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PUÉRICULTURE n. f. (du latin : puer, pueri, enfant, et cultura, culture)



I. DÉFINITION. — Le but de la puériculture a été ainsi défini par le docteur Weill-Hallé :



« Protéger l’enfant dès avant sa conception, assurer son développement intégral dans le sein maternel, éviter tous les accidents fâcheux lors de sa naissance, contrôler et favoriser sa croissance lorsqu’il aura vu le jour, éloigner les dangers inhérents aux dangers extérieurs et à la vie sociale, participer à son orientation au seuil de l’adolescence. »



Cette définition donne à la puériculture un programme extrêmement vaste, et bon nombre d’auteurs lui attribuent un rôle beaucoup plus restreint qui, ne commençant qu’à la naissance, se termine assez tôt, lorsque les enfants ont vingt dents. Pour ces auteurs, pendant cette période, la puériculture a un double but : 1° conserver les enfants, c’est-à-dire les empêcher de mourir ; 2° leur assurer le meilleur développement possible.



Cette deuxième conception de la puériculture a le grave tort de ne pas attirer l’attention sur les phénomènes d’hérédité (voir ce mot) et de pousser à la négligence de l’éducation sexuelle (voir Éducation).



II. LA PUÉRICULTURE PRÉNATALE. — « Lorsque l’enfant vient au monde, il est déjà un peu tard pour se préoccuper de sa destinée. Il n’est pas un jeune homme, il n’est pas une jeune fille qui, songeant à l’avenir, ne dise : « Si j’ai des enfants, ils seront ceci, ils feront cela ; j’aurai pour eux telles ou telles aspirations… » Mais bien rares sont les jeunes gens qui pensent : « Je veux faire de la gymnastique pour avoir un jour des enfants forts ; je me priverai de tabac et d’alcool, parce que je ne veux pas empoisonner ma race et moi-même. » Ou encore : « J’épouserai un être sain moralement et physiquement, parce que je veux qu’il me donne une descendance saine. » Nombreux sont les couples qui disent : « Nous n’aurons qu’un ou deux enfants, parce que nos ressources ne nous permettent pas d’en élever davantage et de les rendre heureux. » Mais bien rares sont ceux qui ajoutent : « Nous choisirons pour les mettre au monde le moment propice, c’est-à-dire celui où l’un et l’autre nous nous sentirons dans les meilleures dispositions physiques et morales, parce que nous savons que cette minute de la procréation sera décisive pour l’avenir tout entier de notre enfant. » — Marguerite MARTIN.



Il est déjà un peu tard de dire cela aux parents ou même aux jeunes époux. C’est aux jeunes gens et même aux enfants qu’il faut s’adresser. « Nous ne pouvons tromper l’enfant, il est de notre devoir de lui exposer les faits sous une forme telle qu’elle n’offense pas la pudeur. Nous devons lui indiquer qui il est, d’où il vient et où il va ; nous devons lui faire comprendre que la sincérité et l’honneur sont dans la relation des sexes et que bien des accidents de jeunesse, comme on disait autrefois, peuvent détériorer toute une descendance. L’éducation, telle que nous devons la concevoir, doit être large, parce qu’elle doit préparer au mariage ; elle réclame l’éducation morale du cœur aussi bien que celle de l’esprit ; elle accorde une grande place à l’hygiène, aux notions d’hérédité ...



Il faut qu’au moment de se marier, chaque personne s’assure de sa santé et de celle de son conjoint et sache que, si elle est affligée d’une intoxication ou infection, elle risque de mettre au monde un petit être anormal ; il faut qu’elle connaisse le danger de s’unir au porteur de la même tare que celle dont elle est affligée. Pourquoi cet examen médical prématrimonial semblerait-il offensant au seuil d’un des plus importants actes de la vie, alors que cet examen est réclamé par une simple compagnie d’assurances. — Docteur GOVAERTS. (Voir le mot Hérédité.)



