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PSYCHIATRIE n. f. (ou « Médecine de l’Âme »)



Ce mot désigne l’ensemble des désordres mentaux issus d’un cerveau et d’un système nerveux central malades. Le mot âme ne signifie pas autre chose, en effet, pour les esprits positifs, que les fonctions du cerveau. Nous n’employons ce vocable de la vieille philosophie spiritualiste que pour la commodité du langage. Mais il demeure entendu qu’il n’y a pas la moindre différence de substance entre l’âme et le corps. Tout trouble de l’esprit ou du sentiment a un support organique dont il exprime la souffrance. Le symptôme lui-même, si impressionnant, si immatériel qu’il puisse paraître, n’est rien s’il n’est point relié à un organe qui a cessé de fonctionner normalement.



J’ai dit normalement, une fois encore par commodité de langage, car je dois rappeler que personne ne connaît intégralement le fonctionnement du cerveau et ne peut déterminer absolument si tel ou tel phénomène analysé est ou n’est point normal. Tout ce que l’on peut déclarer est qu’il n’est pas usuel, et cette déclaration entraîne fatalement des réserves. Sur le terrain de la folie, de celle surtout qui ne s’est pas encore révélée à l’observateur par une lésion déterminée de la substance organique, de pareilles réserves sont indispensables ; car les réactions psychiques qui sont souvent cataloguées folie ne le sont point aux yeux de tous les observateurs. Le terrain social et moral, en effet, où évoluent les phénomènes auxquels je fais allusion, est un facteur d’une particulière gravité et c’est en raison de cette gravité même, qui n’apparaît pas aussi sévère dès qu’il s’agit d’une autre fonction, comme celles du foie ou de l’estomac, que nous nous sentirons constamment en plein domaine de la relativité.



Bref, socialement parlant, il faudra parfois chercher le critérium d’un trouble mental dans une autre voie que la lésion organique, et cela tant que l’anatomie et la physiologie (psychologie) du système nerveux central ne pourront être rapportées à une sorte d’étalon.



Ce que je définis ainsi n’est du reste pas exclusif au cerveau. Qui donc, en effet, pourrait se targuer de connaître le prototype du squelette, de la chevelure ou des reins, tel que le créateur aurait pu nous le décrire, s’il y avait songé ? Nous sommes loin aujourd’hui de cette étrange définition de la dégénérescence donnée pourtant par un clinicien de premier ordre, le docteur Morel : la dégénérescence est la déviation du type normal de l’humanité. L’honorable médecin a eu pour excuse d’être un croyant, mais sa foi ne lui permit point de préciser les lignes du type normal. Et nous sommes aussi dépourvus qu’avant lui d’éléments de comparaison.



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Ces préliminaires indispensables étant tracés, ma tâche reste simple, car elle consiste à délimiter le cadre des affections dites mentales et à en fournir une sorte de classification très provisoire, car, ici encore, il est fort difficile de trouver des classificateurs unanimes.



Nous suivrons pour la commodité la vieille division scholastique qui se prête assez bien à une description objective, à savoir les trois compartiments où l’on case les manifestations du psychisme : intelligence, sentiment, volonté.



Disons, en premier lieu, que les troubles qui prédominent dans la folie, soit qu’ils existent à l’exclusion de tous autres, soit qu’ils compliquent d’autres états, ressortissent aux sentiments. Notre maître, Magna, les désignait justement du nom d’éléments simples. Ils constituent bien, aujourd’hui, un groupe d’affections déterminées et reliées selon toute vraisemblance à des anomalies du système endocrinien, à savoir des troubles des glandes à sécrétion interne (corps thyroïde, glande surrénale, etc.) agissant sur le système nerveux par l’intermédiaire du sympathique.



Telles sont les deux antinomies manie et mélancolie, objectivement caractérisées par un excès morbide d’expansion ou de tristesse, la première allant jusqu’à la fureur, au désordre absolu de toutes les facultés (le tableau de la manie réalise bien la folie telle que les gens du monde se la représentent : agitation, incohérence, volubilité, excentricités, etc.). Quant à l’autre, la mélancolie, elle a des degrés aussi, depuis la simple dépression mentale avec dégoût insurmontable de l’existence jusqu’à la stupeur la plus complète, avec arrêt apparent de la pensée, en passant par une phase de délire, parfois hallucinatoire, où la tristesse, compliquée d’un sentiment de diminution de la personnalité avec accusations imaginaires, conduit au suicide.



