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SYMBOLISME (fétichisme ou fantaisisme) SEXUEL

La fin du siècle dernier et le début du XXème siècle ont vu se transformer la mentalité des savants et celle du public éclairé en ce qui concerne ce qu'on appelle « les anomalies sexuelles ». Jadis accusés d'être des possédés, des suppôts de l'enfer, les « anormaux sexuels » ont vu des psychiatres, des sexologues, des spécialistes éminents s'intéresser à leur cas et examiner sans parti pris les causes profondes de leurs anomalies, anormalités ou fantaisies. Mettant à part l'inversion sexuelle (ou homosexualité) et l'onanisme (ou autoérotisme) - voir ces mots à leur ordre respectif -, on désigne sous le nom général de symbolisme ou fétichisme sexuel ou érotique tout objet ou acte destiné à procurer à l'individu l'émotion, l'excitation ou la jouissance sexuelle par des représentations évocatrices et provocatrices de l'instinct érotique.

Les psychiatres divisent le symbolisme ou fétichisme sexuel ou érotique en : normal ou acceptable et anormal ou morbide, selon que l'émotion sexuelle érotique est produite par une personne - et dans ce cas les objets lui appartenant ne sont qu'un accessoire - ou qu'elle est amenée par un objet, la personne ne devenant qu'un accessoire. Cette différenciation ne porte que sur des objets et non sur des actes ; mais lesdits psychiatres sont bien obligés de l'établir, sinon il leur faudrait attribuer, comme le remarque A. Moll, dans son ouvrage sur l'inversion sexuelle, une perversion sexuelle accidentelle ou chronique à presque tous les hommes.

Dans ses études de Psychologie expérimentale, A. Binet explique que l'amour normal apparaît comme le résultat d'un fétichisme compliqué - « polythéiste » ­ « non pas d'une excitation unique, mais d'une myriade d'excitations, c'est une symphonie. Où commence la pathologie? - c'est au moment où l'amour d'un détail quelconque devient prépondérant au point d'effacer tous les autres. »

Tout cela ne paraît pas absolument clair. Nous trouvons autour de nous une foule de gens réputés normaux qui préfèrent que leurs partenaires soient blonds plutôt que bruns, maigres plutôt que gras et vice-versa, et à qui il serait impossible d'expliquer pourquoi, et c'est ce trait dominant qui décide de leur choix amoureux ou érotique.

À la vérité, l'on est tous plus ou moins fétichistes. Comme l'a écrit le Dr Emile Laurent (Fétichistes et Erotomanes, 1905) dans la femme aimée, « certains détails ont particulièrement le don de nous plaire : une fine oreille rosée, un pied menu, une taille souple et légère, de longs cheveux noirs, des seins fermes et rebondis, une croupe opulente, des yeux de pervenche, une peau satinée, des dents blanches sous des lèvres purpurines ».

« On aime toujours pour un détail, pour une nuance, écrivait le littérateur belge G. Rodenbach ; c'est un point de repère qu'on se crée dans le désarroi, dans l'infini de l'amour. Les plus grandes passions tiennent à de si petites causes ! Pourquoi aime-t-on ? A cause d'une couleur de cheveux, d'une intonation de la voix, d'un grain de beauté qui trouble et en suggère d'autres, d'une expression des yeux, d'un dessin des mains, d'une certaine palpitation du nez qui frémit comme s'il était toujours devant la mer ». Faut-il conclure de cela que le délicat écrivain que fut Rodenbach était un fétichiste « morbide » ? Nous verrons par la suite que sont légion ceux chez lesquels l'émotion sexuelle est provoquée par un détail.

Havelock Ellis déclare, de son côté, que la tendance à collectionner les reliques d'une personne aimée et surtout des vêtements est la base la plus commune et la plus simple du symbolisme érotique. « Elle est parfaitement normale. Il est inévitable que des objets qui ont été en contact direct avec le corps de la personne aimée et qui sont intimement associés à cette personne dans l'esprit de l'amant participent plus ou moins de la même vertu et de la même puissance émotionnelles. »

Partant de ce fait qu'il n'était pas rare au Moyen Age que les amants fissent échange de leur chemise et de leurs vêtements, on citera, pour étayer l'observation qui précède, des cas devenus classiques, tel celui du châtelain de Coucy, retenu en Orient, qui envoyait sa chemise de toile à la dame de Fayal qui la mit dans son lit la nuit et la pressa contre sa chair afin de soulager ses ardeurs :

La nuit quand l'amour m'arde

la met delez moi couchier

toute la nuit à ma char nue

por mes malz assolagier.

