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SURVIE n. f. 

Il n'est pas de mensonge plus cher aux nations occidentales que celui d'une survie pour la personne humaine, d'une existence individuelle continuée après la mort. Rien n'est épargné pour faire croire aux humbles qu'un sort meilleur les attend par-delà la tombe, s'ils obéissent docilement ici-bas à tous leurs maîtres, petits et grands. Fortement soutenus par les autorités civiles, seuls chargés d'instruire la jeunesse et de façonner l'opinion, les prêtres réussirent longtemps, chez nous, à maintenir la croyance à un enfer et à un ciel dont ils donnaient, sans rire, les descriptions minutieuses. Mais ces gendarmes spirituels ont beaucoup perdu de leur prestige, depuis que les peuples devenus plus défiants refusent de les prendre au sérieux. Aussi, les pouvoirs civils leur ont-ils adjoint des équipes de philosophes, d'écrivains, voire de farceurs ou de malades, qui, sans admettre les dogmes absurdes de la théologie chrétienne, déclarent que l'âme humaine demeure vivante, même après la disparition du corps. Comme la Royauté et l'Empire, la Troisième République réserve à des philosophes spiritualistes les principales chaires de ses grandes écoles. Un Paul Janet, un Caro, phraseurs aujourd'hui universellement méprisés, furent les oracles du monde universitaire à la fin du XIXème siècle. Ils cédèrent la place à l'insignifiant Boutroux et à Bergson, la fine mouche, dont l'alchimie verbale devait éblouir les bourgeois du XXème siècle commençant. Un Brunschvicg, leur digne successeur, s'imagine qu'il a dit des choses profondes quand il a pondu une phrase obscure et alambiquée ; il trône en Sorbonne à notre époque, soucieux avant tout de plaire aux maîtres de l'heure quels qu'ils soient. Aidé par d'autres pontifes, il endoctrine une jeunesse avide de parchemins. Les romanciers gâteux de l'Académie diluent les formules du nouveau spiritualisme dans de fades volumes destinés au grand public. De leur côté, spirites, théosophes, médiums et sorciers divers se jettent sur le troupeau des gens crédules en quête d'un nouveau messie. Thaumaturges, voyants, mages, instructeurs se multiplient d'une façon invraisemblable ; et la variété de leurs doctrines, leurs chicanes, les injures et les reproches qu'ils s'adressent mutuellement ne les empêchent pas de tomber d'accord pour affirmer, conformément aux directives des chefs de la police bourgeoise, que l'âme survit après la mort. A cette condition seulement, ils ont droit d'ouvrir boutique et de monnayer les mystérieux pouvoirs qui les élèvent au-dessus de l'humanité ordinaire. C'est en 1877 qu'une obédience maçonnique, celle du Grand Orient de France, cessa de rendre obligatoire pour ses membres la croyance au Grand Architecte de l'Univers et à l'immortalité de l'âme. Mais les obédiences étrangères, en particulier la Grande Loge d'Angleterre, rompirent immédiatement toute relation avec le Grand Orient. L'immense majorité de la maçonnerie universelle est restée fidèle aux vieilles sornettes de la philosophie spiritualiste ; et, en France même, les loges du rite écossais continuent d'invoquer le Grand Architecte de l'Univers. Quelques membres courageux et clairvoyants réclament toutefois l'élimination des plaisanteries théologiques qui déparent les rituels de la Grande Loge de France. En voyant quelles puissantes institutions s'intéressent au maintien de la croyance à l'immortalité de l'âme, l'on s'étonne moins de la persistance d'une doctrine si contraire à toutes les données de la science expérimentale.