Mélangeons à volonté ces deux éléments ; concevons une succession alternante entre eux et nous réalisons un tableau clinique des plus fréquents dans les asiles, lequel n’est lui-même que l’excès de dispositions normales (la joie et la peine alternent chez tous), et nous connaîtrons une forme de folie très commune : la folie dite à double forme, folie alterne, mieux encore : folie intermittente, que l’aliéniste allemand Kraepelin a dénommée psychose maniaco-dépressive où l’on tend à voir un état grave conduisant à la démence précoce et définitive. Ici, il s’agit de ces accès de mélancolie et d’agitation, dont l’intensité enlève au sujet tout moyen de diriger son comportement et qui, la plupart du temps, exigent l’internement. De tels accès durent parfois pendant des mois et même des années, les deux phases se succèdent avec brusquerie, sans trêve. Ce retour alternatif d’accès a fait appeler cette psychose folie circulaire.



Nous en aurions fini avec les états simples, purement affectifs, s’il ne fallait mentionner un autre élément simple que l’on rencontrera dans la plupart des psychoses, c’est l’hallucination. Ce symptôme fort curieux connu depuis toujours, même dans l’Antiquité, mais interprété de façon très diverse, est vraiment la marque de fabrique de la folie.



Il s’agit d’un fonctionnement en apparence automatique des centres où s’emmagasinent les images sensorielles. Il affecte les divers sens : la vue (visions d’êtres animés, animaux, personnages, scènes variées au gré de l’imagination du sujet) ; l’ouïe (audition de bruits vagues ou précis, voix, propos aimables ou pénibles, injurieux, obscènes, provocateurs, bruits de foule, explosions, monologues ou dialogues, etc.) ; l’odorat (perception d’odeurs inexistantes, fétides ou parfumées, produits chimiques, sensation de suffocation, etc.) ; le goût (sucre, sel, amertume, poisons de toutes sortes) ; le toucher (sensations de frôlement, de pincements magnétiques, électriques, brûlures, actions sur les organes génitaux, action sur le cerveau lui-même ; suspension de la pensée (hallucination psychique, automatisme verbal, etc.).



Faire l’histoire de l’hallucination serait faire celle de la folie à travers les âges, à travers l’histoire ; elle mettrait en jeu les grands inspirés, depuis la Pythie de Delphes jusqu’aux mystiques célèbres plus modernes, y compris les névropathes béatifiés, sanctifiés, les miraculés de tous ordres.



L’intérêt pratique de ce phénomène est de savoir qu’il n’est possible qu’à la faveur d’un trouble de la conscience ou de la vision intérieure.



Les sujets hallucinés, à de rares exceptions près, ne savent point qu’ils sont hallucinés et reçoivent les données de leurs sens comme autant de réalités, et l’on aperçoit d’ici quelles en peuvent être les conséquences.



Car, réelles ou fictives, les données de nos sens déterminent nos actions ou les successions d’états de conscience qui aboutissent à l’action. Si un citoyen s’entend injurier de façon persévérante et qu’il ne se rende pas compte que ce trouble auditif n’est né que de lui-même, il peut être conduit à des réactions dangereuses, tout comme s’il avait été réellement injurié. La plupart des crimes et délits, commis par les malheureux qui tombent entre les griffes de la justice, sont le fruit d’hallucinations. Ces désordres des sens jouent un rôle énorme dans les relations entre citoyens.



Elles forment, du reste, la base essentielle et suffisante d’une forme de psychose, aujourd’hui cliniquement isolée, et que l’on appelle l’hallucinose ; elle est essentiellement constituée par des hallucinations primitives, diversement appréciées par les sujets qui finissent par se constituer une nouvelle existence, une nouvelle personnalité. Car les aliénés de cette catégorie ne perdent point l’usage des rouages normaux du raisonnement. On peut raisonner très juste sur des données fausses. Ce qui fait le fond de cette grave folie, c’est la perte même du jugement, du contrôle primordial. Substituez une suggestion réelle à une suggestion fausse, le sujet reste dans la voie commune des associations d’idées ; il ne déraille en fait que parce que le jeu de ses pensées ne s’articule à l’origine qu’avec des erreurs.



