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RHÉTORIQUE n. f. et adj.


La rhétorique, dit l’Académie, est « l’art de bien dire ». Elle est la théorie de l’éloquence comme la grammaire est la théorie du langage.


« Tant que l’homme sait peu, il parle nécessairement beaucoup ; moins il raisonne, plus il chante ; et quand il n’a rien à dire, il amuse l’oreille par son joli babil », a dit Proudhon. L’éloquence – qui est naturelle à l’homme comme la parole, le chant et le babil – étant l’art de plaire, émouvoir ou convaincre par le discours, la rhétorique, ou art oratoire, donne les règles pour plaire, émouvoir ou convaincre par la parole, mais surtout par le « joli babil ». Comme la grammaire est née après le langage, quand il a fallu rendre celui-ci compréhensible et commun à des populations nombreuses, la rhétorique est née après l’éloquence, pour mettre en elle un ordre déduit de ses formes naturelles les plus propres à toucher l’esprit humain.


L’étude de la rhétorique est à la fois celle des discours conservés et tenus comme des modèles d’éloquence, et celle des règles que l’on a tirées de ces discours. Ce sont les Grecs qui ont découvert et formulé la rhétorique. Jusqu’à eux, chez les autres peuples, plus anciens ou leurs contemporains, l’éloquence avait été une force de la nature plus qu’un art, s’épanchant parfois avec une puissance torrentielle dans les livres sacrés orientaux comme la Bible, où les plus belles pages sont plus souvent des imprécations d’une inspiration fougueuse que de la rhétorique.


Les discours des orateurs grecs, puis romains, et les règles qu’on en a tirées pour les formuler dans des traités, sont demeurés à la base de l’enseignement classique de la rhétorique à travers les siècles. Comme au temps où Quintilien enseignait à l’école de Rome les fils des patriciens, c’est à l’ombre auguste et vénérable de Démosthène et de Cicéron que les jeunes bourgeois d’aujourd’hui « font leur rhétorique » dans les lycées de la Troisième République. La Rhétorique d’Aristote, les De Oratore et L’Oratore de Cicéron, L’institution oratoire de Quintilien sont demeurés la loi et les prophètes de cet enseignement essentiellement scolastique, conformiste et conservateur, comme le droit romain est resté le fondement de toutes les institutions, malgré tous les bouleversements politiques et sociaux qui se sont produits depuis vingt siècles. Un tel enseignement est peut-être encore très utile pour favoriser la charlatanerie philosophique, religieuse, littéraire, politique, et pour faire des histrions habiles à se pousser dans le monde de l’arrivisme ; il n’est plus que « l’art d’apprendre à écrire sans don naturel », comme a dit R. de Gourmont, et aussi de parler sans ce don. Il est incapable de faire un véritable orateur possédant l’éloquence du cœur et de la conscience, comme il est incapable de produire un penseur sincère et un grand écrivain. La rhétorique n’en distingue pas moins aujourd’hui cinq genres d’éloquences : la politique, la militaire, la religieuse, la judiciaire et l’académique. C’est dire qu’elle continue à être l’instrument de séduction des notions sociales conventionnellement établies.


Dans les temps appelés « aristocratiques », la rhétorique n’atteint guère la foule ; elle est réservée à des « élites » pour qui les « déclamateurs fleuris », comme disait Fénelon, enveloppent les lieux communs dans les papillotes de la préciosité. Le bon sens populaire pense, s’il ne dit, avec La Fontaine :


« Je hais les pièces d’éloquence

Hors de saison et qui n’ont pas de fin. »


Mais il ne s’en laisse pas moins prendre aux déclamations grossières d’une éloquence qui le flatte pour le tromper et le dominer. Quand R. de Gourmont déplorait que des jeunes gens perdissent leur temps à l’étude de la rhétorique, parce qu’elle est « une des plus grandes niaiseries qui aient abusé les hommes », il ne pensait pas au but des prétendues élites et de leurs gouvernements qui est de rendre les hommes toujours plus niais. « Quand on sait rouler une métaphore, on peut bien rouler les imbéciles », remarquait Flaubert ; et, bien avant Shakespeare, les tyrans savaient qu’après leurs coups de force « ils trouvent toujours assez de bavards pour prouver qu’ils ont bien fait ». La grande malice de la rhétorique est de flatter ceux qu’elle veut séduire, or, comme l’a dit A. Suarès : « Flatter un peuple ou une assemblée, c’est mentir. De là, qu’on pense d’autant moins, en général, qu’on parle mieux. » Mentir est, par-dessus tout, l’art de la rhétorique, pour persuader en enrobant le mensonge dans les séductions de la parole, de façon à faire croire qu’il est la vérité. Elle est ainsi l’art de déraisonner au point de faire croire à une chose « parce qu’elle est absurde » : Credo quia absurdum !... Elle est la lanterne magique qui montre toutes les merveilles du monde, à condition qu’on ne l’éclaire pas. Les sages qui la font marcher sont :


« Messieurs les beaux esprits dont la prose et les vers

Sont d’un style pompeux et toujours admirable,

Mais que l’on n’entend point... » (FLORIAN.)