Supposons l’enfant conçu dans les meilleures conditions possibles, par des parents sains, conscients et éclairés. Cela ne suffit pas : il y a une hygiène spéciale aux futures mamans. Hygiène de l’esprit d’abord. Pendant tout le temps de la grossesse, il faut éviter à la femme enceinte les émotions trop vives, les idées obsédantes et les chagrins. Ce n’est pas souvent possible dans les milieux pauvres ; et là où le souci du lendemain troublait déjà l’esprit, l’attente d’une nouvelle bouche à nourrir, d’un enfant qu’il faudra vêtir et soigner ne peut qu’amener des soucis nouveaux : « Toutes les impressions morales et physiques de la mère ont leur retentissement sur l’enfant, et contribuent à modifier sa constitution comme son caractère. Les Grecs, qui avaient connaissance de ce fait, avaient pris coutume d’isoler les femmes enceintes dans des jardins et des appartements spéciaux, ornés d’œuvres d’art, et il était interdit de leur donner le spectacle de laideurs ou de difformités. » (Marestan.)



Les ouvrières sont, de nos jours, placées dans un milieu moins favorable, mais cependant elles ne doivent point oublier qu’elles-mêmes peuvent influer favorablement ou défavorablement sur l’enfant qui s’agite en leur sein. On ne peut, certes, pas être très gai quand il y a de la misère à la maison et plus de misère encore en perspective. Cependant, on peut combattre sa tristesse, s’imaginer un avenir meilleur, faire des lectures gaies, comme on peut aussi faire l’inverse ; et c’est si vrai qu’il est des personnes riches, bien portantes, n’ayant nulle raison d’être tristes et qui se complaisent dans une tristesse morbide, se plaisent à évoquer des scènes pénibles, etc. Pour être gaie, douce, affable, patiente, la future maman doit d’abord le vouloir.



« D’autre part, elle devra veiller plus que jamais sur sa santé. Dès le début de la gestation, elle portera des vêtements amples, afin de ne gêner en aucune façon le développement de l’utérus ; elle supprimera les jarretières et remplacera le corset par une ceinture de grossesse. Son alimentation sera substantielle ; certains médecins conseillent d’y ajouter du phosphate de chaux, l’enfant prenant à la mère les sels minéraux dont il a besoin pour son développement. Elle veillera à la régularité de ses fonctions digestives, la constipation pouvant provoquer des hémorragies ou des fausses couches. Pour éviter les crises d’éclampsie, si dangereuses, elle fera examiner ses urines tous les mois pendant le premier semestre, tous les quinze jours environ pendant les deux mois suivants, et tous les huit jours le dernier mois. Si l’examen décèle la présence d’albumine, elle se mettra au régime lacté. Vers le septième mois, elle demandera au médecin ou à la sage-femme de vérifier la position du fœtus ct de la rectifier au besoin. Elle ne changera rien à ses habitudes de propreté corporelle, c’est-à-dire qu’elle prendra comme de coutume bains de pieds, grands bains, douches et injections vaginales.



« Elle devra surtout, et pendant toute la durée de la grossesse, éviter le surmenage. Les trois derniers mois, le dernier tout au moins, devraient être pour elle un temps de repos presque absolu. » (Josette Cornec.)



À vrai dire, les femmes d’ouvriers peuvent, en France, bénéficier de la loi d’assistance aux femmes en couches, mais l’allocation donnée demeure insuffisante pour suffire à permettre le repos prévu pour le dernier mois. La société capitaliste ne protège pas suffisamment les mères contre les privations et la misère, et, d’autre part, celles-ci sont déjà désavantagées par l’inégalité de l’homme et de la femme sur le terrain économique : plus bas salaires, etc.



III. LA PUÉRICULTURE APRÈS LA NAISSANCE. — Si nous nous reportons à la définition du docteur Weill-Hallé, nous voyons qu’il convient d’abord d’éviter tous les accidents fâcheux lors de la naissance. De ceci nous ne dirons rien : nos lecteurs savent bien que, malgré les « maternités » et quelques autres œuvres, les enfants des prolétaires se trouvent, ici encore, dans une situation plus défavorable que les petits riches. Notre seconde définition nous indique que le premier but de la puériculture, après la naissance, est d’empêcher les enfants de mourir.



La mortalité enfantine est, en France, d’environ 10 %. Ceci constitue déjà un progrès. En 1886, à Paris, la mortalité infantile était de 16 % ; en 1901, elle était tombée à 12 % et, depuis, comme nous venons de l’indiquer, elle a diminué encore. Pas encore autant qu’elle le pourrait, puisque, actuellement, elle est, en France, approximativement le double de ce qu’elle est en Angleterre, en Norvège, en Hollande, aux États-Unis, et le triple de ce qu’elle est en Nouvelle-Zélande, où le taux est de 3 %, le plus bas du monde entier.