Un auteur anglais du XVIIème siècle, l'un de ceux qui ont recueilli le plus de documents populaires sur l'amour, R. Burton, dans son Anatomie de la Mélancolie, ne mettait pas en doute le caractère entièrement normal du symboliste érotique : « Il n'y en a pas un sur mille qui devient amoureux : mais il y a toujours une partie spéciale ou une autre qui plaît davantage et l'enflamme sur le reste ... S'il obtient quelque chose qui lui ait appartenu, un busc, une plume de son éventail, un cordon de soulier, un ruban, un anneau, une bague, un bracelet de cheveux, il le porte sur soi comme une faveur sur son bras, sur son chapeau, sur son doigt ou près de son cœur; comme fit Laodamie lorsque Protésilès partit à la guerre (de Troie) et qu'elle demeura assise, son portrait devant elle ; de même une jarretière ou un bracelet de celle qu'on aime est plus précieux qu'une relique de saint ; il la met sur son casque, et chaque jour la baise et s’il est en sa présence, il n'en détourne pas les yeux, et veut boire où elle a bu, et si possible exactement au même endroit. »

Un contemporain de Robert Burton, James Howell raconte dans ses Familiar Letters qu'en dépouillant les gentilshommes français tués dans les combats livrés pour chasser les Anglais de l'Ile de Ré, ceux-ci trouvèrent qu'un grand nombre de cadavres avaient les parties génitales ornées de faveurs offertes par leurs maîtresses.

Dans les Mémoires du comte de Grammont, Hamilton, écrivain de l'époque de Louis XIV, raconte que Mrs Price, l'une des beautés de la cour de Charles II, et Dorgan étaient tendrement attachés l'un à l'autre ; quand il mourut, on découvrit une cassette pleine de toutes sortes de faveurs de sa maîtresse, y compris, entre autres choses, différentes sortes de cheveux et de poils.

Un article de Mme Jane Landré, dans 1'Œuvre du 8 août 1933, indique que, durant la guerre de 1914-1918, les mêmes phénomènes de fétichisme se manifestèrent : « Combien de combattants entre 1914 et1918, eurent un fétiche, un ruban, un bout de valenciennes, arrachés aux « dessous » de l'amie chérie ? Même il en fut qui gardèrent, contre leur cœur un bas de soie, une chemise de fin linon volée à leur divine maîtresse ».

« Le dévouement et l'amour - écrivait à la fin du XVIIIème siècle, Mary Wollstonescraft, la compagne de celui qu'on a surnommé le père de l'anarchisme,William Godwin - peuvent s'attacher autant aux vêtements qu'à la personne, et il manque vraiment d'imagination l'amant qui n'éprouve pas une sorte de respect pour le gant ou la pantoufle de sa maîtresse ; il ne les confondra jamais avec les autres objets de la même catégorie. »

De tout cela, il résulte que la frontière entre les manifestations normales et morbides du symbolisme ou fétichisme sexuel ou érotique n'est pas marquée de façon certaine.

« D'ailleurs, c'est dans la Nature entière que l'on rencontre des symboles sexuels d'autant moins viables qu'ils n'exigent aucune imagination morbide. Le langage est plein de métaphores sexuelles qui tendent peu à peu à perdre leur symbolisme pratique pour tomber au rang de lieux communs. Le semen est la semence et, pour les latins surtout, le processus sexuel ainsi que les organes males et femelles s'exprimaient en images empruntées il la vie agricole et horticole. Les testicules étaient des fèves (fabae), des pommes (poma, mela); le pénis un arbre (arbor), une baguette (thyrsus), une racine (radix), une faux (falx), un soc (vomer) ; la semence était aussi de la rosée (ros) ; les grandes et les petites lèvres étaient des ailes (alae) ; la vulve et le vagin un champ (ager, campus) ou un sillon (suleus), ou un vignoble (vinea), une fontaine (fons), tandis que les poils du pubis étaient des herbes (plantaria) ».

Tout le monde sait que dans le fruit du myrte, consacré à Vénus, les Grecs voyaient une image du clitoris et dans la rose, celle des petites et grandes lèvres. La poésie érotique de nombreux peuples fait, d'ailleurs, usage de la rose dans le même sens.

Le Talmud dit des petites lèvres qu'elles sont la porte dont les grosses lèvres sont les montants et le clitoris la clé. Les livres hindous énumèrent complaisamment toutes les qualités physiques de la « padmini », ou femme-lotus, autrement dit, la femme parfaite. Sa démarche est celle du cygne ; son odeur celle du santal ; sa peau est lisse et tendre comme celle d'un jeune éléphant; sa voix est semblable au chant du kokila mâle captivant sa femelle ; sa sueur a l'odeur du musc ; ses yeux sont comme ceux de la gazelle ; son nez est pareil au bouton de sésame; ses lèvres sont roses comme un bouton de fleur qui s'épanouit ou rouges comme le corail ou le fruit du bimba : ses dents sont blanches comme le jasmin d'Arabie, elles ont le poli de l'ivoire ; son cou arrondi ressemble à une tour d'or ; ses seins ressemblent aux fruits du vilva ; ils se dressent comme deux coupes d'or renversées et surmontées de la fleur du bouton de grenadier.