Il n’y a que les dindons qui croient entendre quelque chose ; et, malheureusement, ils sont innombrables, les dindons, ils sont le « peuple souverain », ils sont la « majorité compacte » !


La première rhétorique académique et classique a été la traduction en belles phrases, en mots historiques – qui fourniraient la pâture à cinq cents générations de cuistres et feraient se pavaner des milliers de pédants –, des vociférations et des injures plutôt ordurières que s’étaient lancées à la tête les héros d’Homère. C’était de la populace hellénique qu’étaient sortis ces héros, et ils n’avaient parlé le langage des dieux que lorsque les traducteurs d’Homère les avaient frisés et pommadés. Hérodote, dans ses Histoires, fleurit de la sorte les discours des personnages qui fournirent de plus en plus à l’éloquence politique à partir du Ve siècle avant J.-C. Les Thémistocle, Aristide, Périclès, Démosthène brillèrent dans cette éloquence jusqu’au jour où Athènes perdit la liberté. Les orateurs devinrent alors les rhéteurs des temps de tyrannie et de fausse liberté, les temps des Alexandre, des Auguste, des Louis XIV, des Napoléon et des Soulouque des démocraties contemporaines.


Le rhéteur fut d’abord celui qui enseigna la rhétorique. Il prit la place de l’orateur quand l’éloquence ne fut plus libre de s’exprimer et dut cacher ses chaînes sous la déclamation. Aussi, dès l’Antiquité, le nom de rhéteur prit-il un sens péjoratif pour désigner un orateur ou un écrivain emphatique, dont l’art ne consistait que dans un alignement habile de phrases destinées à masquer une pensée vide, confuse ou fausse. Stendhal ne comprenait rien à l’art des rhéteurs lorsqu’il disait : « Ce n’est pas le tout de faire de jolies phrases, il faut avoir quelque chose à mettre dedans. » Aussi Stendhal resta-t-il toujours incompris et dédaigné des faiseurs de festons et d’astragales qui brodent sur les nuages et font de la profession des gens de lettres celle des plus vains et des plus vaniteux farceurs. Vanus et vanitas, disait Michelet. Il y eut, certes, des rhéteurs qui firent de la rhétorique une science remarquable et respectable : Isocrate, Isée, maître de Démosthène, Eschine, rival de ce dernier, Aristote, le plus grand de tous, firent la gloire de la rhétorique à Athènes. Rome eut Quintilien, et l’on vit, au IIe siècle, Plutarque et Lucien. Mais le plus grand nombre des rhéteurs formèrent alors, et depuis, une espèce trop souvent malfaisante et irresponsable. Ce sont eux, entre autres, qui introduisirent dans l’histoire ce « plutarquisme », dont le nom vient de Plutarque, mais qui n’eut chez lui que des intentions pures, alors que ses successeurs en firent le plus maléfique usage. (Voir Plutarquisme.)


De plus en plus, en constatant combien l’éloquence séduisait les hommes et les entraînait au point de leur faire perdre le contrôle de leur pensée et de leurs actes, on avait fait de la rhétorique l’art de mentir et de tromper. De plus en plus, elle servit de moyen de gouvernement et de domination. Dans toutes les sociétés, quand les orateurs, les poètes et les savants ont répandu parmi les hommes les notions claires et précises des connaissances du temps, les rhéteurs, bavards insanes, pitres et faux savants, viennent pour troubler et obscurcir ces notions, pour soutenir que le blanc est noir, en même temps qu’il n’est ni blanc ni noir, pour semer la confusion au point que, même en se tâtant bien, les gens ne sont plus sûrs qu’ils existent. Les rhéteurs conduisent ainsi les sociétés qui s’abandonnent à eux au gâtisme et à la décomposition où elles s’écroulent généralement.


Les rhéteurs ont été de tout temps des gens qui ont réussi, aussi bien auprès des prétendues « élites », dont ils sont les fleurons, que des « foules stupides ». Ils possèdent plus que quiconque « l’art de traire les hommes », comme disait Molière. Grands et petits, riches et pauvres n’ont cessé de leur payer tribut. Ils furent appelés de bonne heure – et s’appelèrent eux-mêmes – sophistes, c’est-à-dire hommes habiles à discuter ; mais ils étaient surtout des « charlatans de l’esprit » (Voltaire), soutenant de faux raisonnements avec l’intention de tromper, et enseignant, moyennant finance, l’art de composer sur n’importe quel sujet, aussi capables de démontrer le faux que le vrai, de les faire passer l’un pour l’autre, et niant d’ailleurs toute différence entre la vérité et l’erreur. C’est par les rhéteurs que « la philosophie donne le moyen de parler vraisemblablement de toutes choses et de se faire admirer des moins savants » (Descartes).


