Accueil


RADIOGRAPHIE, RADIOSCOPIE n. f.



En 1895, Rœntgen observa que les rayons émanés d’un tube de Crookes, relié aux deux pôles d’une bobine d’induction, illuminaient un cristal de platinocyanure de baryum, même quand ce tube était enfermé dans une boîte de carton enveloppée de feuilles d’étain ou de minces feuilles d’aluminium. Et l’illumination ne disparaissait point, lorsqu’il plaçait sur le trajet des rayons une planche de sapin, une plaque d’aluminium épaisse de 15 millimètres ou un livre de mille pages. Ce fait conduisit Rœntgen à fabriquer un écran avec une lame de verre enduite d’une pâte de platinocyanure de baryum. Placée entre le tube de Crookes et l’écran, sa main fut projetée sur ce dernier sous l’aspect d’une main squelettique. La radioscopie était née ; la radiographie suivit de près, le savant bavarois ayant, de bonne heure, substitué une plaque sensible à l’écran. Il donna à ce nouvel agent, qui se propageait en ligne droite, le nom de rayons X, pour indiquer qu’il en ignorait la nature. Bien qu’ils partent de la région du tube de Crookes, où les rayons cathodiques frappent le verre, les rayons X ne peuvent se confondre avec eux. Ils se propagent d’une façon rigoureusement rectiligne et traversent des corps non transparents pour la lumière ; par contre, ils sont arrêtés par des substances que traversent les rayons ordinaires. Bois, papier, cire, charbon, etc., se laissent pénétrer, ainsi que, d’une façon générale, les matières d’origine organique. Eau, os, spath, fer, cuivre, mercure, plomb et beaucoup d’autres corps, surtout d’origine minérale, opposent un obstacle plus ou moins infranchissable.



On sait maintenant que, dans le spectre solaire, les rayons X font suite aux radiations ultraviolettes. Ce sont des rayons dont la longueur d’onde, très courte, est comprise entre 500 unités Angström et 0,06 unité. L’unité Angström est égale à un dix millionième de millimètre. Ils constituent d’ailleurs toute une gamme qui va des rayons mous, les moins pénétrants, aux rayons durs, les plus pénétrants, et diffèrent entre eux autant que les couleurs qui, par leur réunion, donnent la lumière blanche. Sans avoir encore la place qu’elles mériteraient d’occuper en médecine pour le diagnostic de nombreuses maladies, radioscopie et radiographie sont devenues d’un emploi courant : du moins dans les hôpitaux, car elles exigent la présence d’appareils coûteux, compliqués et d’un maniement délicat. On apporte sans cesse de nouveaux perfectionnements au matériel radiologique. Ce sont les ombres, les silhouettes données par les rayons X que l’on utilise. La propriété qu’ont ces derniers d’être complètement ou partiellement absorbés par certains corps, ainsi que celle de provoquer la luminescence de diverses substances, sont mises à profit. Comme leur propagation est rectiligne, les ombres sont produites de la même façon qu’avec la lumière ordinaire. Dans la radioscopie, on observe celles qui résultent du corps ou de l’organe placé sur le trajet d’un faisceau de rayons X et qui se détachent sur un écran, rendu luminescent grâce au platinocyanure de baryum. L’adaptation visuelle joue alors un grand rôle, car l’œil de l’observateur ne doit pas recevoir d’autre lumière que celle de l’écran ; l’examen demande l’obscurité la plus complète. Dans la radiographie, on remplace l’écran par une plaque photographique entourée de papier noir. Si on la développe et la fixe, après une durée d’exposition suffisante, on possède une reproduction de l’ombre radioscopique.