Ce problème de l’abaissement de la mortalité est intéressant à considérer, non seulement pour diminuer le nombre excessif des décès « mais pour rechercher et éviter les causes de maladies qui laissent un très grand nombre d’enfants avec une santé débile ».



« On peut diviser les causes des décès des enfants en bas âge en deux grandes classes : les causes immédiates, c’est-à-dire les lésions organiques qui entraînent directement la mort, et les causes médiates, les plus utiles à connaître pour éviter les premières et qui en déterminent l’apparition. Souvent, en effet, quand la maladie existe, il est difficile d’y remédier, alors qu’il eût été relativement facile de l’éviter.



« Causes immédiates. — La plus importante est la gastro-entérite, qui compte pour 62 % des décès. Elle est l’aboutissant d’un régime défectueux (surcharge alimentaire, lait frelaté, administration des aliments farineux avant le 7e mois). Les convulsions comptent pour 10 % dans les décès, mais beaucoup de ces convulsions sont l’épisode terminal de la gastro-entérite. Les affections des organes respiratoires comptent pour environ 14 %, les maladies contagieuses 2 %, la faiblesse congénitale environ 6 %.



« Causes médiates. — Dans l’immense majorité des cas, les affections précédemment citées et qui entraînent un si grand nombre de décès sont sous la dépendance de trois facteurs de première importance qui sont : l’ignorance, la misère et le défaut d’hygiène générale.



« a) Ignorance. En pratique, la puériculture n’existe pour ainsi dire pas, l’élevage des enfants est livré aux préjugés et au hasard dans toutes les classes de la société. Les mères ne reçoivent aucune préparation dans ce but. C’est surtout dans l’alimentation que se commettent des erreurs capitales, qui déterminent l’apparition de la gastro-entérite et les convulsions, qui amènent 70 % des décès.



« b) Misère. La misère des parents est une des grandes causes du manque d’allaitement de l’enfant par la mère. Cette dernière est obligée, par le manque de ressources, d’aller travailler à l’usine ou à l’atelier...



« Ce manque d’allaitement maternel aboutit à l’allaitement au biberon, qui compte pour 16 % de décès, alors que le premier mode d’allaitement ne compte que pour 2 %. En Suisse, de 1896 à 1904, on a constaté une augmentation du nombre des décès en parallèle avec la diminution de l’allaitement au sein. En France, alors que la mortalité moyenne est de 20 %, elle n’est que de 7,6 % chez les riches. À Bruxelles, sur 306 décès par gastro-entérite, 295 se constatent dans la classe pauvre, 10 dans la classe aisée, 1 dans la classe riche. »



Nous empruntons cette étude des causes de décès à une conférence déjà ancienne du docteur Henrotin. Depuis, les pourcentages ont quelque peu diminué ; mais les causes restent les mêmes, et ce sont surtout les enfants des prolétaires qui meurent par ignorance des parents – qui reculent devant les frais médicaux –, misère et défaut d’hygiène générale.



c) Défaut d’hygiène générale. Résumons-les rapidement : maladies dues à l’hérédité (syphilis, alcoolisme, etc.) ; locaux mal éclairés, mal chauffés ; défaut de propreté ; mauvaise alimentation, etc.



« Avant tout, écrit le docteur Pinard, il faut remarquer une chose : le tout petit, le nouveau-né humain est, au moment de la naissance, le plus mal partagé des animaux. Au sortir de l’œuf, le petit poulet a du duvet, il a un vêtement, on n’a pas besoin de l’habiller. De plus, il peut, il sait marcher et courir de suite, il sait même prendre et choisir sa nourriture tout seul. Le petit canard qui doit vivre sur l’eau sait nager et même plonger.



Le petit être humain, le petit bébé, n’a aucun vêtement, il est tout nu ; il ne peut ni ne sait marcher. La seule chose qu’il sache faire, c’est téter, c’est-à-dire prendre sa nourriture ; mais il ne sait pas choisir entre ce qui est bon et ce qui est dangereux. Il faut donc tout connaître de ce qui lui est nécessaire, il faut tout savoir pour lui. »



Mais, comme l’écrit Mme Bélime-Laugier, l’inspiration ne suffit pas pour indiquer à la maman ce qu’elle doit faire. Pour n’en citer qu’un exemple, les cas de diarrhée ne deviennent si souvent mortels que parce que des mamans, ayant peur de faire mourir leur enfant de faim, ne se résolvent pas ou se résolvent trop tard à le mettre à la diète.