Par eux, le même moyen est donné à toutes les sciences, même les plus exactes. Il y a des sophistes capables de soutenir éternellement que deux et deux ne font pas quatre, comme M. Poincaré est capable d’écrire encore vingt volumes pour affirmer que « la mobilisation n’est pas la guerre », même quand elle fait dix millions de morts !


Dans l’Antiquité, le succès des sophistes fut immense. Plus que les véritables orateurs, ils entraînaient les foules ; car, sachant défendre avec un égal talent toutes les opinions, ils étaient certains d’être d’accord avec tout le monde. Ils n’avaient pas à redouter la ciguë que but Socrate et le poignard qui frappa Cicéron. Ils pullulèrent durant la décadence athénienne qu’ils précipitèrent. Ils connurent une fortune incroyable lorsque, passant d’Athènes à Rome, ils vinrent apprendre le beau langage et la corruption civilisée aux patriciens en les décrassant de leur rusticité. Ils firent tant que Caton les fit bannir de Rome, mais ils y revinrent comme des rats, et Crassus chercha vainement à réagir contre l’enseignement d’une ignorance et d’une oisiveté élégantes qu’ils répandaient parmi les classes riches. Il y avait déjà, en ce temps-là, un snobisme qui entretenait la sottise aux dépens de l’esprit et de la raison. Cantonné d’abord dans l’enseignement, le rhéteur se mêla de plus en plus de politique. Il s’imposa dans la tragédie antique où le chœur – vox populi – fut toujours de l’avis du dernier qui avait parlé. Rome vit la domination du tribun qui faisait ou défaisait la République à coups de gueule, en attendant de faire et de défaire les empereurs.


Les temps des décadences grecque et romaine avaient produit les rhéteurs philosophes et religieux, les sophistes coupeurs de fil en quatre, abstracteurs de quintessence, chevaucheurs de chimères qui se multiplièrent avec la sorcellerie chrétienne durant tout le Moyen Âge. Quand le christianisme primitif eut cessé de s’exprimer par la rude et magnifique voix de Jérôme et des premiers pères, il descendit peu à peu de leur éloquence, par les différents degrés de la rhétorique des Salvien, Hilaire de Poitiers, Ausone, Sidoine Apollinaire, Vincent de Lérins et nombre d’autres « fanatiques de mauvaise rhétorique » (Ph. Chasles), à la métaphysique théologique et scolastique, qui ne fut plus que l’effrontée justification des turpitudes ecclésiastiques. On ressuscita la méthode hébraïque du Bœuf sur le toit, des « pilpouls », des « débats dans l’irréel, des interminables discussions dans la chimère » (Couchoud). La rhétorique était alors passée chez les Gaulois. Ils furent toujours de remarquables bavards. Marseille était devenue l’Athènes des Gaules après la conquête par Jules César, et les jeunes Romains venaient apprendre des rhéteurs de son école l’art des controversia et des suasoria. Quand la magnifique littérature du Moyen Âge eut tari ses sources populaires, elle tomba dans les niaiseries savantes et prétentieuses des « rhétoriqueurs » qui justifieraient la réforme de Malherbe.


Au XVIe siècle, la rhétorique théocratique inaugura, contre l’esprit de la Renaissance, les grands mensonges des temps modernes : guerre chrétienne, droit des gens chrétien, modération chrétienne, etc., dont Michelet a dit : « Toutes ces locutions doucereuses ont été biffées de nos langues par le sac de Rome, de Tunis et d’Anvers, par Pizarre et Cortès, par la traite des Noirs, l’extermination des Indiens. » Elles se sont retrouvées depuis 1789 dans la rhétorique démocratique qui a dit : guerre du droit, droits de l’homme, Liberté, Égalité, Fraternité, etc., locutions non moins doucereuses qui se trouvent elles aussi biffées des langues européennes par un siècle de démagogie politicienne, de brigandage colonial, de violations du droit des gens aboutissant à la guerre de 1914. La même imposture qui faisait parler un Bossuet « au nom de Dieu », quand il encourageait Louis XIV au massacre et à la proscription des hérétiques, a fait parler les Poincaré, les Guillaume, les Nicolas, les François-Joseph « au nom de leurs peuples » pour justifier leur crime de 1914.


Le temps de la Renaissance multiplia le type du rhéteur savantissime qui deviendrait l’académicien, et celui du rhéteur de carrefour qui exciterait les foules aux guerres de religion et aux assassinats pieux. La rhétorique des jésuites fabriqua alors la théorie du tyrannicide, qu’ils mirent hypocritement sous le couvert de la défense de la liberté. Ce fut une résurrection éphémère, mais sauvage, d’éloquence populacière qui dura jusqu’à la fin de la Fronde. Les tribuns populaires, muselés par le pouvoir royal, se réfugièrent alors au « théâtre de la foire », d’où ils étaient d’ailleurs sortis pour devenir « marmitons des jésuites » et confesseurs des rois.


