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SANTE n. f. (du latin sanitas)

Equilibre psycho-physiologique des organismes vivants, se traduisant par un fonctionnement normal, régulier, parfait de tous leurs organes.

Si nous observons autour de nous les représentants de l'espèce humaine, nous constatons qu'un nombre très restreint jouit de cet équilibre intégral malgré, parfois, de rassurantes apparences. Cependant, en raison de leur avance intellectuelle, de l'énorme acquisition philosophique qu'ils ont réalisée, les peuples dits civilisés devraient, semble-t-il, jouir d'une intégrité physico-mentale inconnue aux races moins évoluées et, à plus forte raison, aux espèces animales qui n'ont, à travers le labyrinthe de la vie, pour guide que leur instinct. Mais, au contraire, il apparaît que plus la civilisation s'amplifie, mieux l'esprit humain triomphe des énigmes les plus diverses, plus, en un mot, l'intellectualité domine l'espèce, et plus décroît en même temps son immunité pathogénique générale. Progrès - ou ce que l'on a coutume d'appeler de ce nom - et santé suivraient ainsi des courbes inverses ...

Sans doute, certains fléaux qui, aux siècles passés, faisaient peser sur l'humanité leur menace endémique et frappaient périodiquement et avec violence presque toutes les races - tels le choléra, la peste, la variole - ont régressé sous les assauts de la science et sont, en Europe du moins, virtuellement jugulés. Propreté, hygiène générale croissante de l'individu et de son habitat en espacent et localisent l'éclosion, d'une part et, d'autre part, des mesures rapides de prophylaxie, le développement des services sanitaires et de voierie triomphent aisément des foyers isolés.

Mais si les épidémies, les maladies catastrophiques pourrait-on dire, ont été vaincues, par contre - paradoxe macabre et ironique - nombre d'affections à caractère infectieux, et de portée collective plus qu'on ne le croit généralement, se sont implantées victorieusement, ou même ont fait une récente apparition dans nos sociétés raffinées, mais aussi hypertendues, jouisseuses et surmenées. C'est ainsi que le diabète, le cancer, la tuberculose, la syphilis, le rhumatisme, l'urémie, l'albuminurie, l'hépatisme, les néphrites, l'appendicite, etc..., qui, dans un passé tout proche encore, étaient numériquement insignifiantes au point que certaines (maladies d'excès) avaient reçu, dans le langage populaire le qualificatif de « maladies de riches », atteignent aujourd'hui indistinctement toutes les classes de la société.

Une morbidité générale, latente, s'est installée, sournoise et redoutable. Il en est résulté, depuis nombre d'années, une mortalité accrue que n'ont pu réduire, malgré leur amplitude, les moyens de défense mis en oeuvre, et qui inquiète les pouvoirs publics. C'est ainsi qu'au cours de l'année 1932, M. Legros, rapporteur de la commission parlementaire d'hygiène, poussait un cri d'alarme en déclarant à la tribune du Parlement que la France était le pays d'Europe possédant le triste privilège de la plus forte mortalité « puisqu'elle dépasse le chiffre impressionnant de 17 pour 1.000 habitants ».

Cette précarité sanitaire, qui atteint particulièrement ce pays, non seulement n'épargne pas les autres états européens, mais elle est aussi le lot des autres continents. Dans son livre « Restez jeunes », le Docteur Pauchet nous conte qu'un industriel des Etats-Unis prit la curieuse initiative de soumettre à un rigoureux examen médical, confié à des spécialistes, tous les postulants aux emplois vacants de son établissement. Cette investigation révéla que 97 p. 100 des solliciteurs étaient affligés de tares insoupçonnées de la plupart des intéressés.

Cet état morbide engendre une mortalité de beaucoup plus élevée que la normale et particulièrement prématurée. C'est ainsi que, pour la France, la longévité moyenne est de 43 ans. Octogénaires, nonagénaires et surtout centenaires deviennent d'une excessive rareté. Combien disparaissent avant l'âge adulte, fauchés en pleine adolescence ? Combien meurent avant la trentaine ?

