SCHISME
n. m.
D’un mot grec qui désigne ce qui est fendu, séparé. Étymologiquement,
le même sens que scission, qui vient du latin. Mais schisme ne
s’emploie qu’en matière religieuse.
Il se produit des schismes dans toutes les religions qui comptent de
nombreux fidèles. Le plus ancien schisme que nous connaissions est le
Boudhisme. Le second est celui des Samaritains. Le troisième grand
schisme est le christianisme détaché du judaïsme. Simple schisme
d’abord, le christianisme commença, avec Saint Paul, à devenir la plus
vaste des hérésies. (Le schisme est une séparation de la communion,
mais non de l’essentiel de la doctrine. L’hérésie porte sur la
doctrine. Toute hérésie s’accompagne de schisme. Le schisme peut ne pas
s’accompagner d’hérésie.)
On m’assure que le schisme des Samaritains existe toujours. Les
Samaritains sont, paraît-il, plus sévères que les autres Juifs dans
l’observation des fêtes. Ils rejettent toute l’Écriture moins le
Pentateuque. Ils s’obstinent à l’écrire en caractères archaïques et
refusent d’employer les points voyelles.
Le fameux schisme des Grecs, commencé sous le patriarche Photius,
devenu définitif sous Cérulaire, n’eut guère d’autre cause que les
ambitions rivales des évêques de Rome et de Constantinople. Le romain,
sous le titre de pape, prétendait gouverner toute l’Église chrétienne ;
le byzantin, sous le titre de Patriarche œcuménique et universel, avait
la même prétention.
L’Église d’Occident était d’ailleurs devenue hérétique en faisant, par
une addition sournoise, procéder le Saint-Esprit du Père et du Fils,
contrairement à la doctrine du Concile de Nicée, qui le fait procéder
du Père seul. Comme celui qui procède est exactement aussi éternel que
celui ou ceux dont il procède les mots n’ont aucun sens et, dans de
tels cas, les divisions deviennent irréparables. En outre, l’Église
latine consacre du pain sans levain et l’Église grecque du pain
ordinaire. Il y a là de quoi se haïr éternellement.
Les Arméniens sont-ils hérétiques ou schismatiques ? Rome leur donne
ordinairement ce dernier titre quoiqu’ils rejettent le Concile de
Chalcédoine et ces deux natures qui en Jésus font, pour les orthodoxes,
une seule personne. Pour l’Arménien, unité de nature comme de personne,
ce qui est proprement l’hérésie des Eutychiens ou Monophysites. Mais le
grand crime des Arméniens, c’est que leurs prêtres, pour affirmer la
nature unique de Jésus-Christ, ne mettent pas, au moment de la
consécration, quelques gouttes d’eau dans leur vin.
Par la dogmatique, la religion anglicane se sépare si peu de la secte
romaine qu’on parle plutôt du schisme d’Angleterre que d’une hérésie.
Le Grand Schisme d’Occident établit des papes concurrents à Avignon, à
Rome et même quelque temps à Perpignan. On n’en sortit, et
difficilement, et après beaucoup de salive, d’encre et de sang
répandus, que parce que le Concile était alors supérieur au pape. Si
les papes avaient déjà été supérieurs, le concile de Constance n’aurait
pu déposer l’infaillible Jean XXIII(1) et l’infaillible Benoît XIII, pour
les remplacer par son élu Martin V.
Nous jouirions toujours de deux ou trois papes et, au lieu de faire la
guerre au nom des Patries, nous aurions le plaisir, sans doute, de nous
entretuer au nom des Obédiences.
Han RYNER.
(1) Note du numériseur : il n’est pas impossible que ce texte comporte une erreur quant au nom des papes, car Han Ryner ne peut pas parler du Jean XXIII que nous avons connu dans les années soixante, et il est peu probable que deux papes aient pu porter le même numéro.