Ils en ressortiraient quand la Révolution leur permettrait de ré-emboucher leur trompette et de faire régner la rhétorique politicienne qui submergerait le monde. Les rhéteurs académiques, bavards solennels mais consciences défaillantes, qui affecteraient de la mépriser, n’en feraient pas moins leur moyen de fortune auprès des « altesses » de la démocratie, en abandonnant les hauteurs sereines de la science pour descendre dans « la foire sur la place », et en laissant choir leur grande rhétorique de l’empyrée de la pensée dans les bas-fonds électoraux. On a vu ainsi, de nos jours, « le plus grand philosophe de notre époque » se faire le préfacier de M. Viviani et, dans le même temps, « les plus hautes consciences académiques » alimenter l’infecte prose du « bourrage de crâne ». La sottise sorbonique qui a dit : « La France a spiritualisé la matière, l’Allemagne a matérialisé l’esprit », et la tartuferie académique qui a opposé, avec des mouvements de menton, la « gentillesse française » à la « barbarie allemande », ne sont pas moins insanes que les cochonneries pieuses et patriotiques des bardes poussifs préposés à l’héroïsme des beuglants.


La rhétorique religieuse que le Moyen Âge avait noyée dans la vaseuse métaphysique canonique et réservée à l’usage des gens d’église, devint mondaine à partir du XVIe siècle et prit les formes de l’académisme et du « bon goût », formes artistiques de l’hypocrisie de ceux qui commencèrent alors à s’appeler les « honnêtes gens ». Cela se fit sous la direction des jésuites qui se mirent à abrutir les cerveaux pour mieux dominer les corps, à faire de l’homme une marionnette sans âme, « un cadavre qui tombe si on ne le soutient » (Loyola). Aussi, la rhétorique religieuse demeura-t-elle plus que jamais « la suivante de la théologie et de la morale évangélique », comme disait Bossuet, sauf quelques éclairs d’humanité et de vraie morale, qu’on trouve dans Massillon, et particulièrement dans Fénelon. Elle servit aux Bossuet à « enchâsser des pierres fausses dans de l’or » (Voltaire.)


Au XVIIIe siècle, la société brillante s’écrasait aux séances des Sorboniques, dont l’origine venait d’un cordelier qui avait entrepris de « soutenir la discussion contre tout venant et sur toutes sortes de sujets, depuis huit heures du matin jusqu’à huit heures du soir » (Bachaumont). Ces champions rhétoriciens ne prenaient même pas le temps de manger et de boire ; leurs auditeurs allaient se réconforter pour eux pendant qu’ils péroraient. Et ils ne se bornaient pas à soutenir la discussion sur toutes sortes de sujets ; ils défendaient aussi le pour et le contre. « Tu sauras que j’aurais pu te dire tout le contraire, et que cela aurait été aussi la vérité », dit « l’inconnu », dans Une Nuit au Luxembourg, de R. de Gourmont, car « il semble que les hommes ne donnent aux mots un sens précis que pour avoir le plaisir de les employer à contresens ». C’est le plaisir et la malice des casuistes, le but de leur rhétorique.


La rhétorique judiciaire et académique ne fut pas moins conventionnelle que la religieuse au XVIIe siècle. L’éloquence de Patru s’évertua vainement dans la cage du conformisme du temps. Les Fléchier étalaient leurs pompeuses et vides périodes pour glorifier ses turpitudes et donner la vie à son néant. Boileau a raillé « cette belle rhétorique moderne inconnue aux anciens », qui permet de dire « ce qu’il ne faut point dire ». Pourtant, les anciens connaissaient déjà cette « équivoque » par laquelle :


Le vrai passa pour faux, et le bon droit eut tort,

et qui fait pratiquer :

L’art de mentir tout haut en disant vrai tout bas. (Boileau, Satire XII.)


Il y avait longtemps qu’on savait :

... qu’on peut, pour une pomme,

Sans blesser la justice, assassiner un homme. (Boileau, id.)


Mais jamais l’on n’avait vu une si pieuse hypocrisie, et Boileau, après Molière, flétrissait avec raison le siècle de Tartufe, ce siècle des « honnêtes gens » qui avaient commencé par brûler la Léda de Michel Ange, qui mettaient un cache-sexe aux statues, recouvraient d’un mouchoir les seins de Dorine et vengeaient ainsi contre l’art et la nature la saleté de leurs mœurs.