Cependant, si nous nous en référons aux enseignements de l'anatomie et de la physiologie comparées, les hommes, pour accomplir le cycle normal de leur existence, devraient atteindre au moins 125 à 150 ans. En effet, tous les animaux vivent environ 5 à 6 fois le laps de temps que leur squelette met à s'ossifier. C'est ainsi que le chien, lorsqu'il est convenablement traité, vit de 15 à 20 ans, réalise en 3 ans son ossification complète. Le cheval qui atteint 25 à 30 ans voit son armature squelettique s'ossifier définitivement à 5 ans, etc... Et encore avons-nous affaire ici à des animaux relativement dégénérés en raison de la domesticité qui leur est imposée ... Par conséquent, l'homme qui accomplit la soudure de son épiphyse claviculaire (la dernière) aux abords de la 25ème année, devrait logiquement atteindre et dépasser le cap des 125 et même 150 ans. Mais ce phénomène de longévité ne se rencontre plus guère que dans certaines parties du monde où les mœoeurs simples, faites de sobriété et de frugalité, subsistent encore ; les régions turco-balkaniques, par exemple, où abondent encore de robustes centenaires et plus-que-centenaires. Ce sont toutes ces observations qui ont amené Metchnikoff à cette conclusion que la vieillesse précoce affectant les peuples civilisés n'est autre qu'une décrépitude pathogénique résultant de causes évitables et correctives.

Quelles sont donc les causes mystérieuses de ces déchéances anticipées qui font de l'homme contemporain un valétudinaire avant l'âge, un moribond précoce, soldant, bien avant l'heure qui lui est assignée au cadran de la Nature, son tribut à la Parque symbolique ? Dès l'antiquité la plus reculée, depuis que l'humanité connaît la maladie, ce problème tourmenta les chercheurs. Docteurs, savants, philosophes, tentèrent de déchiffrer l'énigme. Les plus avisés, les mieux inspirés opinèrent pour une réconciliation de l'homme avec la Nature, pour une observation scrupuleuse des lois tutélaires et intangibles qui régissent tous les êtres vivants. Mais la simplicité, l'esprit de clairvoyance ne sont pas des apanages humains. Accoutumé à marcher dans la voie, absurde ici, de l'insubordination, l'orgueilleux roi de la création, plus raisonneur que raisonnable, estima davantage profitable de souscrire aux suggestions de mauvais conseillers, habiles manœoeuvriers, retors de l'empirisme, mais aussi profiteurs habiles d'une science fourvoyée. Une médecine officielle, orthodoxe, souvent puérile et inepte, s'édifia, dédaignant les causes, ne s'attaquant qu'aux effets. C'est cependant - malgré d'universels et retentissants échecs - ses dogmatiques méthodes qui prévalent encore et rallient tous les suffrages. Ses pontifes officient toujours devant le même public, indécrottablement crédule et borné, qui, répudiant tout effort critique et régénérateur, continue à accorder ses préférences aux pilules et aux onguents, aux potions souveraines et aux remèdes « guéris-tout », plutôt qu'aux pratiques d'hygiène préventives et curatives, les seules allant à la source du mal et visant à en prévenir tout retour offensif.

Cette impuissance d'une médecine égarée fut mise en évidence non seulement par de scrupuleux savants n'ayant aucune attache avec elle, mais aussi et surtout par des praticiens ayant grandi sous son aile, et qui se sont abreuvés à ses sources.

Autour de 1929, le Docteur Rist a publié (Masson, éditeur), un ouvrage intitulé : « Qu'est-ce que la Médecine ? », dans lequel il analyse et souligne l'inaptitude de la médecine à soulager l'humanité de ses maux. « Les maladies que nous sommes en état de guérir, au sens propre du mot, dit-il, on pourrait presque les compter sur les doigts et les médicaments exerçant une action curative spécifique tiendraient dans une pharmacie de poche. » Voilà qui est catégorique et peut se passer de commentaires.

Sir John Forbes, médecin de la reine Victoria, disait, un jour : « Certains malades guérissent grâce aux médicaments ; il en est davantage qui guérissent sans médicaments, et il y en a un plus grand nombre qui guérissent malgré les médicaments ». N'est-ce pas là la condamnation d'un système ? Mais continuons à énumérer d'autres sentences.

Dans une lettre adressée au Docteur Tissot, voici ce que lui écrivait son confrère, le Docteur Trouchein : « Je gémis du désordre du plus beau et du plus dangereux des arts. Le temps et les Arabes ont fait moins de mal à Palmyre que l'ignorance des médecins ont fait à la médecine ». Sénac, auteur de l'anatomie d'Heister, racontait que Charles II reprochait au médecin Willis de lui avoir enlevé « plus de sujets que n'aurait pu faire une armée ennemie ». Le médecin hollandais Boerhave disait : « Si l'on vient à peser mûrement le bien qu'a procuré aux hommes une poignée de fils d'Esculape, et le mal que l'immense quantité de médecins a fait au genre humain, depuis l'origine de l'art jusqu'à nos jours, on pensera sans doute qu'il serait plus avantageux qu'il n'y eut jamais eu de médecins dans le monde ».

