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RATIONNEMENT n. m. (du latin ratio, raison)



Le rationnement s’impose dans deux cas : soit par suite de sous-production, soit pour éviter les conséquences des excès de consommation (au point de vue alimentaire surtout). Le rationnement est artificiel quand il résulte de la mauvaise répartition des produits du travail. Étant donné un groupement humain dont les besoins vitaux sont connus, en société égalitaire, le rationnement ne peut s’imposer que lorsqu’il y a impossibilité de satisfaire entièrement à tous ces besoins. Il faut dire que, dans ce cas, le rationnement ne sera jamais qu’une mesure transitoire, valable pour la période de passage de la société capitaliste à la société libertaire. En très peu de temps, en effet, le travail de tous les membres de cette société suffira à donner « à chacun selon ses besoins ». L’humanité est arrivée à une époque où, par l’emploi du machinisme, l’individu peut être totalement libéré des soucis qui le hantent depuis l’âge des cavernes (nourriture, vêtement, logement, sécurité). Encore faut-il que, par la révolution (ou par des révolutions), il se débarrasse des parasites qui le dominent et l’exploitent.



En période actuelle, il y a toujours rationnement forcé pour la classe prolétarienne, qui ne peut consommer selon ses besoins par suite de la répartition défectueuse des richesses. Il n’y a jamais rationnement pour les riches. Même aux périodes de sous-production vitale (guerre), les puissants ont pu échapper aisément aux effets du rationnement (constitution de stocks, complaisances et complicités avec les maîtres de l’heure). Le chômage a pour conséquence un rationnement intensif de la classe ouvrière, mais, par le jeu des contradictions économiques que le régime porte en lui, il est facteur de la décomposition même de ce régime et il aggrave la crise sociale. Et lorsqu’un trop grand nombre d’individus souffre de misère tandis qu’une minorité de gavés détient les moyens de production, il y a déséquilibre total et, par suite, les conditions de rupture sont remplies ; l’explosion devient inévitable. L’aveuglement d’une grande partie de la masse inconsciente ne fait que retarder l’heure de cette rupture, mais bientôt cette masse est entraînée par les éléments sains et elle apporte sa pierre à la construction sociale nouvelle.



Autre chose est le rationnement volontaire de l’individu, qui a pour but de prévenir les conséquences des excès de consommation alimentaire, et le rationnement forcé qui doit réparer ces conséquences, une fois l’imprudence commise. Ce rationnement sera certainement la règle générale à observer lorsque l’individu pourra consommer à satiété. Il est, dès maintenant, la règle de santé pour tous ceux qui consomment trop. Et ceux-ci sont relativement nombreux. Viande, alcool, tabac sont nocifs et trop souvent consommés avec exagération. Il a été constaté, en Allemagne en particulier, pendant la période de blocus, au cours de la guerre de 1914-1918, la quasi disparition du diabète, de la goutte et de nombre d’affections ayant pour origine un excès d’alimentation. Ces mêmes maladies ont réapparu dès que le ravitaillement a pu redevenir normal, c’est-à-dire dès qu’il n’y a plus eu rationnement. Que l’individu soit donc bien pénétré de cette idée que si, par la révolution, il peut un jour satisfaire à tous ses besoins, il sera de son intérêt même de se limiter. Dépasser la ration indispensable au maintien du corps en bon état de santé, sacrifier à des vices – tous artificiels – qui usent prématurément la machine humaine, cela serait se forger de nouvelles chaînes, cela serait s’avilir. Le rationnement – du latin ratio, raison – procèdera alors de la raison, maîtresse souveraine des instincts et seule conductrice des hommes.



C. B.