Après avoir prouvé par des chiffres et des arguments d’origine bourgeoise que le taux élevé de la mortalité infantile est dû à notre mauvaise organisation sociale, au capitalisme pour tout dire, et montré la nécessité, pour les mamans, d’apprendre leur métier de mère, il nous resterait à leur donner des leçons de puériculture ; mais ce serait trop long et nous devons nous borner à quelques conseils que nous engageons nos lecteurs à compléter par la lecture de quelque ouvrage spécial.



Il faut suivre et satisfaire les besoins de l’enfant.



1er BESOIN : oxygène (air pur). Il faut que la chambre du bébé soit bien aérée : fenêtres grandes ouvertes, le plus possible, ou tout au moins vasistas ouverts ; au besoin, par temps froids, protéger le bébé avec un paravent en lui mettant des moufles et un bonnet et en fixant sa couverture de façon à ce qu’il ne puisse se découvrir. Il faut que l’air circule librement autour du berceau : pas de garniture en cretonne, ni de capote. S’il faut que l’air frais circule autour de la tête, il faut aussi éviter de le placer dans un courant d’air froid, assis par terre entre la porte et la cheminée, par exemple.



2e BESOIN : propreté. Pendant les premiers mois, bains chauds, de 36 à 38 degrés (eau chaude à la main). Se placer dans un coin chaud, habiller et déshabiller rapidement ; laver sans savon ; éviter d’introduire de l’eau dans les oreilles ; sécher avec soin, en particulier dans les plis de la peau, avec des serviettes chaudes ; si ce séchage est bien fait, on peut se dispenser de poudrer l’enfant (talc, poudre de riz non parfumée, etc.).



Si les enfants sont bien portants et forts, on peut employer des bains froids dès deux ans.



Veiller aussi à la propreté des seins, des biberons et de leurs tétines que l’on nettoie avec les doigts et une pincée de sel.



3e BESOIN : alimentation et évacuation. Il est, dit le docteur Jeudon, indispensable, pour établir et contrôler l’alimentation du nourrisson, de suivre très régulièrement l’évolution de son poids à l’aide d’un pèse-bébé ou d’une simple balance. On peut dire qu’en moyenne, en France, un enfant à terme qui pèse moins de 2,5 kg ou plus de 4,3 kg est anormal et mérite une enquête médicale.



Pendant les trois ou quatre premiers jours de sa vie, l’enfant diminue de poids ; ensuite, il doit augmenter régulièrement, atteindre son poids primitif vers le 10e jour ; ensuite, jusqu’à 4 mois, il augmente en moyenne de 25 grammes par jour ; de 4 à 8 mois, de 16 à 17 grammes par jour ; de 8 à 24 mois, de 8 grammes environ par jour. Ces chiffres sont des moyennes qui varient suivant les individus, mais tout enfant dont l’accroissement de poids paraît insuffisant doit être surveillé, et il est bon de consulter le médecin.



« Chez le nourrisson, dépourvu de dents, dont la salive est peu abondante et peu active, dont l’estomac n’acquiert son développement complet que vers le 13e mois, alors que son intestin a, dès les premiers mois, une structure assez complète, dont la sécrétion pancréatique est insignifiante, alors que la sécrétion biliaire est riche, il est évident que l’alimentation doit être liquide et dépourvue de toute substance amylacée qu’il serait incapable de digérer. C’est pourquoi le choix des aliments est très limité ; UN SEUL, en réalité, est physiologiquement indiqué : LE LAIT... De toutes les formes sous lesquelles on peut présenter le lait, la meilleure est de beaucoup le lait maternel... » (Dr Jeudon.) Le lait de femme présente avec les autres laits – avec le lait de vache, par exemple – des différences notables, qui font précisément sa supériorité, et dont les principales sont sa richesse plus grande en sucre (lactose) et sa teneur relativement faible en matières albuminoïdes et extractives (reste azoté) et en sels. « C’est ce qui explique sa parfaite adaptation au pouvoir digestif si fragile et encore incomplet du petit de l’homme, au cours des premiers mois de sa vie. » (Dr Jeudon.)