Dans une séance de l'Académie de Médecine, le 8 janvier 1856, le professeur Malgaigne prononçait ces paroles : « Absence complète de doctrine scientifique en médecine et de principes dans l'application de l'art, empirisme partout, voilà l'état de la Médecine ». Magendie, le célèbre physiologiste, enseignait au Collège de France, en 1846, « Sachez-le bien, la maladie suit le plus habituellement sa marche sans être influencée par la médication dirigée contre elle. Si même je disais toute ma pensée, j'ajouterais que c'est surtout dans les services où la Médecine est la plus active que la mortalité est la plus considérable ». Et ces paroles de l'illustre Guy Patin : « Je le dirai à la honte de mon art, si les médecins n'étaient payés que du bien qu'ils font eux-mêmes, ils ne gagneraient pas tant ».

Soyons assurés que si Molière renaissait, sa verve pourrait, avec les mêmes raisons qu'à son époque, s'exercer aux dépens des innombrables Diafoirus et Purgon qui n'ont fait que croître et se multiplier depuis.

On pourrait objecter qu'avec les découvertes de Raspail, de Béchamp, de Pasteur, la Faculté est armée de nouvelles méthodes et que si la chimie purement médicale a fait faillite, l'opothérapie, la vaccinothérapie, la sérothérapie lui ont ramené assez de gloire pour redorer son blason. Nous allons voir que ces louanges sont loin d'être justifiées.

D'abord, quel crédit pouvons-nous accorder au fameux traitement anti-rabique de Pasteur ? Le Docteur Henri Boucher, dans une brève étude, parue sous le titre : « Les méfaits de la Science des vivisecteurs » se charge de nous répondre.

Avant la découverte et l'application de la méthode pasteurienne, il résulte, de statistiques officielles établies par Tardieu et Boulay, tous deux membres de l'Académie de Médecine, qu'il mourait annuellement, en moyenne, en France, depuis de nombreuses années, une trentaine de personnes atteintes de la rage. Depuis qu'elle est appliquée, la mortalité s'est élevée à quarante décès pour cause d'hydrophobie.

En Italie, mêmes constatations. Le Professeur Carlo Ruata, ému des nombreux décès survenant après que le traitement anti-rabique fut appliqué sur des gens ayant été mordus par des chiens suspects, entreprit des recherches. Il aboutit à ce résultat que, alors qu'il mourait, en Italie, une moyenne de 60 personnes avant l'adoption de la thérapeutique pasteurienne, il en décédait ultérieurement 85.

Le Docteur Rubinoff fit, en Russie, semblables constatations : de nombreux individus mordus par des chiens supposés enragés et cependant immédiatement traités par la dite méthode, étaient frappés de mort après que les effroyables symptômes caractéristiques de la rage se fussent manifestés.

La « Revue Médicale de l'Afrique du Nord » relatait, il y a quelques années, que de nombreux cas de rage paralytique suivis de mort avaient été constatés chez des indigènes à qui on avait cependant inoculé le fameux sérum.

A Paris, des cas typiques furent signalés. Entre autres, celui d'un garçon d'amphitbéâtre, nommé Rendu, qui s'était coupé en pratiquant l'autopsie d'un sujet mort de la rage. Il subit trois inoculations successives par mesure de précaution et mourut ensuite de rage paralytique.

Celui de Mme Robina n'est pas moins troublant. Mordue par son chien qui ne présentait cependant aucun symptôme morbide mais, malgré tout, inquiète et redoutant le pire, elle se fit traiter à l'Institut Pasteur et mourut quelque temps après, des suites de la terrible maladie, alors que son chien indûment suspecté, mourait longtemps après, de mort naturelle.

Ce sont ces faits associés à cent autres de même nature qui amenèrent le Professeur Péter à prononcer en pleine Académie de Médecine ces sentencieuses paroles : « M. Pasteur ne guérit pas la rage, il la donne ».

Les sphères médicales, le public même, semblent pénétrés de « l'immunité » que confère la vaccination anti-varioleuse. L'Angleterre étant en quelque sorte le berceau de la vaccine décréta, l'une des premières, le traitement vaccinal obligatoire. Au cours de la période de contrainte, on enregistra 41 décès d'origine variolique par million d'habitants. La proportion tomba à 7 lorsque la vaccination fut redevenue libre.