Quand la démagogie eut ouvert ses bondes, la rhétorique politicienne trouva immédiatement son maître et son modèle dans M. de Talleyrand. En sa double qualité de grand seigneur et de grand fripon, il lui donna une telle séduction et une telle souplesse, il présenta ses mensonges et ses palinodies avec de telles apparences de vérité et de sincérité, que les bavards subséquents n’auraient plus rien à inventer comme moyens de duperie durant le siècle d’éloquence parlementaire qui irait de l’aigre flûte de M. Thiers, son digne élève, au ronflant violoncelle de M. Briand. Il ne resterait plus aux astrologues de la démocratie que d’« éteindre les étoiles » (M. Viviani) et de leur faire remorquer « le char de la France éternelle » (M. Boncour). M. de Talleyrand apprit aux démocrates ce qu’il avait appris des aristocrates : comment « la parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée », et comment on peut « vivre de la bêtise humaine ». Louis Blanc a constaté que ce fut là « tout le génie » de M. de Talleyrand. Ce fut aussi tout le génie des politiciens qui lui succédèrent, avec beaucoup moins de savoir-vivre et d’élégance.


À côté des politiciens, il y a les rhéteurs philosophes, écrivains, artistes, qui tirent sans fin sur la guimauve conformiste et forment le bataillon des « intellectuels consolateurs », comme les appelle Gorki, de l’indécrottable sottise bourgeoise. Mais « leur art, l’art du beau mensonge, leur art par excellence, n’a plus le pouvoir ni la force de cacher le cynisme malpropre de la réalité bourgeoise » (Gorki). L’idéalisme hypocrite dont ils parent leur rhétorique ne peut plus donner le change sur le grossier matérialisme de cette réalité. Les uns et les autres, les maîtres affairistes et les larbins intellectuels, ne sont plus que des ventres et des bas-ventres ; ils n’ont plus de cerveaux.


La sottise bourgeoise, expression d’une classe « condamnée à mort et qui le mérite entièrement, comme le mérite un bandit ou un assassin professionnel » (Gorki), a mis politiquement, depuis trente ans, sa suprême espérance dans la rhétorique « jaurésiste », dernière sophistication démocratique qu’il est nécessaire de démasquer à l’usage des prolétaires encore confiants dans le verbiage politicien. C’est une page d’histoire qui n’est pas assez connue.


La rhétorique jaurésiste est née de l’affaire Dreyfus. Elle est l’explication de la faillite socialiste, dernier épisode de la banqueroute républicaine ; car, après elle, il n’y a plus de choix qu’entre deux solutions – la dictature ou la révolution. L’opportunisme gambettiste avait commencé la banqueroute en livrant la République à la réaction sociale. Les radicaux l’avaient continuée. Ayant pris la place des gambettistes dégonflés comme revendicateurs de la République, ils avaient suivi la même voie qu’eux lorsque leur chef, M. Bourgeois, était entré dans le ministère Ribot, en 1893, entraînant son parti à liquider, « entre camarades », le scandale du Panama. Un coup d’éponge magistral laissa impunies les voleries panamistes et permit à leurs auteurs, par la solidarité politicienne, de demeurer au pouvoir et aux affaires parmi les parangons de la vertu civique ! C’est dans ces conditions particulièrement immorales que la République opportuniste et radicale, nantie d’un si fâcheux concordat, continua. Mais il restait le parti socialiste, le parti de l’Internationale ouvrière, le parti de la pureté politique, pour nettoyer les écuries d’Augias, balayer le régime qui n’avait plus de républicain que son titre, et dont les profiteurs étaient cyniquement statufiés sur les places publiques.


Lorsque l’affaire Dreyfus éclata, la voix puissante de Jaurès fit se lever les socialistes avec tous les « défenseurs de la justice ». L’heure était venue d’en finir avec une réaction et une corruption maintenues par des républicains défaillants. L’insolence des prétoriens et du Gesù était arrivée à son comble ; leur audace, encouragée par l’impunité, ne reculait même pas devant le faux et l’assassinat. L’affaire Dreyfus ne limitait pas sa portée aux réparations dues au déporté de l’île du Diable, citoyen quelconque victime d’une forfaiture comme il en était tant ; elle était un symbole, elle portait en elle toutes les revendications de la Vérité et de la Justice contre l’iniquité sociale, elle était la Révolution...


