totalement insensibles et muets lorsqu'il s'agit d'électricité ou de magnétisme. Un courant électrique provoque des secousses parfois très douloureuses et même mortelles ; au moment des orages, nous éprouvons des malaises, par suite de la variation brusque de notre potentiel. D'une façon générale, nous ne ressentons que des impressions très vagues quand nous pénétrons dans un champ électrique ; nous n'en ressentons aucune s'il s'agit d'un champ magnétique. Sans doute tous les faits sont, en définitive, réductibles à des phénomènes électriques si la matière est composée d'électrons ; il reste que nos sens sont singulièrement inaptes à percevoir électricité et magnétisme dans leurs manifestations ordinaires. Aussi, la science de ces phénomènes fut-elle de longs siècles avant de faire de sérieux progrès. C'est par le raisonnement, la mesure de quelques faits soigneusement observés, le calcul mathématique, que les physiciens sont parvenus à découvrir les lois de l'électricité. Nous ignorons encore sa vraie nature. A quelles modifications de la substance du conducteur correspond le transport de l'énergie électrique, de quelles transformations intimes résulte l'aimantation du fer ? Nous n'en savons rien, pas plus que nous ne savons comment se propage la chaleur ou comment elle résulte de la disparition d'autres formes d'énergie. Pour imaginer, d'une façon concrète, les phénomènes électriques, il faut user de comparaisons, de métaphores, plus ou moins adéquates, qui risquent de donner des idées fausses si on les pousse trop loin. Il convient de les éviter dans la mesure du possible pour leur substituer des formules mathématiques ; ce qui est particulièrement facile en électricité, nos connaissances étant parvenues, dans ce domaine, à un haut degré de perfection. Ainsi, le potentiel peut se définir d'une façon rigoureuse ; et les formules qui le concernent rendent aisés tous les calculs. Il semble même que certaines branches de la science électrique ne soient plus capables de progrès essentiels mais seulement d'améliorations de détail. « Notre génération, écrit Leblanc, a vécu de l'induction et je crois que ce thème est usé. Nous avons passé notre temps à faire tourner des champs à gauche ou à droite et à combiner leurs mouvements avec ceux de collecteurs ou de balais. Ces questions ont été tellement travaillées de tout côté qu'on peut les considérer comme épuisées ; si l'on veut trouver quelque nouveauté il faut la chercher dans les tubes à vide. » Ondes hertziennes, rayons cathodiques, etc., ouvrent, aujourd'hui, de nouveaux champs d'étude à l'électricien émerveillé. Pour les générations qui montent, de vastes domaines restent à explorer, si, délaissant les préoccupations chauvines et les inventions d'ordre militaire, elles s'adonnent à des recherches vraiment utiles.

- L. Barbedette.