Pour l'individu infatué de sa personne et persuadé de l'importance essentielle de son moi, il est en outre fort pénible de songer qu'un jour il ne restera de lui qu'un peu de cendre ou de terre. Contre cet anéantissement, son orgueil et sa vanité se révoltent ; après sa mort, il veut continuer d'entendre les éloges dont il se gargarisa de son vivant ; il veut savourer les larmes que verseront, du moins il le suppose, ses proches et ses amis. S'il n'a pu étancher son besoin de plaisir, sa soif de jouissances multiples et renouvelées, il rêvera de délectations infinies, de bonheur ineffable, d'amours inextinguibles, de délices enivrantes pour les sens comme pour l'esprit. Et, parce que l'on croit sans peine ce que l'on désire, il se persuadera aisément que ces suppositions illusoires répondent à de solides et consolantes réalités. En concrétisant les plus nébuleux espoirs des hommes dans un ciel que les artistes ont rendu tangible en quelque sorte, et leurs craintes dans un enfer et un purgatoire dont les hagiographes nous ont fait des descriptions horrifiques, en s'attribuant de plus le droit d'expédier au ciel les âmes que Dieu condamna d'abord au purgatoire, les prêtres catholiques ont fait preuve d'un génie commercial hors ligne. S'ils avaient conservé la messe et les indulgences, les pasteurs protestants jouiraient de revenus supplémentaires qui ne sont point négligeables. Sans avoir l'esprit mercantile des fonctionnaires du Pape, les disciples d'Allan Kardec ont compris qu'il fallait faire intervenir les morts pour mieux capter l'attention des vivants. Les âmes des défunts réclamaient invariablement des messes, lorsqu'elles apparaissaient aux moines ou aux saintes du Moyen Âge; aujourd'hui, elles se bornent à faire tourner des tables, à remuer des chaises ou des crayons, fournissant ainsi gratis de spirituelles distractions aux personnes du meilleur monde. Et l'émotion des assistants est profonde, lorsque chacun croit reconnaître dans le défunt secouant le mobilier, qui son parent, qui son ami. Beaucoup, en effet, n'arrivent pas à se persuader qu'ils sont à jamais disparus, les morts qu'ils ont tendrement aimés. En spéculant sur l'égoïsme individuel et sur le désir de revoir ceux que l'on a chéris, moines et spirites furent incontestablement bien inspirés. Feu de l'enfer et feu du purgatoire ont suffi, durant de longs siècles, à faire bouillir la marmite des premiers ; et, parmi les seconds, d'ingénieux escrocs réussissent fréquemment des coups très peu surnaturels mais des plus fructueux. La survie s'est révélée utile au moins pour ceux qui l'ont inventée.

Quant aux arguments invoqués par les penseurs spiritualistes en faveur d'une existence personnelle continuée après la mort, ils sont extrêmement piteux. « Certes, avoue Bergson, l'immortalité elle-même ne peut pas être prouvée expérimentalement ; toute expérience porte sur une durée limitée, et quand la religion parle d'immortalité, elle fait appel à la révélation. Mais ce serait quelque chose, ce serait beaucoup que de pouvoir établir, sur le terrain de l'expérience, la possibilité et même la probabilité de la survivance pour un temps x. » Cette survivance, Bergson n'a pu en fournir la preuve, malgré ses outrecuidantes prétentions ct malgré l'aide que lui apportèrent avec empressement les spirites, les mystiques, les faiseurs de prodiges de toutes les religions. Il n'a aucunement démontré que la pensée humaine déborde la capacité du cerveau et que ce dernier est un simple instrument utilisé par l'âme, non la source productrice de la vie consciente. Nous ne reviendrons pas sur la puissance médianimique, les visions, les pressentiments, les guérisons soudaines, les conversions religieuses et les autres faits de ce genre dont il a été longuement parlé dans d'autres articles de cet ouvrage. Des recherches méthodiques et consciencieuses ont démontré qu'il s'agit ou de simples fumisteries, de vulgaires tours de prestidigitation (quand ce ne sont pas le résultat d'inconscientes simulations), ou de phénomènes nerveux, rares, et souvent pathologiques mais toujours parfaitement naturels. L'étude impartiale des prétendues manifestations de l'au-delà rapportées par W. James, Bergson et leurs disciples, oblige à rejeter complètement l'intervention d'entités surnaturelles et d'esprits désincarnés. La tentative de ces adversaires de la raison et de la science pour constituer une métaphysique expérimentale a échoué radicalement. Et avec elle disparaît la dernière planche de salut laissée au spiritualisme philosophique.