Ce fut alors au tour des socialistes de sauver la réaction. Waldeck-Rousseau, « syndic de faillite de l’affaire Dreyfus » (Rosa Luxembourg), présida à l’opération, comme Ribot avait présidé à celle du Panama. Millerand lui apporta le concours socialiste, comme Bourgeois avait apporté à Ribot le concours radical. Après des années de lutte, alors que la forfaiture était démasquée, que les faussaires, cloués au pilori de l’opinion, étaient près du châtiment, que tout l’édifice de boue et de honte de l’iniquité allait s’effondrer pour faire place à un monde nouveau, ce fut, le 19 décembre 1899, un nouveau coup d’éponge sur le crime, la loi d’amnistie graciant tout le monde, innocents et coupables, enlevant aux premiers les réparations qui leur étaient dues, soustrayant les seconds au châtiment qu’ils méritaient, bâillonnant une fois de plus la vérité, bafouant la justice, et signant une nouvelle capitulation républicaine devant les malfaiteurs triomphants ! Depuis, le parti socialiste a « vomi » Millerand, il a vomi aussi tous les renégats de son espèce ; trop tard, le coup était fait. Millerand avait pu accomplir son œuvre criminelle ; il put la poursuivre jusqu’aux cours martiales de 1914-1918, et d’autres ont continué. Les socialistes continuent aussi, qui refusent, disent-ils, de « participer » au gouvernement, mais qui y collaborent et qui collaboreront même à la dictature, quand la bourgeoisie leur en offrira la direction contre la Révolution qu’ils ont reniée.


Comment cela a-t-il été possible ? Oh ! Il n’est pas nécessaire de beaucoup de développements pour montrer l’œuvre de ce que nous appelons la « rhétorique jaurésiste » et en faire comprendre le mécanisme. Elle est sommaire et elle est nette, malgré toute la blagologie répandue après, pour la justifier quand tout était accompli, comme dans l’Évangile et dans l’éternelle histoire des peuples mystifiés.


Après les préliminaires des premiers défenseurs qui avaient dénoncé la forfaiture et indiqué les voies de la vérité, Jaurès s’était lancé dans l’affaire Dreyfus. Par sa prestigieuse influence, il l’avait imposée à son parti comme une cause sociale dont dépendait tout l’avenir du prolétariat et de la civilisation. Elle était à ses yeux « une des plus grandes batailles du siècle, une des plus grandes de l’histoire humaine » (Petite République, 12 août 1899). Il avait dit à la classe ouvrière hésitante que si elle ne se levait pas pour cette lutte, ce serait « la pire abdication et la pire humiliation, la négation même du grand devoir de classe du prolétariat » (Petite République, 15 juillet 1899). Dans le même article, il avait ajouté, pour les guesdistes méfiants : « Nous voulons toute la vérité !... Nous continuons la lutte, et si les juges de Rennes, abusés par les manœuvres ignobles de la réaction, devaient encore sacrifier l’innocent pour sauver les chefs militaires criminels, demain encore, malgré les manifestes d’excommunication, malgré les soi-disant appels à la falsification, à l’amoindrissement, à la déformation de la lutte de classe, nous nous lèverons de nouveau, malgré tous les dangers, pour crier aux généraux et aux juges : vous êtes des bourreaux et des criminels ! » Jaurès avait écrit encore, pendant le procès de Rennes : « Quoi qu’il en soit, la justice approche ! L’heure de la délivrance approche pour le martyr, l’heure du châtiment approche pour les criminels ! » (Petite République, 13 août 1899) ; et ceci : « Je jure que Dreyfus est innocent, que l’innocent sera réhabilité, que les criminels seront punis. » (9 août 1899.)


Il avait enfin déclaré à Lille, en novembre 1899, un mois à peine avant la loi d’amnistie : « Pour moi, j’ai voulu continuer, j’ai voulu persévérer jusqu’à ce que la bête venimeuse ait été obligée de dégorger son venin. Oui, il fallait poursuivre tous les faussaires, tous les menteurs, tous les bourreaux, tous les traîtres ; il fallait les poursuivre à la pointe de la vérité comme à la pointe du glaive, jusqu’à ce qu’ils aient été obligés, à la face du monde entier, de confesser leurs crimes, l’ignominie de leurs crimes. » Affirmations énergiques, engagements solennels. Ils entraînaient les socialistes, les prolétaires, tous les hommes de vérité et de justice, « intellectuels » et « manuels », internationale de la pensée et Internationale ouvrière, à la véritable lutte de classe, la véritable lutte finale d’où sortirait un monde régénéré.


Qu’arriva-t-il ? La « bête venimeuse » ne dégorgea pas son venin ; les faussaires, les menteurs, les bourreaux et les traîtres ne confessèrent nullement leurs crimes. Ils continuèrent, aussi insolents, si bien qu’aujourd’hui même, et dans les lycées de l’État, il y a encore des professeurs qui peuvent enseigner impunément aux jeunes Français que « Dreyfus fut un traître » et qu’il fut défendu par le « syndicat de la trahison » !


M. Millerand étant devenu ministre, à côté du général Gallifet, chourineur de la Commune, ce fut le vote de la loi d’amnistie, grâce au concours des socialistes. Et voici alors ce que la rhétorique jaurésiste produisit, un an à peine après la déclaration de Lille : il fallait « se débarrasser des procès ennuyeux et maintenant inutiles, pour éviter la satiété du public qui bientôt se fermerait à la vérité elle-même » (Petite République, 18 décembre 1900).