En France, pendant l'année 1907, toute la population fut soumise au traitement préventif de la variole : 2.679 succombèrent cependant des méfaits de cette maladie. De 1910 à 1912, période où il y eut un relâchement dans l'application de la méthode, dans soixante départements, la mortalité générale pour infection variolique fléchit à 172.

Récemment, la presse publiait une statistique hollandaise relatant qu'au cours de 1929, 18 individus des deux sexes étaient morts des suites de la variole cependant que 21 autres avaient succombé à l'encéphalite et à la méningo-myélo-encéphalite d'origine vaccinale. Si bien que, à la suite de ces faits, s'inspirant des conseils de médecins définitivement fixés, le ministre de l'instruction publique néerlandais a, par une circulaire, formellement interdit la vaccination des éléments scolaires et du personnel enseignant.

Que devons-nous penser du fameux sérum anti-tuberculeux du Docteur Calmette, à la suite de l'hécatombe des 73 malheureux nourrissons de Lübeck qui trouvèrent la mort quelques jours après son application ?

Et quelle attitude observerons-nous à l'égard du sérum anti-diphtérique dont le passé n'est pas plus encourageant ? Mentionnons, entre cent autres, les mortels accidents survenus aux deux fils du Professeur Laugerhaus de Berlin.

A Berlin, au cours d'une épidémie de croup, l'un des deux fils contracta une angine simple. Redoutant qu'elle ne dégénérât en angine diphtérique, le père inquiet fit appeler le Docteur Behering - l'inventeur du sérum spécifique allemand - qui vaccina préventivement le petit malade. Une fièvre violente se déclara immédiatement, accompagnée de frissons, et la mort survint rapidement. Behering, par sa magie verbale, réussit à convaincre le malheureux père que sa mirifique invention était étrangère à la mort de son fils. Si bien que, l'année suivante, une nouvelle épidémie diphtérique s'étant déclenchée dans la capitale allemande, le père infortuné n'attendit pas que quelque symptôme du mal se manifestât chez son dernier enfant ; sans plus de délibération, il lui fit inoculer le fatal vaccin. Quelques jours après, la mort, à nouveau, emportait le garçonnet, après qu'on eut observé le même processus pathogénique que dans le premier cas.

La presse du 27 janvier 1933 enregistra, par une indiscrétion vivement réprimée, les accidents morbides ayant affecté 172 enfants venant d'être soumis au traitement préventif de l'anatoxine du Docteur Ramon. Un enfant décéda même des suites de cette intoxication. Le lendemain de cette nouvelle, un adroit communiqué réduisait le nombre des victimes, en laissant toutefois subsister le décès, et mettant sur le compte de souillures vaccinales intempestives la cause de ces troubles.

En conclusion de ce qui précède, nous estimerons donc, en accord parfait avec les Docteurs Boucher, Durville, Carton, et tous les médecins, savants et hygiénistes hostiles à cette thérapeutique d'inoculation que l'introduction dans l'organisme de virus, même à virulence atténuée, est une hérésie si l'on considère quelles substances morbides ils tiennent en suspension. Poisons chimiques, opothérapiques ou sérothérapiques, ne peuvent remédier ni s'opposer aux situations déficientes en apportant avec eux des éléments corrupteurs et perturbateurs. Ils contribuent, au contraire, à précipiter l'effondrement des résistances organiques en faussant par surcroît le jeu des automatismes de défense. Les statistiques truquées des mythomanes cyniques, avides de gains et d'honneurs, susceptibles de fausser le jugement de gens mal informés ne peuvent abuser les esprits avisés ni les chercheurs préoccupés de faits. Et ceux-ci sont là, irrécusables : une mortalité effrénée et affirmant un crescendo inquiétant.

Si, parmi l'élément médical, les ânes bâtés du doctorat persistent sincèrement dans de regrettables et funestes errements et contribuent par ignorance ou négligence, aussi par incompréhension des phénomènes naturels, à envoyer au trépas une humanité toujours soumise au bouillon de culture de la bêtise, c'est en toute conscience que les affairistes de la corporation - mercantis diplômés - cultivent, dans le public crédule, le magnifique et productif jardin des préjugés. N'oublions pas que les intérêts du médecin et du malade présumé sont antagoniques. Que les maladies disparaissent parce qu'on aura vaincu leurs causes, et c'en est fait de ces honoraires princiers qu'il soutire au patient. Eclairer la masse des profanes sur les raisons profondes de ses souffrances et mettre à sa portée les moyens - simples en eux-mêmes - propres à y remédier, ce serait tarir les sources d'une réjouissante fortune. Aussi, tant que l'aisance - et les appétits de richesse - du morticole dépendra de la maladie... et des malades, nous ne pouvons guère espérer en sa sincérité, ni en son désintéressement. Nous devons même reconnaître, pour être équitable, que les modalités d'un état social, sur lequel pèsent l'intérêt et le lucre, le contraignent souvent à oeuvrer dans ce sens immoral. Ce n'est pas lui seul, mais toute la collectivité qui est responsable des maux causés par les fils d'Esculape.