Si nous tirons les conséquences de ce qui précède, nous voyons : 1° que le lait maternel – lorsque la lactation est riche et assez abondante – doit être préféré ; 2° qu’au cas où l’on emploie du lait de vache, « il faudra le couper d’eau et l’additionner de sucre avant de le livrer au nourrisson, au cours des premiers mois, pour le rapprocher, dans la mesure du possible, de la composition du lait de femme. Les coupages habituellement admis consistent dans le mélange de deux parties de lait et d’une partie d’eau sucrée à 10 %, et ceci jusqu’à l’âge de quatre mois. Ensuite, on augmentera progressivement la proportion de lait pour le donner pur et sucré, à partir de l’âge de six mois » (Dr Jeudon).



Malheureusement, le lait de vache que l’on vend en France est souvent sale, très sale, et, pour cette raison, de nombreux médecins recommandent les laits condensés sucrés ou, mieux encore, le lait sec.



« Le lait sec, ou lait en poudre, est le résidu sec du lait privé de son eau... On l’emploie au cours des deux premiers mois dans la proportion d’une partie de poudre de lait pour huit parties d’eau, en augmentant le taux de la dilution avec l’âge. Il donne de bons résultats dans les diarrhées cholériformes. » (Dr Jeudon.) Ce lait est le plus employé dans le cas d’intolérance au lait de vache.



En tenant compte du besoin de calories de l’enfant et de la composition du lait maternel, « on a adopté, en général, la règle suivante qui consiste à donner une quantité quotidienne de lait correspondant, pendant le premier trimestre de la vie, au 1/6 du poids du nourrisson ; pendant le deuxième trimestre, à 1/7 ; pendant le troisième trimestre, à 1/8... ».



Encore une fois, ces chiffres sont des moyennes donnant un plan général ; et, pour chaque nourrisson, il y a lieu d’adapter la ration à son poids, aux modalités de croissance et à l’état du tube digestif.



Nous ne parlons pas ici des premiers jours de la vie, où la mise au sein et l’établissement progressif des premières tétées sont parfois fort délicats, sujets à de nombreuses variations individuelles dont l’accoucheur doit prendre lui-même la direction et la responsabilité.



Cette quantité totale de lait quotidien doit être répartie en un certain nombre de tétées. Ici, un guide assez logique s’offre encore à nous : la capacité de l’estomac (qui est, à la naissance, de 30 à 50 cm; à un mois, de 60 à 70 cm3 ; à trois mois, 100 cm3 ; à cinq mois, 150 à 200 cm3 ; à un an, 250 cm3 environ) et la durée de la digestion gastrique, qui varie de 1 h 30 à 2 heures.



D’où la règle suivante de répartition des tétées : de 0 à 3 mois : 8 tétées espacées de 2 h 30 (6 heures de repos la nuit) ; de 3 à 6 mois : 7 tétées espacées de 3 heures (6 heures de repos la nuit) ; de 6 à 9 mois : 6 tétées espacées de 3 heures (9 heures de repos la nuit) (Dr Jeudon).



« Dans aucun cas ne nourrir la nuit. L’enfant et la mère doivent dormir toute la nuit en paix. Mais, dans la journée, l’enfant doit téter à ses heures ; il faut le prendre, même s’il dort, et l’éveiller pour que toutes les fonctions se fassent régulièrement. » (Dr King.) Il faut tenir le bébé dans une position convenable pendant la tétée ; en général, on a le tort de le coucher contre le sein, ce qui est trop souvent la cause de déformation du menton et de troubles du nez et des oreilles ; il est préférable de le mettre presque debout.



Après chaque tétée, il faut mettre le bébé sur son pot pour régulariser ses fonctions et le faire devenir propre.



Il faut que l’enfant soit changé souvent pour éviter les irritations et les excoriations. Il faut se défier surtout de la gastro-entérite, qui, comme nous l’avons indiqué au début, est la cause la plus fréquente de la mort des jeunes enfants : si vous voyez une teinte verte apparaître sur les couches, si les déjections sont vert épinard, fréquentes et liquides, n’hésitez pas à recourir à la diète hydrique, supprimez-lui le lait pendant douze heures ou plus, en le remplaçant par des petits biberons d’eau bouillie ou d’eau de riz, et appelez le médecin.