Ajoutons qu'aucune preuve rationnelle de la survie n'a pu être apportée par les métaphysiciens. De lyriques mais creuses déclamations, où l'on ne précise rien, où l'on reste dans de vagues généralités, capables d'être interprétées dans les sens les plus divers, voilà ce que l'on trouve sous la plume des penseurs les plus vantés. « Non seulement, écrit Ravaisson, ce qui a pensé une fois éternellement pensera, mais chacune de nos pensées contient quelque chose de tout ce que nous pensâmes jamais, quelque chose de tout ce que jamais nous penserons. Comme, en effet, il n'est point de mouvement qui ne dépende de tous les mouvements qui se sont jamais accomplis, et qui ne doive contribuer à tous ceux qui jamais s'accompliront, il n'est point de pensée en laquelle ne retentisse plus ou moins obscurément tout ce qui fut, et qui ne doive subsister et se propager elle-même sans s'éteindre jamais, comme en vibrations éternelles. Chaque âme est un foyer où se réfléchit de toutes parts, sous mille angles différents, l'universelle lumière, et non seulement chaque âme, mais chacune des pensées, chacun des sentiments par lesquels se produit sans cesse, du fond de l'infini, son immortelle personnalité. » Comme tous les métaphysiciens professionnels, Ravaisson savait faire cascader les grands mots qui ne recouvrent aucune idée. Il connaissait l'art de parler pour ne rien dire, ainsi qu'en témoigne le passage cité. C'est d'ailleurs un reproche que l'on doit adresser à tous les philosophes spiritualistes ; ils prennent la paille des mots pour le grain des choses et s'imaginent qu'ils sont profonds lorsqu'ils s'expriment dans un jargon que très peu de personnes comprennent. L'art des grandes constructions métaphysiques, c'est avant tout l'art de berner le lecteur avec des termes prétentieux et des phrases compliquées. Les imbéciles admireront d'autant plus qu'ils saisiront moins le sens des pages qu'on les invite à méditer.

Notre instinctive horreur du néant, nos aspirations vers plus de justice et de bonheur ne démontrent pas davantage l'immortalité de l'âme. Elles répondent à des tendances parfaitement naturelles, mais s'égarent lorsqu'elles situent leur objet, loin du monde présent, dans un chimérique au-delà. L'intérêt et le désir sont les plus dangereux des guides, quand on recherche la simple et nue vérité. « Touchant l'immortalité de l'âme, je demeure, avouait récemment un spiritualiste sincère, dans une tragique, dans une déchirante incertitude. En effet, le spectacle du monde tend à nous convaincre de notre individualité passagère et du sacrifice de l'individu à l'espèce. » On insiste beaucoup sur les consolations qu'apporte la foi en une survie ; il conviendrait aussi de rappeler les angoisses et les tourments qu'elle procure aux esprits restés naïfs. Renan affirme, il est vrai, que l'incertitude où nous sommes concernant l'immortalité de l'âme constitue une preuve de cette immortalité. « On peut dire sans paradoxe, assure-t-il, que si les doutes qui planent sur les vérités de la religion naturelle étaient levés, les vérités auxquelles ils s'attaquent disparaîtraient du même coup. Supposons, en effet, une preuve directe, positive, évidente pour tous des peines et des récompenses futures ; où sera le mérite de faire le bien ? Il n'y aurait que des fous qui, de gaîté de cœur, courraient à leur damnation. Une foule d'âmes basses feraient leur salut, cartes sur table ; elles forceraient en quelque sorte la. main de la divinité. Dans l'ordre moral et religieux, il est indispensable de croire sans démonstration ; il ne s'agit pas de certitude, mais de foi. Des croyances trop précises sur la destinée humaine enlèveraient tout le mérite moral. Qu'avons-nous besoin de ces preuves brutales qui gêneraient notre liberté ? Nous craindrions d'être assimilés à ces spéculateurs de vertu ou à ces peureux vulgaires, qui portent dans les choses de l'âme le grossier égoïsme de la vie pratique. » Sans l'avouer franchement, Renan admet, avec raison, que la croyance très ferme au ciel et à l'enfer aboutit toujours à un honteux marchandage, que la différence est minime entre l 'avare qui entasse des richesses périssables dans un coffre-fort et le pieux chrétien qui multiplie les orémus afin de grossir le trésor de ses biens célestes. Mais il a tort de supposer que le risque, né de l'incertitude, ennoblit ce marchandage. Spéculateurs de la Bourse, chevaliers d'industrie, aventuriers qui, dans tous les domaines, exploitent la crédulité des gogos, vivent aussi dans I'incertitude et courent des risques parfois terribles. Ceux qui spéculent sur l'au-delà sont à ranger parmi les usuriers les plus rapaces ; ne les plaignons pas s'ils sont tourmentés par la crainte d'effectuer un mauvais placement.

