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RADIUM n. m.



Les physiciens modernes considèrent la matière comme formée d’atomes, et les atomes eux-mêmes comme constitués par un noyau autour duquel gravitent les électrons. On a calculé la grandeur de ces éléments nucléaires et planétaires ; ainsi le noyau de l’atome d’hydrogène aurait 15 trillionièmes de millimètre de diamètre. On sait, de plus, que le nombre des électrons varie avec la complexité des atomes. À l’état normal, la charge positive du noyau est contrebalancée par la charge négative des électrons : l’atome est alors neutre, au point de vue électrique ; mais il suffira, pour le rendre négatif, de fixer sur lui un électron ; pour le rendre positif, d’en ôter un. Le frottement provoque des mouvements électroniques à l’intérieur des atomes, de même les réactions chimiques des piles. Certains corps, appelés radioactifs, voient leurs atomes exploser spontanément et fournir des rayons dits « alpha », formés de particules positives, des rayons dits « béta », formés d’électrons négatifs, et un rayonnement ondulatoire analogue à celui des rayons X. Toutes les substances sont un peu radioactives ; néanmoins, ce qualificatif est réservé de préférence aux corps lourds (c’est-à-dire dont le poids atomique est élevé), qui possèdent cette propriété à un degré éminent. Parmi les corps radioactifs, il convient de citer le thorium, l’actinium, le radium, dont l’atome possède 88 électrons planétaires et qui est présentement le plus connu de tous.



C’est de la découverte des rayons X qu’est issue celle du radium. Henri Becquerel, mis en présence des premières radiographies de Rœntgen, se demanda quel était le lieu d’émission des rayons X, dans l’ampoule productrice. Il apprit que le point d’émission était la tache lumineuse visible à l’endroit de la paroi qui recevait les rayons cathodiques. Mais, ayant supposé que tous les corps phosphorescents émettaient peut-être un rayonnement semblable, son hypothèse fut reconnue fausse après de nombreux essais de vérification. À son tour, Henri Poincaré se demanda si tous les corps dont la fluorescence est assez intense ne produisaient pas des rayons de Rœntgen. Cette hypothèse suscita de nombreuses et intéressantes recherches. Finalement, l’étude des substances fluorescentes conduisit Becquerel à une découverte des plus importantes. Un heureux hasard, comme il arrive souvent pour des inventions que l’on attribue ensuite au génie de l’auteur, lui fit remarquer que les sels d’uranium émettaient des radiations capables d’impressionner une plaque sensible, sans avoir été au préalable soumis à l’excitation de la lumière. Des sels maintenus pendant sept ans dans l’obscurité, et qui continuaient de produire des effets aussi nets, lui permirent de démontrer qu’il s’agissait d’une propriété quasi permanente de ces corps ; il observa, de plus, que les mêmes radiations déchargeaient les substances électrisées. En 1898, M. Schmidt et Mme Curie, travaillant chacun de son côté, prouvèrent que le thorium et ses composés étaient doués de qualités identiques à celles de l’uranium et de ses composés. Ce fut Mme Curie qui proposa d’appeler radioactifs les corps qui émettaient le rayonnement Becquerel. On sait que de la pechblende, Curie et sa femme purent extraire, en 1898, le polonium d’abord, puis le radium ; un troisième corps, l’actinium, en fut tiré par Debierne. Seul, le radium a été présenté à l’état de sel pur, le bromure de radium. On obtient ce corps en traitant une tonne de minerai par cinq tonnes de produits chimiques et cinquante tonnes d’eau. De pareilles manipulations exigent plusieurs mois.



La chaleur dégagée par une parcelle de radium est suffisante pour faire fondre un morceau de glace, de poids égal, en l’espace d’une heure. Elle donne une lumière semblable à celle d’un ver luisant et qui peut être réfléchie, réfractée, polarisée. Chaleur et lumière se continuent ainsi durant des milliers d’années, sans faire appel à une énergie extérieure. Sous son influence, l’air devient bon conducteur de l’électricité, et certaines substances, par exemple le platinocyanure de baryum, se révèlent luminescentes. Au point de vue chimique, son action transforme le phosphore blanc en phosphore rouge, colore les sels alcalins en jaune, bleu ou vert, jaunit puis détruit le papier. Le radium émet un triple rayonnement invisible, mais très intense, formé de trois parties, auxquelles Rutherford a donné les noms respectifs de rayons alpha, rayons béta, rayons gamma. Les premiers sont formés par des atomes chargés d’électricité positive ; ils ont une vitesse de 15 000 à 30 000 km à la seconde et constituent 90 % du rayonnement total. Une couche d’air de 7 cm ou une épaisseur de 5/100 d’aluminium suffisent pour les arrêter, car leur pénétration est faible. Les rayons béta, chargés d’électricité négative, paraissent analogues aux rayons cathodiques mais sont 500 fois plus pénétrants. Ils constituent 9 % du rayonnement global et se divisent en rayons mous, dont la vitesse de propagation est de 30 000 km à la seconde, et en rayons durs qui atteignent une vitesse variant de 200 000 à 300 000 km à la seconde ; les premiers sont arrêtés sans peine, les seconds difficilement. Les rayons gamma se propagent en ligne droite et ne sont pas électrisés ; ils entrent pour 1/100 seulement dans l’ensemble du rayonnement. Comparables aux rayons X, ils ont toutefois un pouvoir de pénétration très supérieur ; ils traversent plus de 100 mm de plomb, alors que 1 ou 2 mm du même corps suffisent presque pour absorber les rayons X.



Ajoutons qu’une substance mystérieuse se dégage, d’une façon permanente et continue, des divers sels de radium. Répandue dans l’air, cette émanation provoque la luminescence du sulfure de zinc, du verre et de plusieurs autres corps ; elle se condense d’une manière très brusque à la température de 150° au-dessous de zéro, ainsi que l’ont montré Rutherford et Soddy. Elle se place chimiquement dans la même catégorie que l’argon, l’hélium et les divers gaz qu’aucun réactif n’absorbe et qui n’entrent dans aucune combinaison ; on la place au 4ème rang parmi les corps ayant les plus hauts poids atomiques. Lorsqu’elle se détruit, cette émanation engendre un peu d’hélium, le gaz le plus léger après l’hydrogène. Sur l’organisme humain, le radium provoque des lésions soit aiguës, soit chroniques ; il possède une action bactéricide, mais encore trop mal connue pour qu’on puisse en tirer parti pratiquement ; sur les formes élémentaires de la vie, il exerce une influence profondément perturbatrice. Au point de vue médical, on l’utilise contre le cancer. « La plupart des cancers de la peau, écrit le docteur Niewenglowski, sont guéris ; sur les cancers des muqueuses, les résultats sont variables : bons pour le cancer de la lèvre, mauvais pour le cancer de la langue. Les cancers du sein inopérables peuvent parfois devenir opérables à la suite d’irradiations en sens divers ; dans les cas rebelles, le radium peut diminuer les douleurs et prolonger l’existence des malades. La guérison est rare, mais l’amélioration est la règle dans le cancer de l’œsophage, du pylore, du rectum, de la prostate et, parfois, une tumeur inopérable devient opérable après les irradiations. Pour nombre d’affections de la peau, le radium a une réelle valeur curative. » Les applications thérapeutiques du radium sont pour beaucoup dans la curiosité universelle dont il est l’objet présentement.

- L. BARBEDETTE.