C’est l’énorme avantage de la radiographie de permettre un examen plus minutieux et plus détaillé des ombres ; seule, elle rend possible la découverte de certaines lésions : celles des os, par exemple ; elle fournit des éléments de comparaison fort instructifs. Mais quand il s’agit d’organes animés de mouvements rythmiques ou qui participent à l’élévation et à l’abaissement du diaphragme, la radioscopie se révèle préférable. Habituellement, la radiographie est d’ailleurs précédée d’un examen radioscopique, afin d’obtenir des indications sur la meilleure manière de photographier la région du corps malade. Suffisante lorsqu’il s’agit d’apprécier une fracture nette des os ou la place exacte d’un corps étranger opaque, d’une balle par exemple, la radiologie a généralement besoin, pour fournir des renseignements sûrs, d’être associée aux autres procédés cliniques et aux procédés de laboratoire. N’oublions pas, en effet, qu’elle dispose seulement d’ombres, agrandies dans un faible rapport, d’ordinaire, mais le plus souvent déformées ; et la superposition des silhouettes, l’inégalité des agrandissements et des déformations qui résultent de la diversité des plans traversés par les rayons, rendent particulièrement difficile l’interprétation des images radioscopiques. Un long apprentissage est nécessaire au médecin, avant qu’il parvienne à établir de bons radiodiagnostics. Lorsqu’il s’agit des rayons X, transparence et opacité dépendent du poids atomique des éléments constitutifs des corps, et aussi du nombre d’atomes contenus par unité de volume. C’est parce qu’elles ne renferment guère que des éléments de poids atomiques faibles : hydrogène (1), carbone (12), azote (14), oxygène (16), que les chairs se laissent facilement pénétrer. Dans les os, on trouve, en outre, du phosphore (31) et du calcium (40) ; le poids atomique élevé de ces corps explique l’opacité du système osseux. En raison du petit nombre d’atomes qu’il renferme, l’air contenu dans les poumons rend plus facile l’examen radioscopique des organes intrathoraciques. À cause de sa composition chimiquement identique, la région intra-abdominable offre une teinte grise presque uniforme, sauf dans les parties osseuses. Mais on peut accroître ou diminuer la transparence des organes creux ; c’est ainsi qu’en injectant du carbonate de bismuth ou du sulfate de baryum dans certains segments du tube digestif, on augmente leur opacité. Foie et vésicule biliaire, reins et vessie peuvent aussi faire l’objet d’un examen fort délicat, mais parfois très utile. Ce n’est pas seulement à nous révéler la vraie cause des maladies que servent les radiations, on leur reconnaît encore une action curative contre certains troubles organiques. D’où la radiothérapie, une branche intéressante de la médecine moderne.



« Ce qui a fait la solidité des premiers hommes, déclare le docteur Nogier, c’est assurément le contact perpétuel de leur corps avec les rayons du soleil ; ils étaient imprégnés de lumière. Combien nous leur ressemblons peu, nous dont la préoccupation constante semble être de soustraire à la lumière tout notre être, jusqu’au visage, n’en déplaise au sexe aussi aimable que gracieux. Dès que l’enfant est né, c’est le maillot, c’est l’obscurité pour ses membres qui auraient tant besoin de lumière, qui réclament à toutes les énergies extérieures le moyen de grandir et de se développer. Et l’on s’étonnera après cela qu’il y ait tant de morts parmi les nourrissons, tant de rachitiques et de scrofuleux parmi ceux qui arrivent à la vie, malgré toutes les précautions qu’on prend pour paralyser leur croissance ! » Si l’on admet que la lumière exerce sur l’organisme humain une bienfaisante influence, ajoutons que l’on ne sait presque rien sur le mécanisme de son action. Au point de vue thérapeutique, les rayons X, qui, ne l’oublions pas, prennent place dans le spectre après l’ultraviolet, sont employés pour détruire les néoformations cellulaires anormales, pour modérer le fonctionnement des glandes en état d’hyperactivité pathologique, ou même normalement actives, pour lutter contre les infections locales, soit en supprimant le lieu d’élection du mal, soit en excitant la sclérose de défense. Toutes les affections de la peau sont améliorées par les rayons X, beaucoup sont même guéries ; ils rendent de grands services dans les troubles caractérisés par une multiplication excessive du nombre des globules blancs ; on les emploie avec succès contre les diverses formes de la tuberculose de la peau ou des muqueuses, contre les tumeurs, dans les affections des glandes à sécrétion interne, contre certains cancers. Malheureusement, les rayons X, manipulés sans précaution, provoquent aussi des accidents, parfois très graves. Nombreux au début, parce qu’on négligeait de se protéger, ils deviennent de plus en plus rares. Les radiodermites, c’est le nom donné à ces accidents, n’ont pas de conséquences pernicieuses lorsqu’on supprime l’action des rayons X dès l’apparition des premiers symptômes. Mais le radiologiste qui néglige ces avertissements s’expose à une radiodermite très grave, capable même d’entraîner la mort, après d’atroces souffrances. Chez les anciens opérateurs, c’était surtout au mains, plus exposées à l’action du rayonnement, que le mal se déclarait de préférence. Successivement, il fallait amputer les doigts, la main, le bras, rongés par la gangrène et le cancer ; quelquefois, sans parvenir à conserver la vie à la malheureuse victime. Aujourd’hui, les radiologues, instruits par les douloureuses expériences de leurs prédécesseurs, parviennent à éviter ces troubles redoutables.



- L. BARBEDETTE.