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RESISTANCE n. f.

Qualité d’un corps qui réagit contre l’action d’un autre corps. (Dict. Larousse). Ce n’est pas à ce point de vue qu’il sied de parler ici du motRésistance mais plutôt dans le sens de faire résistance personnelle ou collective à tout ce qui opprime, déprime, pressure, exploite l’individu. C’est ainsi que, dans le monde des exploités, l’action collective de résistance des ouvriers de l’usine et des chantiers, de la campagne et des ports se traduit par l’action collective qui s’appelle la grève. La résistance sous toutes ses formes n’est intéressante, à notre point de vue, que si elle est la manifestation consciente d’une force humaine ou sociale qui s’affirme contre une autre force humaine ou sociale. Nous envisageons donc ainsi tous les mouvements populaires, toutes les velléités de révolte du peuple contre les tyrannies, d’où qu’elles viennent, toutes les tyrannies et aussi toutes les entités au nom desquelles on exerce : Dieu, Vérités, Patrie, Honneur, Suffrage Universel, Travail, Propriété, Eglise, Etat, Loi, Dictature, Justice, Intérêt général, Paix, Droit, Civilisation, Humanité, Progrès, etc., etc., car tous ces grands mots dans la bouche des prêtres et des politiciens, ne sont que fourberies, mensonges, duperies, bourrage de crâne. Il faut résister à leur emprise. La résistance est, avec la réflexion, le commencement de la sagesse et de l’esprit critique, de l’esprit de révolte. Une mentalité sérieuse de résistance à tout ce qui parait beau, bien, bon et cache trop souvent le contraire, dénote chez l’individu le caractère, l’esprit libre et sain et parfois l’homme d’action. Unie à d’autres individus, cette force individuelle se multiplie et se développe dans les masses qui elles, ne réfléchissent pas assez, n’étant pas alors défendues, soutenues, par une force de résistance suffisante. Au milieu d’elles, les individus désintéressés, honnêtes, dont nous parlons plus haut, sont susceptibles de prendre un ascendant tel parmi les foules, qu’ils parviennent à force de sincérité et de foi contagieuses à faire éclater pour tous des étincelles de vérités qui engendrent non plus seulement la résistance, mais la Révolte, selon les motifs, les lieux, les circonstances.

D’où la nécessité de susciter, en tout et partout, la résistance des victimes aux fléaux que créent la mauvaise organisation sociale : Vie chère, Exploitation outrée, Autorité révoltante, Inégalités sociales scandaleuses, Escroqueries et Vols légalisés, protégés par la Loi, la Magistrature, la Police. La résistance, enfin, à tout le mal social est indispensable, d’abord, et doit être permanente parmi les masses populaires lésées, meurtries, sacrifiées par tous les profiteurs du régime bourgeois.

Pour le salut de tous, la résistance doit être une façon de comprendre notre rôle, dans une société basée tout entière sur l’iniquité sociale. C’est rendre service à nos semblables que de les entraîner à la résistance. Ils savent alors, par expérience, qu’on ne peut que gagner à toujours se regimber contre les fléaux sociaux, contre leurs causes et contre leurs effets. Les travailleurs ont droit à tout pour l’unique raison qu’ils n’ont rien. Contre cet état de choses, la résistance est un devoir pour tous les producteurs nécessiteux.

C’est d’ailleurs dans cet esprit que, vers le milieu du xix siècle, les travailleurs qui n’avaient pas encore conquis le droit syndical, savaient adroitement tourna la loi et, de leurs sociétés mutuelles de secours, faisaient clandestinement des sociétés de résistance où se discutaient leurs intérêts corporatifs. La police les pourchassait et la prison les menaçait sans cesse. Société de résistance était bien le mot qui convenait à ce groupement ouvrier. Les militants se rendaient compte qu’il n’y avait que par la résistance qu’on pouvait démontrer aux exploiteurs de l’époque, qui prenaient les ouvriers pour des matériaux agissants, que ceux-ci étaient des êtres pensants.

Les sociétés de résistance sont les aïeules de nos syndicats corporatifs, lesquels ont pour devise : « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » et pour but constant : « Bien-être et liberté par la suppression du Patronat et du Salariat ». Le temps a marché, les idées ont évolué. Mais, si la résistance est toujours en honneur, le but n’est pas atteint. Il y a des crises atroces dans nos sociétés de résistance.

Les militants syndicalistes n’ont pas à se cacher dans la montagne ou la forêt, comme des bandits en complot, ou s’isoler en mer comme des naufragés pour discuter de leurs intérêts corporatifs, comme au siècle précédent, mais ils ont à déjouer les obstacles posés par les événements sur la route droite qui mène au but : c’est la corruption gouvernementale, c’est la politique et son action néfaste, c’est la vanité des uns, l’ambition des autres, qui ont laissé dévier le syndicalisme, malgré la résistance de quelques-uns. Que faire à cela, si de se maintenir dans la pure logique et l’incorruptible sincérité qui ont fait la puissance de la CGT qui précédèrent le cataclysme de 1914.

Ne pas désespérer. Croire à l’avenir et ne pas combattre la division en l’augmentant. Savoir, en toutes circonstances, résister aux tentatives de scission dans nos syndicats. La place des militants non politiciens et de conviction révolutionnaire, s’ils ont la conscience droite et s’ils ne sont pas des girouettes, n’est pas toujours où l’on pense comme eux mais, au contraire, où il y a des cerveaux à éclairer, des initiatives à encourager, des vertus à persévérance, de courage à faire éclore en actions d’unité pour l’émancipation totale des exploités. En un mot, il faut que nous soyons, au syndicat, à la coopérative, partout, en dehors de toute politique, des résistants à tout ce qui corrompt, dévie, désunit. Avec de la patience, de la volonté, du caractère, les militants, jeunes ou vieux, verront renaître le vrai syndicalisme, superbe d’enthousiasme pour l’action directe, perpétuelle et féconde résistance !

G. Yvetot