Rosa Luxembourg a écrit à ce sujet : « Encore un pas en avant, et les anciens héros de l’affaire Dreyfus apparaîtront comme des fantômes importuns dont on ne saurait se débarrasser assez vite. » Le pas fut vite fait. Dès le 24 décembre 1900, la Petite République exécutait Zola qui protestait contre l’amnistie. Il y avait « assez de lumière » ! Zola devait se taire. « Surtout, pas de plaintes, pas de répétitions ! » L’affaire Dreyfus n’était plus qu’un « cas individuel », de même que celle de Picquart. « Dans notre aspiration vers la justice (sic), nous ne pouvons nous borner à des cas individuels », écrivait Gérault-Richard, faisant écho à Jaurès (Petite République, 30 décembre 1900). La justice, ce n’était plus la vérité « qui était en marche et que rien n’arrêterait » ; ce n’était plus la lutte de classe, la Révolution ; c’était maintenant la « défense républicaine » à la sauce opportuniste ! On en arriva à plaindre les bourreaux : Esterhazy errant « déguenillé et affamé », Boisdeffre « enfui » de l’état-major, Gonse « se traînant abattu », de Pellieux « mort en disgrâce », Henry qui avait dû « se trancher la gorge », du Paty de Clam « hors de service ». Pour un peu, on les aurait tous réhabilités avec Mercier devenu sénateur... La « défense républicaine », c’est-à-dire la défense de la politicaillerie tarée qui déshonorait la République, était seule à considérer, comme elle l’avait été par l’opportunisme après le 16 mai et par le radicalisme après le Panama.


Nous ne pouvons nous étendre davantage, mais on trouvera dans l’ouvrage de Rosa Luxembourg, Réforme et Révolution, l’exposé aussi complet que démonstratif des événements par lesquels la rhétorique jaurésiste a soutenu le millerandisme et réduit le socialisme à l’impuissance révolutionnaire. La suite n’a fait que confirmer et renforcer les conclusions que Rosa Luxembourg a tirées, il y a trente ans, dans ces termes : « Ainsi, la tactique de Jaurès, qui voulait atteindre des résultats pratiques en sacrifiant l’attitude d’opposition, s’est montrée la moins pratique du monde. Au lieu d’accroître l’influence socialiste sur le gouvernement et le parlement bourgeois, elle a fait des socialistes l’instrument sans volonté du Gouvernement et l’appendice passif de la petite bourgeoisie radicale. Au lieu de donner une nouvelle impulsion à la politique avancée à la Chambre, elle a laissé perdre, avec l’opposition des socialistes, le stimulant qui seul eût pu amener le Parlement à une politique décisive et courageuse. » De plus en plus, les socialistes se sont enfoncés dans le marécage opportuniste. (Voir Politique.)


Le « dégonflage » socialiste dans l’affaire Dreyfus s’est complété alors de la conspiration du silence organisée contre ceux qui ne voulaient pas d’une amnistie déshonorante pour eux et pour la justice. Dans sa magnifique préface aux recueils d’écrits de Bernard Lazare, Le Fumier de Job, Charles Péguy a montré le processus de cette conspiration. C’est en vain que Bernard Lazare, Zola, Gohier, Dreyfus lui-même protestèrent. On vit se fonder l’Humanité avec l’argent des grands juifs, des « fermiers généraux de l’estomac national », comme dit aujourd’hui M. Moro-Giafferi, des « ventres dorés » engraissés de la misère publique. L’un d’eux, qui est devenu pendant et après la guerre le dictateur du blé et du pain cher, paya ainsi son élection « socialiste », que fit faire Jaurès, dans une circonscription cévenole ! La condition essentielle que les grands juifs mirent à leur apport au « journal du prolétariat » fut que les Bernard Lazare n’y écriraient pas !... Ces messieurs en avaient assez de « se battre pour la justice ». Ils préféraient s’entendre avec les faussaires, les « trublions », les « traîneurs de sabre » et les évêques qui béniraient leurs chiens, en attendant de les bénir eux-mêmes entre deux pogromes de misérables juifs. Et les choses continuèrent comme devant pour la vérité et la justice une fois de plus bafouées, pour les prolétaires une fois de plus bernés.


