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STÉRILITÉ (n. f.) du latin Sterilitas, même sens

Le fait de ne pas se reproduire, de ne pas porter de fruit : un terrain stérile, un esprit stérile. Chez les animaux et chez l'homme, le fait de ne pas enfanter. « La métaphysique est comme une vierge consacrée à Dieu ; elle n'enfante rien » (Bacon).

La stérilité peut être pathologique; chez l'homme, ses causes sont la criptorchidie, arrêt du développement des testicules, la tuberculose et le cancer du testicule. Les blennorragies répétées suivies d'épidydimites et d'orchites amènent la stérilité. Chez la femme, le vaginisme, état nerveux qui empêche tout rapport sexuel, les métrites et salpingites, certains fibromes qui, remplissant la cavité utérine, ne laissent pas de place pour l'œuf, l'insuffisance odonienne, caractérisée par des règles peu abondantes, les kystes et tumeurs de l'ovaire. La stérilité pathologique est peu fréquente. C'est une erreur de croire, comme le feignent certains auteurs, à un abâtardissement de la race qui amènerait la stérilité. La grande cause de dénatalité d'un pays est la stérilité volontaire.

La stérilité volontaire est une conquête de la civilisation. L'homme primitif subit la nature, les peuples civilisés l'adaptent à leur commodité. Néanmoins, les peuples sauvages savent provoquer la stérilité. Des négresses pratiquent l'avortement au moyen d'une tige de bambou introduite dans la matrice. Dans la Russie tsariste, les paysans faisaient avorter les filles qui avaient fauté en les frappant violemment au ventre. Le plus souvent, ils tuaient la mère en même temps que le fœtus.

La civilisation a trouvé des moyens moins brutaux. Les préjugés religieux, qui empêchaient les peuples de regarder en face les choses sexuelles, disparaissent peu à peu et l'avortement, en dépit d'une légalité anachronique, s'étend de plus en plus. II y en aurait, paraît-il, un million par an pour la France.

Plus générale que l'avortement est la restriction volontaire des naissances ; ce que les Anglais appellent le bearth control. On empêche, par des moyens divers, le spermatozoïde de rencontrer l'ovule. L'homme pratique l'acte bref ; la liqueur spermatique est émise au dehors, ou bien il recouvre la verge d'un condom. La femme s'efforce d'obturer par divers procédés : éponges, pessaires, etc. l'orifice utérin. Certaines se contentent d'uriner après l'acte; la liqueur spermatique, accumulée dans le vagin, tombe par l'effet de la pesanteur. Un autre moyen consiste à faire de grands lavages de la cavité vaginale avec une eau additionnée de produits spermaticides.

Un médecin allemand a trouvé, récemment, le moyen de produire la stérilité en introduisant dans l'utérus un anneau en argent flexible. Replié pour franchir le col, l'anneau reprend sa forme dans la cavité utérine. L'utérus se contracte pour l'expulser mais n'y parvient pas et ces contractions continuelles rendent impossible à l'œuf fécondé de se fixer à la paroi. Lorsque la femme désire un enfant, elle fait enlever l'anneau ; la grossesse redevient possible.

Tous les moyens de stérilisation sont aléatoires. On n'arrive au succès qu'à force d'attention et de soins. C'est pourquoi la bourgeoisie réussit mieux que la classe ouvrière à limiter sa fécondité. Chez les ouvriers, le logement exigu et sans confort, l'indolence, l'ignorance rendent la stérilité difficile à obtenir. Seul l'anneau d'argent serait efficace, mais ce moyen n'est pas il la portée de la classe ouvrière, II faut un médecin pour placer l'anneau; c'est une opération illégale et naturellement, ceux qui la font demandent très cher.

La stérilité, tout au moins la stérilité partielle, peut permettre à la femme une vie intéressante. La fécondité excessive fatigue le corps et l'intelligence s'en ressent. Le ventre se flétrit, la. peau affaissée tombe devant les cuisses comme un tablier  : les seins se fanent et tombent sur le ventre, les jambes se couvrent de varices qui rendent la marche difficile  : l'utérus, fatigué de porter constamment des grossesses, se relâche, il fait issue hors du vagin et pend entre les jambes, faisant de la femme une véritable infirme. Les préjugés sont encore tels, même en médecine, que les chirurgiens hésitent à enlever ce misérable organe qui ne fait que gêner et ne servira plus à rien, si ce n'est à tuer la femme par un cancer qui a les plus grandes chances de survenir.

Toutes les religions ont proscrit la stérilité. Chez la plupart des primitifs, la femme est esclave, sa seule raison d'être est la procréation de l'homme. Aussi la femme stérile est-elle considérée comme un être inutile. L'homme la tue ; tout au moins il la répudie et en prend une autre. Dans l'Islam, la mère d'un garçon porte orgueilleusement un croissant à sa coiffure ; elle croit avoir fait son devoir et son entourage pense comme elle. Ces mœurs barbares n'ont pas disparu. Pendant des siècles, la femme stérile était considérée comme abandonnée de Dieu ; la famille la persécutait. Aussi allait-elle dans les sanctuaires à miracles demander à Dieu la grâce de devenir féconde. L'orgueil de caste et de famille s'ajoute au préjugé religieux pour proscrire la stérilité. Pour continuer le titre, le nom, il faut un enfant, surtout un garçon.

Il ne faut pas croire que nous fassions la peinture d'une mentalité révolue. Elle subsiste encore aujourd'hui, même chez des gens prétendus avancés. Dans Fécondité, de Zola, l'épouse stérile n'est pas répudiée : mais le mari lui adjoint une concubine qui, elle, a des enfants. Tout le monde approuve ce polygame par nécessité ; la femme légitime elle-même fait taire sa jalousie.

II est à noter que, le plus souvent, la stérilité de la femme a l'homme pour cause. La blennorragie, relativement bénigne pour lui, est grave pour elle ; elle provoque la métrite et la salpingite qui entraînent la stérilité. La vasectomie, sorte d'avortement masculin est une opération qui consiste à couper le canal déférent qui conduit la liqueur spermatique. Les rapports sexuels demeurent possibles, mais ils sont inféconds et le testicule, soustrait à la fonction spermatique, n'en acquiert que plus de valeur comme glande endocrine : il répand dans tout l'organisme ses principes dynamogènes.

La vasectomie serait un moyen très commode de stérilisation. La préservation féminine est difficile : l'avortement peut être dangereux ; seule la section du canal déférent permet l'amour sans inquiétude. Mais elle n'est pas encore entrée dans les mœurs. Son seul inconvénient est d'être irréparable. Plusieurs pays : les Etats-Unis, la Suisse ont pratiqué la vasectomie sur les aliénés et les criminels. Pour les aliénés, cela peut s'admettre. D'abord ils sont inconscients et ensuite il est bon de les empêcher de procréer des malheureux qui, fous ou demi-fous, traîneront une existence misérable.

En ce qui concerne les criminels, il y a abus de pouvoir. Et la raison d'Etat n'est pas à invoquer, car le crime n'est pas héréditaire. Sa cause la plus fréquente est non pas une hérédité morbide, mais les difficultés de la vie dans une société mal organisée. ­ 

- Doctoresse PELLETIER.