La science n'admet qu'une survie, celle des composants ultimes qui constituent l'individu. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Synthèse transitoire et passagère, notre moi s'évanouira pour ne jamais renaître ; comme les animaux, comme les plantes, comme les corps bruts eux-mêmes, l'homme doit faire retour aux grandes forces cosmiques qui, seules, possèdent l'éternité. Peut-être notre espèce sera-t-elle un jour mieux armée contre la mort ; à ce moment elle sourira de la survie que prêtres et métaphysiciens promirent longtemps en guise de consolation. Certains morts continuent, d'ailleurs, de vivre dans le souvenir de nombreuses générations. Et cette survie subjective peut adoucir le chagrin de ceux qui, bien à tort croyons-nous, se désolent de savoir qu'ils ne seront un jour qu'une poussière d'atomes, agglomérés dans des synthèses nouvelles. 

- L. BARBEDETTE

SURVIE n. f. 

La survie est un terme de jurisprudence qui exprime l'état de celui qui survit à un autre. Au figuré, c'est le prolongement de l'existence et, par extension, c'est le fait de demeurer en vie après la mort.

En Droit, les gains de survie sont les avantages qui sont promis, sur les biens de la communauté, soit à celui des deux époux qui survivra à l'autre, soit à un seul d'entre eux, s'il survit à l'autre.

Albert Wahl, dans sa présomption de survie, explique que lorsque deux personnes meurent dans le même événement et qu'elles sont appelées à la succession l'une de l'autre, il est important de déterminer laquelle est morte la première, puisque celle d'entre elles qui a survécu à l'autre, ne fût-ce que d'un instant, a succédé à cette dernière. La preuve de l'ordre des décès peut être administrée par tous les moyens, même par témoins et par présomptions de faits ; par exemple, on peut décider qu'un incendie s'étant déclaré au second étage d'une maison, la personne qui habitait cet étage est présumée être morte avant celle qui habitait à un étage supérieur ou inférieur. Lorsque toute preuve ou présomption de fait manque, les deux défunts sont réputés être morts au même instant, car, pour que l'un pût succéder à l'autre, la preuve devait être apportée qu'il est décédé après lui, ce qui, par hypothèse, est impossible.

Cependant les articles 720 à 722 du Code civil ont émis certaines présomptions légales connues sous le nom de « théorie des comourants ou des commorientes ». Ils divisent la vie humaine en trois périodes : 1° de la naissance à l'âge de 15 ans ; 2° de 15 ans à 60 ans ; 3° à partir de 60 ans. Les solutions données par la loi se rattachent à l'idée que, dans la première période, les forces croissent avec les années, qu'elles restent stationnaires dans la seconde et qu'elles diminuent dans la troisième. En conséquence, lorsque les deux défunts appartiennent à la première catégorie, le plus âgé, qui est réputé avoir offert la plus grande force de résistance, est présumé avoir survécu si les circonstances du fait ne permettent pas de déterminer l'ordre du décès. Dans la seconde période, la loi présume que les décès se sont produits dans l'ordre naturel de l'âge, c'est-à-dire que le plus jeune est présumé avoir survécu ; toutefois si les deux défunts n'étaient pas du même sexe, et si, en outre, ils étaient du même âge ou qu'il y eût entre eux une différence d'âge n'excédant pas un an, le mâle est présumé avoir survécu. Enfin, dans la troisième période, la force de résistance décroissant avec l'âge, le moins vieux est présumé avoir survécu.

Mais il peut arriver que les deux comourants appartiennent à deux périodes différentes. L'article 721 dit seulement que si l'un d'eux avait moins de 15 ans et l'autre plus de 60, le premier est réputé avoir survécu. Il néglige les hypothèses, soit ou l'un a moins de 15 ans et l'autre de 15 à 60 ans, soit ou l'un a de 15 à 60 ans et l'autre plus de 60 ans. L'opinion commune veut que, dans le premier cas, le plus âgé et, dans le second cas, le plus jeune, soient réputés avoir survécus. Mais, comme les présomptions légales sont de droit étroit, il y a des doutes sur ce point.