C’est à cette rhétorique jaurésiste qu’on dut ensuite les sinistres farces de la « démocratisation de l’armée » et de la « réforme des conseils de guerre », devenus « tribunaux militaires ». Ces conseils font plus de victimes que jamais, depuis leur suppression et celle de « Biribi », dans les colonnes des journaux de la « défense républicaine ». Les singes qui montrent la lanterne magique aux « dindons souverains » ont baptisé carpe-Painlevé la poularde-Millerand : la « double-bouche » de Lebon s’est changée en « poucettes humanitaires », et le tour a été joué. Les échos les plus douloureux peuvent venir de la terre d’Afrique ; personne ne les entend plus, puisqu’on vous dit qu’il n’y a plus de Biribi... C’est encore à cette rhétorique qu’on doit une autre farce non moins sinistre, celle du « statut des congrégations », donnant aujourd’hui à Tartufe et à Flamidien toute sécurité pour ré-encapuciner et re-moraliser le pays, sous l’édifiante protection des politiciens laïques qui vont à la messe et envoient leurs enfants dans les écoles pieuses. On a vu les plus farouches libres-penseurs aller « du diable à dieu », et des « vengeurs de Ferrer » promettre de défendre les mystères de la Vierge en recevant les insignes de l’Immaculée Conception des mains des assassins de Ferrer.


Jaurès paya cruellement les conséquences de sa rhétorique quand il fut assassiné par ceux qu’elle avait amnistiés, quinze ans auparavant. Son parti n’a pas pour cela cessé l’œuvre de capitulation opportuniste. Il l’a continuée durant la guerre de 1914 et il la continue encore plus énergiquement depuis, au nom de l’Internationale ouvrière dont il est de plus en plus séparé, comme le parti radical la continue au nom des « petits bourgeois », des « petites gens » qu’il abandonne à tous les escrocs des scandales capitalistes. Il les livre même, comme dernière ressource, depuis qu’il les a fait ratisser par les banquiers dans la récente conversion de la rente, aux consolations spirituelles que M. Bergson, le grand philosophe du régime, fait tomber sur leurs têtes des hauteur sorboniques, en disant : « Le corps de l’homme agrandi par la science attend un supplément d’âme… » Sans doute pour remplacer le « supplément » qu’il ne peut plus s’offrir au restaurant.


En marge des partis politiques, la Ligue des droits de l’homme, fondée à l’occasion de l’affaire Dreyfus pour la défense de la liberté et de la justice, est devenue totalement impuissante devant le flot d’iniquité, devant toutes les nouvelles affaires Dreyfus dont les dossiers font craquer ses cartons. Envahie elle aussi par les rhéteurs opportunistes et comptant parmi ses dirigeants tant d’hommes dont l’action publique est de faire échec à ses principes et à son œuvre, que peut aujourd’hui cette Ligue ?


La rhétorique démocratique, particulièrement l’actuelle, a hérité de l’Ancien Régime le goût de cette équivoque que flétrissait Boileau. Elle invente tous les jours des mots nouveaux pour qu’on ne comprenne rien à ce qu’elle veut ou ne veut pas dire. (Voir Langue, Néologisme.) Elle a fabriqué entre autre une rhétorique prolétarienne dans laquelle il est impossible de se reconnaître si l’on n’est pas un endormeur du prolétariat. Parmi les produits les plus récents de l’équivoque ainsi entretenue pour la confusion des esprits, on trouve des élucubrations comme celles-ci : « le chômage technologique » qui tend à démontrer que les causes du chômage sont dans la machine elle-même et non dans le mauvais usage, l’usage antisocial qu’en font ses possédants ; les « avantages dispensiels » pour prouver aux gens qu’ils sont d’heureux mortels quand on les dépouille, au nom de la « défense républicaine », au profit des banquiers ; les « pactes initialés », merveilles diplomatiques qui permettent de dire qu’entre deux nations un traité existe quand il n’existe pas et qu’il n’existe pas quand il existe, etc.


Proudhon constatait : « En fait de manifeste démocratique comme de programme ministériel et de discours de la couronne, l’essentiel est de parler et de ne rien dire. » On continue dans la démocratie opportuniste radicale-socialiste, comme au temps de Rome, en attendant de se réveiller un jour sous la botte d’un César.


À la rhétorique se rattachent tous les mots dérivés de logos (discours) : logographie (moyen d’écrire aussi vite qu’on parle), logogriphe (énigme, chose ou discours inintelligible), logomachie (querelle de mots), logophile (bavard), logotechnie (science des mots). et enfin... « logo diarrhée » ou logorrhée, qui indiquent l’incontinence verbale, un flux de paroles vides de sens ; c’est la véritable maladie des politiciens. Presque tous ces mots ont un sens péjoratif déduit de l’usage, le plus souvent malfaisant, de la rhétorique.

À la rhétorique, « art de bien dire », préférons l’art de bien taire... et de laisser dire. Le véritable orateur, celui qui fait un bon usage de la rhétorique, est celui qui agit bien en traduisant ses paroles en actions. Le rhéteur qui « finit par croire que la parole est le fait, et croit avoir agi quand il a fini de dire » (A. Suarès), n’est qu’un insane bavard. Il est comme le cheval dont Jules Renard a dit, dans ses Histoires naturelles : « Il pète, pète, pète. » Or, ce n’est pas de pétarades que le monde a besoin, c’est de raison, de conscience et de volonté agissante.


- Edouard ROTHEN.