Dans une société intelligente, les honoraires médicaux devraient, au moins, non pas croître au prorata des maladies, mais, au contraire, accompagner la santé conservée. L'intérêt du médecin aurait ainsi un stimulant profitable au bien-être général....

Mais, sans attendre ces temps peut-être utopiques, il faut nous garder avec soin des manoeuvres de praticiens « à la page », et nous tourner vers les enseignements des vrais apôtres de la médecine qui, de tous temps, se sont efforcés d'éclairer l'objectif à atteindre ...

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D'ailleurs, sont-ce véritablement et uniquement les microbes et bactéries qu'il faut incriminer dans la genèse et la diffusion de la plupart des maladies ? Ou n'est-ce pas plutôt l'effondrement de nos immunités naturelles, par suite d'erreurs répétées qui nous exposent à l'emprise maléfique des infiniments petits ? ..

La cuti-réaction démontre que, la race nègre exceptée, tous les humains hébergent le bacille de Koch à partir de la première quinzaine ou du premier mois de la naissance. Le colibacille est le commensal habituel, permanent et inoffensif de notre intestin. Le pneumocoque, le streptocoque, le staphylocoque, etc., sont les hôtes coutumiers de notre bouche, de notre épiderme. Le vibrion cholérique se réfugie parfois dans le tube digestif de certains individus sans occasionner de dommage, etc., etc. Tous ces parasites microscopiques vivent habituellement en saprophytes inoffensifs, à l'état de symbiose, en parfaite harmonie avec les organismes porteurs et sustentateurs, tant que l'aptitude défensive de ceux-ci demeure intacte. Nous sommes donc contraints d'admettre que ce ne peut être qu'à la faveur d'une réduction de notre système de défense, de l'affaiblissement du « terrain », que l'offensive microbienne, qui se traduit par des affections polymorphes, peut être déclenchée... Il importe donc de connaître les raisons profondes de cette décadence vitale qui nous livre, pieds et poings liés, à nos redoutables et minuscules adversaires.

Demandons-nous d'abord pour quelles raisons les animaux sauvages, qui sont exposés nuit et jour et en toutes saisons, aux douloureuses intempéries jouissent d'une magnifique santé. Parce que, à l'encontre de l'homme, ils obéissent passivement aux lois naturelles qui les régissent. L'herbivore n'ira pas emprunter au régime carné tout ou partie de son indispensable ration. Et c'est à l'abreuvoir fluvial qu'il ira étancher sa soif. Constitué pour la vie au grand air, il ignore les désastreux effets du calfeutrement. La satisfaction de ses besoins, le souci de sa sécurité l'astreignent à une activité constante qui met en jeu la totalité de son appareil musculaire interne et externe et le soustrait à cette redoutable inertie dans laquelle se complaisent la plupart des humains, particulièrement les civilisés.

Certes ! il n'est nullement question de restituer à notre bipède, la dure et pénible existence ancestrale propre à l'ancêtre des cavernes ; il est cependant urgent qu'il connaisse et pratique au moins les rudiments d'un comportement très différent de celui qu'il a, de longue date, cultivé. L'alcoolisme gradué et polychrome est, au premier chef, préjudiciable à sa santé. On ne sait en vertu de quelle aberration, de quelle altération du goût, il abandonna l'eau pure des sources pour les aigres et corrosifs breuvages qualifiés - ô ironie ! - d'hygiéniques. Il est certain qu'à elle seule, cette malfaisante habitude doit être tenue pour comptable de bien des catastrophes. La proportion des décès, en général, et l'énorme mortalité tuberculeuse, en particulier, sont rigoureusement liées à l'importance de la consommation des boissons alcooliques. La France, par exemple, qui s'est approprié l'effarant record de cette consommation avec 24 litres d'alcool absolu par an et par individu (chiffre qui laisse de côté les « suppléments » clandestins des bouilleurs de cru) détient, non seulement le record de la mortalité, mais aussi celui des décès d'origine tuberculeuse, avec le chiffre annuel de 150.000. La Hollande, au contraire, qui a vu décroître la consommation nationale du meurtrier breuvage (elle n'est plus, aujourd'hui, que de 2 litres, annuellement, par tête d'habitant), est le pays d'Europe où la mortalité est la plus faible. L'Angleterre qui a entrepris une lutte systématique contre l'alcoolisme et qui a vu la consommation de l'alcool passer de 10 litres à 7 litres par unité et par an, a bénéficié non seulement d'une amélioration générale de la santé, mais a enregistré une diminution du chiffre des décès, pour cause de tuberculose, qui, de 50.000 par an, a fléchi jusqu'à 35.000.

