PROSCRIPTEUR n. m.
Celui qui proscrit. « Tous les temps et tous les régimes ont eu des proscripteurs », indique le Dictionnaire Larousse, sans autre commentaire sur ce mot.
Nous pouvons ajouter que le proscripteur est, en effet, celui qui proscrit ; mais celui-ci, s’il n’est le tyran lui-même, en est l’instrument, le valet, l’exécuteur officiel des hautes et basses œuvres.
En régime d’autorité, c’est ainsi que s’administre la volonté de l’empereur ou du roi contre les sujets récalcitrants ou simplement mécontents, le « bon plaisir » du souverain fait loi. On ne peut s’étonner qu’il y ait des proscripteurs quand on ne s’étonne pas qu’il y ait des monarques de droit divin ou des usurpateurs audacieux se faisant proclamer, par la ruse ou par la force, les maîtres d’un peuple ou d’une nation.
D’ailleurs, ne sont-ce pas souvent les peuples qui réclament des tyrans, comme les grenouilles de la fable demandaient un roi ? Mais il arrive aussi que les peuples se débarrassent de leurs monarques. Il est évidemment plus rare de voir un peuple supprimer son tyran que de voir celui-ci se passer des moyens de tyrannie à sa disposition. Proscripteurs et bourreaux sont des hommes indispensables à tout gouvernement énergiquement arbitraire. Et les gouvernements ne le sont-ils pas tous plus ou moins ? Peut-être le règne d’un usurpateur ou d’un aventurier parvenu, d’un militaire audacieux à l’ambition duquel la fortune a souri, sont-ils portés à l’exagération de la tyrannie : César, Cromwell, Napoléon n’ont, certes, pas ignoré ce moyen de régner. Le proscripteur est le vil serviteur du maître, qui ploie l’échine pour aplanir le chemin et éviter les cahots dangereux au char du tyran.
La « Dictature du Prolétariat » elle-même ne se dispense pas, sans doute, de se servir du proscripteur, aussi nécessaire qu’odieux, pour assurer sa sécurité. Le régime autoritaire, quel qu’il soit, conduit à l’arbitraire, à l’injustice, à la violence !
Donc, en tous pays, sous régime autoritaire, ceux qui ne pensent pas conformément aux volontés des chefs d’État risquent de tomber sous les coups du proscripteur. Bien entendu, le proscripteur comme le policier s’acharnent tout particulièrement après les hommes d’idées avancées, sur les apôtres de la liberté ou de l’émancipation des individus et des peuples. Le proscripteur est toujours prêt à sévir.