Traitez la constipation comme une maladie : donnez d’abord des lavements de décoction de guimauve et modifiez l’alimentation (les mères nourrices devront prendre plus de légumes, manger moins de viande, éviter le chocolat, les mets épicés, les boissons excitantes : vin, café, etc.) ; pour les enfants élevés au biberon, on coupera les biberons d’eau de Vals ou de décoctions d’orge.



Dès le 6e mois, donnez un bâton de guimauve aux enfants pour exercer leurs mâchoires, et quelques aliments croquants dès qu’ils ont des dents. La mastication est un exercice indispensable. La nourriture molle cause la perte des dents et des végétations adénoïdes. Évitez les bonbons et les farines chocolatées.



4e BESOIN : mouvement et repos. Le nouveau-né a surtout besoin de repos ; il doit dormir les 9/10 de son temps ; à 6 mois, les 2/3 du temps. Lorsque le bébé dort mal, cela provient, le plus souvent, d’une mauvaise alimentation, parfois aussi de vêtements trop lourds ou d’un air vicié. Si l’enfant crie et dort mal sans qu’on puisse en déterminer la cause, il est prudent d’appeler le médecin.



Au début, les petits ne remuent que par réaction : si on les touche, s’ils sont malades. Au bout de quelques mois, les mouvements deviennent plus fréquents et volontaires. Il importe qu’ils soient vêtus convenablement, de façon à avoir la liberté de leurs mouvements. Il faut fournir à l’enfant la possibilité et les occasions de se mouvoir, en écartant tous les dangers qui pourraient en résulter : ne rien laisser à sa portée qui puisse le blesser ; pas d’objets sales qu’il puisse sucer – il ne faut pas lui laisser prendre la mauvaise habitude de sucer son pouce– ; pas d’objets qu’il puisse avaler ; ne pas essayer de le faire marcher trop tôt : un enfant normal doit marcher entre un an et dix-huit mois.



5e BESOIN : chaleur. Les vêtements. Le froid est l’ennemi du bébé. Il est bon que la température de l’air qu’il doit respirer ne soit pas au-dessous de 15° et ne soit guère au-dessus de 20°. L’air humide aussi est dangereux : n’étendez pas et ne faites pas sécher de linge dans la chambre où il dort. Abritez votre bébé du vent, de l’humidité, du soleil. Préférez la laine fine et chaude au coton peu chaud et lourd. Évitez les amas de vêtements qui gênent les mouvements et ne sont ni légers ni poreux. Supprimez la bande ombilicale, dès que la cicatrice est bien fermée. Employez des couches peu épaisses qui ne déforment pas les jambes. Ne gênez pas la respiration. Tenez chauds le ventre et les pieds de l’enfant ; au besoin, pour cela, employez des bouillottes d’eau chaude. Sous prétexte d’endurcir les enfants, évitez de leur laisser les bras et le cou nus en hiver. Si vous les transportez à bras, par mauvais temps, un grand châle est indispensable.



6e BESOIN : des habitudes régulières. N’oubliez pas que l’enfant doit manger, dormir et évacuer à des heures absolument régulières.



Quelques conseils. Dans les pages qui précèdent, nous avons essayé de dire l’essentiel. Nous conseillons aux parents de s’éclairer plus encore par la lecture de quelque ouvrage spécial.



Il existe des œuvres sociales auxquelles les parents peuvent faire appel : maternités, consultations de nourrissons, etc. Malheureusement, ces œuvres, inexistantes à la campagne, sont insuffisantes dans les villes. Informez-vous, cependant, à ce sujet.



Des lois sociales, insuffisantes aussi, peuvent, cependant, apporter quelque aide aux parents pauvres ou ayant une nombreuse famille. Renseignez-vous sur les droits que vous accordent les lois bourgeoises. Et surtout, aimez bien les tout petits : ce n’est pas toujours suffisant – ne l’oubliez pas – pour écarter d’eux la maladie, la mort et la misère, mais c’est cependant l’essentiel.



Sachez enfin vouloir, pour l’avenir, une société meilleure qui aura davantage le souci de l’enfance.



E. DELAUNAY.