Que si les deux défunts sont du même âge - (et en dehors du cas indiqué plus haut, où ils appartiennent à la seconde période et sont de sexes différents) - ils sont, à défaut de présomptions légales, réputés être décédés en même temps ; la succession de chacun d'eux est donc dévolue comme s'il avait survécu à l'autre. Mais des jumeaux ne sont pas considérés comme étant du même âge. On admet généralement que le premier qui est sorti du sein de la mère est le plus âgé au point de vue de l'application des articles 720 à 722.

Ces questions de survie se posent fréquemment lorsque la mère et l'enfant succombent ensemble pendant le travail de l'accouchement. Si les circonstances de fait ne peuvent donner la solution, on admet que la mère a survécu.

L'application des présomptions fournies par ces textes n'est pas aussi large qu'on pourrait le supposer. Elle est limitée à deux points de vue. En premier lieu, la loi suppose le décès de « plusieurs personnes respectivement appelées à la succession l'une de l'autre ».

Si donc un seul des comourants était héritier présomptif de l'autre, sans réciprocité (par exemple s'il s'agit de deux frères dont l'un a des enfants), les présomptions ne s'appliquent plus. Elles ne s'appliquent pas davantage si les deux défunts étaient appelés à se succéder réciproquement, non pas comme héritiers légitimes, mais comme légataires ou donataires. Ils sont alors réputés être décédés au même instant. D'autre part, la loi suppose que les deux défunts sont considérés comme étant morts en même temps, si les événements dans lesquels ils sont décédés sont différents. L'incendie d'une maison est un événement unique ; il en est de même du naufrage d'un bâtiment. L'assassinat de plusieurs personnes est, au contraire, un événement multiple, alors même qu'il a été commis par une même personne dans un même local; c'est ce qui a été décidé à propos des assassinats de Pranzini.

Toutefois, une loi spéciale, du 20 prairial an IV, a décidé que si plusieurs personnes appelées à se succéder réciproquement sont condamnées à mort et exécutées, le plus jeune est présumé avoir survécu, lorsque le moment exact de leur décès respectif ne peut être fixé. Ce texte, qui est toujours en vigueur, mais dont la jurisprudence n'a jamais eu à faire l'application, établit une présomption légale dans une hypothèse où les événements ayant occasionné le décès n'est pas unique. La loi de prairial diffère encore du Code civil, en ce qu'elle établit une présomption invariable, quel que soit l'âge respectif des défunts.

En ce qui concerne le prolongement de l'existence, au sens propre, après la mort, la survie n'existe pas ... ou si peu. L'expérience en fut faite il y a une cinquantaine d'années sur des condamnés à mort à qui, avant la décapitation, on avait demandé d'ouvrir et de fermer régulièrement les paupières après la décollation. Les décapités se livrèrent à cette expérience, ouvrirent et fermèrent leurs paupières deux ou trois fois et ce fut tout. La survie avait à peine duré quelques secondes.

Philosophiquement, la survie existe et se perpétue. Toutes les religions se perpétuent et continuent à exister grâce à ce moyen. La chrétienté a connu son succès et se continue par la survie de son Christ qu'elle fait succomber et ressusciter si miraculeusement.

Les penseurs et les savants se survivent par les travaux accomplis leur vie durant et qu'ils ont laissés après leur mort, à l'humanité tout entière, et, pour que le nom de la plupart de ceux-ci ne soit pas ignoré par les générations qui se succèdent, on les statufie et on donne leurs noms à des places ou à des voies publiques. C'est de cette façon seule que la survie peut être considérée au figuré.

Il est incontestable que les philosophes et les savants de l'antiquité et les hommes remarquables de tous temps : de Démosthène à Caton, de Phidéas à Pline, de Vercingétorix à Napoléon, d'Ambroise Paré à Pasteur, etc., se sont survécu par la trace qu'ils ont laissée dans leur existence, sur leur passage dans la vie et dans les souvenirs qu'ils ont imprimés.

Et que la modestie de notre ami Sébastien Faure m'excuse de le citer en exemple : pionnier et vulgarisateur de l'anarchie, il se survivra par l'exemple de son existence apostolique et par le monument impérissable qu'il laissera aux générations futures : L'Encyclopédie Anarchiste

- Pierre COMONT