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SECTE n. f. lat. secta, de sectari, suivre

« Ensemble de personnes qui poursuivent un même but et professent une même doctrine : la secte d’Epicure ; ensemble de ceux qui se sont détachés d’une communion religieuse : la secte des luthériens, des anabaptistes. » Telle est simple et sommaire, l’explication de ces trois mots par le Petit Dictionnaire Larousse. Et le Grand d’abord à produire n’en dit guère plus.

Pour nous, il y a lieu, sur ce sujet, de s’étendre davantage.

Nous comprenons par sectaire le qualificatif d’un individu qui ne supporte pas facilement la contradiction.

Il en est de même des intolérants n’admettant aucune critique à leurs idées, aucune attaque à leurs dogmes.

Ordinairement acariâtres ou pédants, il ne fait pas bon de discuter avec eux. Rancuniers, ils ne pardonnent pas qu’on ose toucher à ce qu’ils ont une fois établi comme article de foi. C’est le dogme admis, soutenu, proclamé, indiscutable, imposé.

Qui de nous n’a eu devant lui, dans les groupes sociaux divers, philosophiques ou politiques, voire même au syndicat ou à la coopérative, de ces maniaques et maladifs auxquels tous et chacun sont aliment à leur âpre critique, à leur impitoyable jugement, quoi qu’ils disent, écrivent ou fassent ?

Souvent, avec une mentalité de concierge ou de bedeau, ils ont tendance à pontifier, à jouer aux chefs de groupes, aux donneurs de conseils et ne sont en réalité que des pions insipides ne manquant peut-être pas d’intelligence, mais l’employant à médire, calomnier tousceux qui ne sont pas de leur secte.

Leur influence est parfois redoutable, car ils insinuent avec une telle opiniâtreté ou accusent avec une telle hypocrisie, en sachant feindre la sincérité, qu’ils établissent de fausses réputations en s’appuyant sur des ragots ou des exagérations de leur imagination. Au besoin, ils n’affirment jamais, mais ils font planer ou sèment le soupçon.

Quant à prendre la responsabilité de l’acceptation d’un poste en vue, ils préfèrent s’abriter derrière une fausse modestie et continuer de jeter dans les rangs qui marchent vers un but quelconque d’affranchissement, partiel ou total, le découragement par la défiance, l’impuissance par la division. De tous les éléments qui composent un groupe, ce sont les plus dissolvants.

Avec le temps, et suivant les circonstances, la plupart de ces tristes individus, un beau jour, disparaissent, quand le dégoût qu’ils ont inspiré leur rend la vie impossible ou dangereuse et si leurs intérêts semblent compromis.

Le ratelier garni et garanti leur est-il enfin offert ? Ils ne s’y refusent point ; ils s’y installent. Mais, alors, ils se posent en victimes désabusées de leur dévouement à la cause ; en militants trop désintéressés et trop longtemps méconnus ; en clairvoyants impuissants, devant l’ignorance éternelle des masses ! Voilà dépeinte une secte néfaste chez nous.

En vérité, le sectarisme n’a pas existé seulement parmi les religieux, mais aussi parmi les autres groupements et même les groupements révolutionnaires. Il y eut les sectaires de la Terreur.

Mais, nous ne devons pas confondre le sectarisme et l’hérésie ; car l’hérésie était toute doctrine non conforme à l’enseignement même de l’Eglise et l’hérétique ne devenait sectaire qu’au moment où il persistait dans sa doctrine et se séparait de l’Eglise.

Aujourd’hui, le sectaire, heureusement, n’est pas toujours l’individu antipathique présenté plus haut. Ce peut être un individu, au contraire, très sympathique, ayant des idées particulières, une vie spéciale, une originalité enfin, qui le met en dehors de la généralité de ceux qui ont sur les principaux points de vue d’une certaine philosophie, une opinion semblable, une mentalité pareille, un idéal commun, une doctrine identique ; en un mot il n’est pas un adversaire : il est lui-même et n’accepte pas la manière de voir, de comprendre et de vivre de tous les autres, tout en conservant la prise de contact, en une philosophie qui est et qui reste la sienne, au moins dans son but comme dans son origine négative. Exemple : Parmi les anarchistes, n’y a-t-il pas les groupes différents depuis les libertaires syndicalistes jusqu’aux individualistes anarchistes ? Ni les uns ni les autres, parmi eux, ne prétendent posséder l’indiscutable vérité. Mais chacun cherche à acquérir, selon ses moyens sociaux, intellectuels et moraux, le plus possible de vérités le rapprochant de l’idée qu’il se fait de la perfection de l’individu dans la vie.

Nul ne peut dire qu’il possède la Vérité absolue, et c’est pourquoi chacun la recherche. C’est aussi pourquoi le sectarisme anarchiste n’existe pas, malgré les sectaires que paraissent être les individualistes quand ils font bande à part et recrutent, par la propagande écrite, parlée, vécue, des adhérents à leurs doctrines, des partisans à leur secte.

Il y eut des sectateurs en tous temps, c’est-à-dire des partisans enthousiastes, déclarés d’un système, d’une opinion, d’une secte. Il y en a aujourd’hui, dans tous les genres de groupements.

Il importe pour notre point de vue, qu’il n’y ait point confusion entre l’individu libre de lui-même et de ses idées, les propageant de son mieux surtout par son exemple et par sa conviction et l’individu de tempérament spécial se complaisant maladivement à désunir ce qui est uni, à mésallier ce qui est allié, tendant toujours à jeter le trouble où il y a l’entente et la haine où il y a l’accord. Traiter le premier de sectaire puisqu’il fait secte est le mot juste, presque l’éloge. Mais traiter le second du même qualificatif, c’est alors, pour nous, l’injurier selon son mérite.

Georges Yvetot