Voici quelques documents puisés dans le livre des Docteurs Sérieux et Mathieu : « L'Alcool » (édition Coste), établissant à quels dangers expose l'alcoolisme, même modéré, représenté par exemple, par une consommation d'un verre de vin par repas. Ils sont extraits de bilans obtenus par certaines sociétés « d'assurances sur la vie » anglaises, pour l'obtention de bases sérieuses ayant trait à leurs opérations financières. Leur impartialité ne fait, par conséquent, aucun doute.

Mortalité des assurés sur la vie de la Cie « Sceptre », pendant les années 1884 à 1889 :

Morts calculées Morts effectives Pourcentage

Section des abstinents....... 249 143 52,42

Section générale,

tempérants et buveurs...... 569 434 76,27

Il est à noter que le « Sceptre » assure surtout des personnes religieuses et que, par conséquent, la section générale contient presque exclusivement des tempérants.

Mortalité des assurés sur la vie de la Cie « Tempérance and General Providente Institution » de 1866 à 1881 :

Morts calculées Morts effectives Pourcentage

Section générale.............. 4.080 4.014 99 %

Section des abstinents............ 2.418 1.704 70 %

Donc 29 p. 100 de cas de mort de moins chez les abstinents. Aussi certaines compagnies anglaises, américaines et canadiennes accordent-elles des réductions sur les primes à payer par les clients abstinents, qui atteignent jusqu'à 25 p. 100 et elles trouvent encore un bénéfice dans cette initiative.

Ces constatations sont corroborées par ce qui suit. Le Docteur Meller a comparé les opérations, durant cinq années consécutives, de deux sociétés de secours mutuels, l'une n'admettant que des abstinents, l'autre comprenant abstinents et non abstinents, mais refusant les alcooliques fieffés. Les abstinents ne donnaient que 17 jours 12 heures de maladie ; dans la seconde, la moyenne atteignait 65 jours 15 heures.

Ci-dessous, également, une statistique anglaise publiant les chiffres proportionnels de la mortalité sur mille habitants. Elle date de 20 à 30 ans environ. Membres du clergé : 8,05 ; agriculteurs : 9,78 ; brasseurs : 21,09 ; cabaretiers : 23,57 ; domestiques de cafés et d'hôtel : 34,15.

Voici donc, par quelques aperçus, établi le rôle néfaste joué dans l'économie organique par l'insidieux alcool, même consommé modérément. Malgré son rôle prépondérant, il trouve dans d'autres breuvages tels que le café, le thé, le chocolat qui contiennent chacun un excitant toxique, des auxiliaires précieux de dégénérescence. L'alimentation carnée (voir nourriture, végétalisme, végétarisme) génératrice de toxines, de fermentations intestinales putrides, d'acide urique, etc., contribue elle aussi puissamment à faire, de l'homme frugivore, une proie facile pour la secte bactérienne. Mais il est un autre facteur de morbidité ignoré de nombre de personnes et qui cependant intervient activement dans l'affaiblissement progressif de nos défenses, si nous n'avons le souci d'y remédier : l'air confiné. Peu de gens soupçonnent l'influence capitale exercée par l'oxygène dans le jeu vital. L'homme qui en serait cependant totalement privé pendant quelques minutes seulement serait irrémédiablement condamné. C'est grâce à ce précieux comburant (qui pénètre par osmose au travers des parois pulmonaires et qui se trouve charrié par les globules rouges du sang) que l'organisme entier est copieusement ravitaillé. Combiné au carbone d'origine alimentaire, il pourvoit l'immense réseau nerveux et musculaire en énergie thermo-dynamique, intellectuelle et physique. Il assure, par surcroît, par combustion, la destruction de certains déchets organiques dont l'accumulation constituerait un danger redoutable pour les fonctions normales. Il importe donc au plus haut point, de ne pas limiter ses apports et, pour cela, de renouveler le plus possible, jour et nuit, l'air des appartements. C'est d'ailleurs au cours de la portion nocturne de la journée que l'aération des locaux habités est le plus facile à réaliser (et ce, l'hiver comme l'été : il suffit de se couvrir en conséquence). C'est d'ailleurs grâce à cette louable pratique de l'aération continue que préventoria et sanatoria obtiennent une amélioration notable de maints hospitalisés. Il sera d'ailleurs facile de s'imaginer à quels dangers on s'expose à respirer constamment un air pollué par la respiration, lorsque l'on saura que l'eau de condensation provenant de l'expiration pulmonaire tue infailliblement l'animal auquel elle est injectée.