L’intervention des sens est d’une extrême gravité, car le travail syllogistique de la réforme du raisonnement tombe constamment à faux, dès que l’intéressé est prêt à vous rétorquer : j’entends, donc cela est ; je vois, donc cela est. D’où il suit que les psychoses de cet ordre sont chroniques d’emblée et incurables. Il est notoire du reste qu’après une durée plus ou moins longue d’un tel état, les facultés intellectuelles perdent encore de leur acuité et que tout espoir de remonter le courant est perdu. Les malades tombent dans un état qualifié de démence vésanique, précurseur de la mort mentale.



L’intérêt de l’étude de l’hallucination que j’ai faite, même très brève, nous a permis de passer des troubles du sentiment vers les troubles de l’intelligence. On a vu l’affaiblissement et parfois la disparition du jugement, la substitution de l’automatisme à la vie mentale raisonnante, avec la conservation pourtant du jeu régulier des rouages de l’organe cérébral. Telle une montre dont le mécanisme est intact, mais dont les battements seraient irréguliers et fantaisistes



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Les troubles, à proprement parler, de l’intelligence constituent un énorme département de la folie. Ce que j’en ai dit est fondamental et suffisant. C’est dire que le contenu de la psychose n’a rien à faire avec le fond : sur ce dernier, greffez toutes les fantaisies possibles et vous aurez objectivement les délires de persécution (les plus fréquents), les délires de grandeur, les mystiques, les hypochondriaques, les érotiques, etc. Le mélange, l’enchevêtrement des éléments simples fournissent le tableau final. Tel un peintre qui, en vertu de son même talent, et se servant des mêmes couleurs, saura représenter les scènes les plus différentes, tel un aliéné saura, selon la nature de son tempérament, de son expansivité, de ses refoulements et surtout de ses hallucinations, jouer le rôle d’un persécuté, d’un mégalomane, d’un libidineux, d’un mystique, etc.



Sur le terrain purement intellectuel, il me faut mentionner maintenant ces états raisonnants, dépourvus d’hallucinations qui, socialement parlant, sont beaucoup plus graves et dangereux que les précédents. Il s’agit, en effet, de sujets dits paranoïaques qui offrent toutes les allures de sujets normaux, mais qui excellent dans les raisonnements faux, absurdes, compliqués, où il est difficile de les suivre sans s’y perdre soi-même, mais qui offrent toujours les caractères de la vraisemblance. C’est dans cette catégorie d’aliénés que se recrutent la plupart des persécutés persécuteurs, beaucoup plus actifs dans leur délire que passifs. Nombre de persécutés supportent avec résignation les hallucinations les plus pénibles ; ce persécuté passif n’est pas celui qui tue. Mais ce raisonneur dont je parle ici n’est jamais un passif. Souvent même à l’origine de son épopée délirante, qui se traduit par ce qu’on appelle le délire des actes, il y a un noyau de faits réels, ordinairement insignifiants : la vie en est pavée. Mais à partir de ce noyau s’échafaudent mille raisonnements, mille interprétations stupides, illogiques et ridicules qui font nombre de complices, pendant quelque temps, jusqu’au jour où ces confidents se dérobent par la tangente. Alors, nos persécuteurs tombent dans l’erreur de la justice, en laquelle ils croient ; on les voit s’engager à perte de vue dans les procédures les plus échevelées ; ils constituent l’armée des processifs, des querelleurs ; ils rencontrent sur leur route maints parasites de la justice qui ne demandent qu’à les entretenir dans leur marotte dont ils vivent. Immanquablement, ils aboutissent à une impasse où ils ne connaissent plus que le scandale et la violence auxquels ils recourent pour appeler l’attention publique sur leur cas. C’est le moment où ils commettent quelque crime si, à la traverse, quelque autorité de bon sens ne les a colloqués à temps. La plupart des séquestrations dites arbitraires sont le fait de persécuteurs raisonnants, dont le cas émeut le populaire, si facile à tromper sur ce terrain. Autour de ces cas, on voit germer de véritables accès de psychose collective, contagieuse. La folie des foules ayant à sa base une suggestibilité, dont l’importance est en raison de la masse, est une psychose des plus curieuses. Elle se produit d’ailleurs dans tous les sens possibles : exaltation, emballements, enthousiasmes politiques, religieux, patriotiques ou autres, accès au cours desquels les meneurs intéressés, pour peu qu’ils aient quelque habileté, récoltent maints avantages. Elle se produit surtout dans le sens de la revendication. La folie des persécutés interprétateurs est féconde en complications médico-sociales qui requièrent une dose de sang-froid énorme pour que les intéressés formant la galerie échappent à la contagion.