L'hydrothérapie fait partie intégrante des mesures préventives et curatives d'hygiène susceptibles de maintenir intactes ou de les renforcer en cas d'affaiblissement, nos immunités naturelles. Sachons nous rappeler que notre épiderme fait partie de notre système respiratoire et qu'un quart environ de la somme totale d'oxygène absorbé pénètre dans l'organisme par voie cutanée. En revanche, de nombreux déchets toxiques provenant de la désassimilation sont expulsés par les conduits épidermiques qui parviendraient, en cas de malpropreté systématique, soit à être partiellement résorbés, soit à obstruer l'orifice des pores par où se font ces intéressants échanges. Tous les animaux à qui l'on supprime la respiration de la peau, par l'application d'un enduit obturant tel que le goudron, par exemple, périssent par asphyxie et par intoxication. Les ablutions générales fréquentes, quotidiennes même, constitueront donc une excellente mesure complémentaire au service de la santé, en débarrassant l'épiderme des sédiments qui l'enduisent et chatouillent désagréablement l'odorat.

Une gymnastique (voir : culture physique) rationnelle s'imposera donc, afin de pallier au danger du sédentarisme actuel, rendu de plus en plus fréquent et plus complet du fait du développement du machinisme, des moyens de locomotion mécaniques, par suite aussi de la spécialisation du travail, de l'existence de professions où l'effort musculaire est réduit à zéro (employé de bureau, écrivain, etc.). Si l'on peut compléter cette mesure par la pratique d'un ou plusieurs sports dépourvus de brutalité, tels que : marche, course, natation, saut, gymnastique d'agrès, la réception microbienne sera virtuellement vaincue. Les malingres, les chétifs, les tarés congénitaux dotés d'une désastreuse hérédité pourront briguer, à bien des titres, une rassurante santé.

L'exposition à l'air libre de la peau, pratiquée le plus fréquemment possible (voir nudisme), agrémentée d'un convenable et judicieux ensoleillement, lorsque les conditions atmosphériques et climatériques le permettent, complèteront admirablement cette cure d'ensemble. Les enfants surtout, au cours de leur développement physique, seront les bénéficiaires particulièrement privilégiés de l'influence solaire. D'incroyables cures de régénération infantile ont été obtenues sur des sujets atteints de rachitisme, d'anémie, de prétuberculose, etc.., par le nudisme et l'héliothérapie combinés. Une prudente progressivité présidera à l'adaptation ainsi, d'ailleurs, que pour chaque méthode innovatrice en matière d'hygiène. Il est nécessaire de tenir compte d'une foule de considérations dans l'application de chacune d'elles : des idiosyncrasies personnelles, de l'hérédité, des tares congénitales ou acquises qui influent diversement selon les possibilités de réaction et d'adaptation individuelles. C'est au médecin, au conseiller hygiéniste, à toute personne chargée de cette complexe réalisation, à faire intervenir souplesse éclairée et mesure dans leur appel aux nouveaux agents régénérateurs. Mais tous ont à gagner à l'introduction d'une sage méthode naturiste. Quelques faits suggestifs, entre mille, contribueront, mieux que les plus brillantes dissertations, à souligner l'importance du respect de certaines règles hygiéniques.

Mme Boussard, la mère de l'auteur du « Tour du Monde d'un Gamin de Paris », fut atteinte, à l'âge de 36 ans, d'une très grave maladie du foie qui faillit l'emporter. Sur les conseils de Lamartine, elle adopta le régime végétarien et mourut, sans récidive et sans autre accident, à l'âge de 106 ans. Elle attribuait, d'ailleurs, sa longévité au régime qu'elle avait adopté.