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Traitons maintenant des troubles mentaux où la volonté est principalement en cause. Souvent, on les range sous la simple rubrique « folie lucide ». En effet, ils coïncident le plus généralement, non seulement avec une conscience très claire, mais aussi avec une parfaite lucidité. C’est une série de phénomènes qui ont le don de stupéfier les observateurs non prévenus et qui sont bien propres à faire douter de l’unité de la personne humaine. Ils conduisent, en tous cas, vers la conception théorique, objective, et sans doute provisoire, d’un dédoublement possible de la personnalité, une partie observant l’autre, totalement impuissante à régler ou à modifier son comportement. La conscience du sujet domine la situation comme un véritable spectateur. Mais ce qui caractérise la situation, c’est que ce détraquement profond de la machine cérébrale coïncide avec une lucidité parfaite. Lucidité et conscience sont deux choses. Un persécuté aliéné peut être parfaitement conscient du mal qu’il éprouve, mais il n’a point de lucidité attendu qu’il ne sait point discerner que ses souffrances sont sans cause objective. Jamais un aliéné ne rapporte à lui-même la cause de son aliénation.



Les folies lucides sont symptomatiquement une anarchie de la volonté. Elles ressortissent comme éléments premiers à deux phénomènes psychologiques bien connus : l’obsession et l’impulsion. Un sujet sera hanté malgré lui par l’idée du suicide, alors qu’il n’a aucune raison d’accomplir cet acte. Il le reconnaît, l’avoue, se défend avec la dernière énergie contre cette idée stupide, implore du secours ; mais sa résistance est vaine : la souffrance morale que lui procure son aboulie est le mal suprême dont il est victime.



L’obsession et l’impulsion sont liées comme la pensée l’est à l’acte. Toutes deux sont aussi irrésistibles. Nombreuses sont les formes de folies lucides qui rentrent dans le cadre de ce que le grand public, que le mot de folie effraie, dénomme neurasthénie. J’énumère au hasard la folie du doute, la dipsomanie, l’impulsion homicide, la kleptomanie, la manie incendiaire, etc.



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Examinons maintenant les états psychiques où les éléments simples, dont il a été question jusqu’ici, se trouvent mélangés par parties inégales. Tout de suite, ces états mixtes nous amènent sur l’immense terrain de la folie héréditaire ou folie des dégénérés.



Il y a sans doute des usures organiques auxquelles participent les divers systèmes de notre économie, usures qui sont l’aboutissant d’influences morbides accumulées au cours des générations. La disparition de familles, d’espèces, de races par une sorte d’épuisement progressif est connue, mais nulle part cet état de dégénérescence n’a été aussi frappant que du côté du système nerveux.



Si nous ne pouvons accepter la définition un peu ingénue de la dégénérescence que nous avons citée plus haut, nous pouvons, en restant sur le terrain des relativités, et en comparant des couches successives d’êtres humains, constater très simplement que la résistance aux causes de déchéance et de mort peut diminuer de génération en génération, jusqu’à aboutir au néant, et qu’une génération qui résiste moins que la précédente est dans un état de dégénérescence. Cette définition laisse entier le problème de la régénération qui à priori apparaît possible, si de meilleures conditions sociales le permettent.



Psychiatriquement parlant, les dégénérés sont classés en quatre catégories. Tout à fait en haut de l’échelle, les sujets dont l’intelligence reste intacte, dans chacun de ses éléments constituants, mais dont le déséquilibre est permanent. Même déséquilibre dans la sphère des sentiments et de la volonté.



À un second degré apparaît l’immense cohorte des simples d’esprit, dont l’intelligence est frappée en qualité comme en quantité.



Au-dessous, viennent les sujets frappés d’imbécillité et, tout de suite après, les idiots. Chez eux, l’intelligence disparaît, laissant la place à une pure instinctivité animale et à la stérilité complète. C’est l’extinction de la lignée.



Sur ces divers états fonciers, on peut greffer à volonté, selon la valeur de l’intervention des causes secondaires de la folie, empruntées aux différents milieux, des troubles délirants de toutes sortes, dont la rapidité et la spontanéité d’éclosion sont les marques caractéristiques. Un dégénéré sera reconnu à ce fait que, plongé parmi les causes communes d’ébranlement cérébral, il se déséquilibre plus vite que son voisin et tombe dans un accès de folie, là où beaucoup d’autres sujets résisteront indéfiniment.



Suivant la qualité de l’organe cérébral, la destinée de ces délires, de ces édifices surgissant comme des éruptions, est variable. Souvent éphémères et guérissant comme ils sont venus, ils sont d’autres fois incurables et entraînent plus ou moins vite une démence trahissant un anéantissement définitif de la vie mentale.



La notion de dégénérescence est pratiquement fort intéressante, car elle constitue un terrain qui compliquera d’autres états psychiques et les aggravera. Tel un accidenté du travail qui, au lieu de guérir dans un temps très court d’une commotion cérébrale, verra éclater à cette occasion un accès de folie. La prédisposition est un facteur de complications qui intervient à tout instant dans la liquidation de procès où sont en cause des accidents au cours desquels le cerveau a été intéressé.



Sans entrer ici dans le détail des causes de la dégénérescence qui sortirait de notre cadre, il faut pourtant signaler que des troubles survenant dans l’évolution sexuelle, lors de la puberté, amènent des cas graves de folie dont le nombre est très élevé et qui, sous les noms de hébéphrénie et de démence précoce, sont caractérisés d’emblée par une compromission de la vie psychique dont, tôt ou tard, ordinairement très vite, la conclusion sera la mort cérébrale.



Il nous reste à énumérer les maladies mentales à causes nettement déterminées, accidentelles, reposant sur une base nettement organique.



Deux grandes causes engendrent la folie : la syphilis et les intoxications, auxquelles il faut joindre, très logiquement, les infections graves.



La syphilis conduit à la paralysie générale qui n’est autre qu’une méningo-encéphalite à marche inexorable, mortelle dans l’espace de deux à trois ans. La syphilis est également justiciable d’un nombre énorme d’états héréditaires. L’hérédosyphilis portera les noms d’idiotie, d’hydrocéphalie, même d’épilepsie. Elle est une des causes principales de la décadence psychique de l’espèce.



On en peut dire autant des grandes intoxications dont les deux principales – l’alcoolisme et l’opiomanie – exercent une influence désastreuse sur l’espèce. Les folies alcoolique et opiomique ont des caractères cliniques sensiblement superposables. Ce sont des folies essentiellement aiguës, transitoires, fécondes en hallucinations, principalement de la vue.



Toutes les folies toxiques se ressemblent, quelle que soit l’origine du poison : les maladies microbiennes telles que la fièvre typhoïde, la diphtérie, l’encéphalite léthargique, procurent des délires transitoires, mais dont la terminaison peut aussi se faire par un affaiblissement plus ou moins rapide des facultés.



Pour terminer, je mentionnerai les complications cérébrales de l’épilepsie et de l’hystérie, d’une extrême fréquence, et les états psychiques qui ressortissent à des troubles de sécrétion des glandes endocrines, qui commencent à être bien connus. Exemple : les troubles cérébraux symptomatiques d’un thyroïdisme anormal. On sait qu’un nombre énorme de cas d’arriération mentale sont dus exclusivement à l’insuffisance de la glande thyroïde, à preuve qu’ils cèdent à des traitements basés sur l’emploi d’extraits thyroïdiens rectifiant cette insuffisance.



Cet article « Psychiatrie » ne saurait constituer un traité d’aliénation mentale. Il est tout juste bon pour orienter les esprits observateurs vers les manifestations anormales de l’intelligence, pour leur apprendre à les observer et à les cataloguer sommairement, et aussi à rectifier bien des erreurs et bien des préjugés qui s’infiltrent forcément dans nos conceptions.



Mettre la psychiatrie dans son cadre n’est point faire l’histoire de la folie dans ses aspects cliniques, ni en déduire tous les enseignements qu’elle comporte sur le terrain de la sociologie, de l’hygiène mentale et de la médecine légale. Chacun de ces points fournirait la matière de longs chapitres spécialisés. 

— Docteur LEGRAIN.