L'anecdote suivante n'est pas moins curieusement caractéristique : le Docteur Huchard était parvenu, grâce à la diète végétarienne, à sauver un homme fort mal en point. Il se portait admirablement bien depuis dix-huit mois, lorsqu'un beau jour, il eut la fâcheuse idée, étant entré dans un restaurant, de commander de la langouste et du gibier. Le jour même, il dut réintégrer l'hôpital, atteint de troubles caractéristiques d'intoxication d'origine alimentaire et il mourut quelques jours après, des suites de son imprudence.

Evidemment, tous les faits ne sont pas identiques, tous les cas n'ont pas le même processus et chaque erreur, chaque imprudence ne comporte pas semblables sanctions pathogéniques. Mais les petits ruisseaux font les grands fleuves ; les plus minimes écarts, les plus insignifiants manquements parviennent, totalisés, à une somme imposante susceptible, à la longue, d'influer fâcheusement sur la santé. D'autre part, il serait absurde d'imaginer que chacun est en droit de briguer le centenariat, sous le puéril prétexte d'un rigoureux et permanent respect de toutes les prescriptions d'hygiène. Mais leur judicieuse observation permet à celui que le destin a fait hériter d'une hérédité déficitaire d'en soulever assez le redoutable poids pour assurer à son existence, le gain de nombreuses années sereines. Au contraire, l'inconscient qui dilapide son capital-santé par une conduite absurde s'acheminera inéluctablement au tombeau, dès cet âge chanté par le poète et où la vie magnifique ne devrait lui prodiguer que des sourires .... Combien de bambins, d'adolescents, d'adultes enfin, tués prématurément qui eussent pu ou qui pourraient jouir d'une longue et paisible existence, s'ils avaient été soumis à une judicieuse et supportable discipline, s'ils avaient connu et observé les principes essentiels qui constituent une règle intelligente de vie ! « L'homme ne meurt pas, il se tue », affirmait Sénèque, au lointain des siècles, dénonçant dans sa clairvoyance attristée, les énormes bévues de l'humanité. Aujourd'hui, comme au temps de Néron, la sentence a conservé sa dure exactitude.

Ah certes ! nous ne l'ignorons pas, ce n'est pas sans efforts, sans lutter contre soi-même, contre les mille tentations quotidiennes que l'homme parvient à triompher de l'atavisme, de l'éducation, des habitudes tenaces. Mais la volonté s'acquiert, se développe au cours de ces multiples combats et permet bien d'orgueilleux retours sur soi-même. A son aide viendra aussi l'autosuggestion, si secourable lorsqu'elle est invoquée opportunément. Il faut bien se pénétrer qu'à la base de toute réalisation individuelle, qu'elle soit d'ordre physiologique ou social, le principe du refoulement est acquis. L'individu ne peut espérer instaurer des harmonies sans réagir contre l'ancestrale bestialité qui somnole en chacun de nous. Il n'est pas d'autonomie personnelle qui se conçoive sans que la poigne souveraine de la volonté ne maîtrise les sourds élans de l'instinct, les soubresauts du subconscient. Il importe par dessus tout que chacun soit son propre législateur, l'ordonnateur de sa loi. Mais si l'être humain, véritable cellule sociale, est impuissant à commander à ses comportements passionnels, si ses instincts étroits - individuels ou sociaux - dominent ses décisions, c'en est fait du doux rêve poétique du bonheur par l'entr'aide, d'une existence sérieuse faite du respect mutuel des droits de chacun.

Celui qui a conscience de ces conditions, qui est pénétré de la nécessité d'une forte personnalité sociale ne peut donc - dans le domaine de la santé comme ailleurs - délibérément récuser la valeur de cette méthode de contrôle averti et volontaire sans laquelle rien ne peut subsister d'objectif et de durable. Et, à l'introduire dans son existence, il goûtera cette satisfaction délicieuse de jouir de la plénitude de ses moyens physiques et intellectuels ; et il s'assurera à la fois l'équilibre qui garantit la durée du bonheur et la longévité qui le couronne. 

- J. MÉLINE.

BIBLIOGRAPHIE. - La Cure naturiste (Dr Durville) ; Rajeunir (Phusis) ; Le Naturisme intégral (J. Demarquette) ; Le Décalogue de la Santé (Dr Carton) ; Enseignement et traitement naturiste pratique : 1ère, 2ème et 3ème séries (Dr Carton) ; L'éducation physique ou l'entraînement complet par la méthode naturelle (G. Hébert), ainsi que les ouvrages mentionnés aux bibliographies de « nourriture, culture physique, végétarisme, végétalisme, etc... ». Revues à consulter : Naturisme, Régénération, Vivre, Rajeunir, etc...