Toutes les parties du corps de la femme peuvent devenir autant de symboles ou de fétiches pourvu que chacune d'elles corresponde à un certain idéal esthétique de l'amant.

Krafft Ebbing dans sa Psychopatia sexualis, a prétendu que la sélection sexuelle tout entière n'est pas autre chose qu'une sorte de fétichisme, c'est-à-dire de symbolisme érotique de l'objet. De même le célèbre pathologiste G. Tarde considérait l'amour normal comme un genre de fétichisme : « Il nous faut longtemps, écrit-il dans son traité de L’Amour morbide, avant de tomber amoureux d'une femme ; nous devons attendre pour voir le détail qui nous frappe et nous plaît, et nous fait dédaigner ce qui nous déplaît ; ce n’est que dans l'amour normal que les détails sont nombreux et toujours changeants. La constance en amour est rarement autre chose qu'un voyage autour de la personne aimée, un voyage d'exploration et de découvertes toujours nouvelles. L'amant le plus fidèle n'aime pas la même femme deux jours de suite de la même manière. »

Toutes ces déclarations, toutes ces formules vaudraient la peine d'être examinées, vérifiées et analysées de près. Elles font montre de trop d'arbitraire ; elles sont trop péremptoires. Ceux qui ont étudié la question hors de toute déformation professionnelle concluent qu'un très grand nombre d'objets ou d'actes peuvent présenter par hasard la valeur de symboles érotiques. Les objets et les actes qui deviennent fréquemment de véritables symboles sont en nombre relativement restreint.

Sans attacher plus d'importance qu'il ne faut aux qualifications normales ou anormales, on peut, dans un but mnémotechnique, adapter la classification qu'a dressée Havelock Ellis des phénomènes de l'ordre qui nous occupe, classification relative aux objets et aux actes qui ont fait naître ces manifestations.

1. - Parties du corps. - a) NORMALES : la main, le pied, les seins, le bout des seins, les cheveux, les sécrétions et les excrétions, etc.

II. – ANORMALES : la claudication, le strabisme, les marques de variole, etc. : la pédophilie ou amour des enfants, la presbophylie ou amour des vieillards, la nécrophilie ou attraction pour les cadavres, la zoophilie ou excitation par les animaux.

II. - Objets inanimés. - a) VETEMENTS : gants, souliers, bas, jarretières, chapeaux, mouchoirs, tabliers, dessous, etc.

b) OBJETS IMPERSONNELS, comprenant tous les objets, si divers qu'ils soient, pouvant accidentellement acquérir le pouvoir d'exciter le sentiment sexuel (y compris le pygmalionisme ou excitation par les statues).

III. - Actes et attitudes. - a) ACTIFS : flagellation, cruauté, exhibitionnisme.

b) PASSIFS : être fouetté, subir des cruautés. On peut y comprendre les odeurs personnelles et le son de la voix.

c) MIXOCOSPIQUES : vision des actes de grimper, de se balancer, etc., des actes d’émulsion, de défécation, du coït des animaux.

On comprendra que, faute de place, nous ne puissions nous étendre en détail sur les différentes manifestations du symbolisme sexuel ou les diverses formes qu'il revêt. Nous nous contenterons d’un coup d’œil d'ensemble.

Le fétichisme du pied et du soulier compte parmi les formes les plus fréquentes du symbolisme sexuel. On se souvient de l'importance que Restif de la Bretonne accordait à la chaussure comme fétiche d'émotion sexuelle. Il l'a raconté tout au long dans Monsieur Nicolas, son chef-d'œuvre, dans Le pied de Fanchette, et on sait qu'il a exprimé le désir qu'on enterrât avec lui la pantoufle de la femme qu'il aima le plus passionnément de toute sa vie, Mme Parangon. Mais sa prédilection pour les souliers de sa gracieuse amante ne l'empêchait pas de se jeter avec avidité sur le linge qui avait touché certaines parties de son corps.

On connaît la fascination sexuelle exercée par le pied sur les Chinois du Sud, les Mongols et, en général, tous les peuples appartenant à la race jaune, à ce point que c'est dans le pied que, pour les femmes, réside la pudeur ; la révolution chinoise a eu beaucoup de peine à abolir - et elle a rencontré maints échecs - la compression du pied de la Chinoise du Sud, compression qui semble avoir fait du pied l'un des foyers de l'attraction sexuelle, comme en Occident ce fut le corsetage de la poitrine féminine.

Ce n'est pas seulement chez les Chinois qu'il y a relation étroite entre les pieds et le désir sexuel, on l'a signalé chez les Egyptiens, les Arabes, les Allemands, les Espagnols modernes. En ce qui est les Anciens, Ovide a insisté souvent sur le charme sexuel du pied féminin, insistance telle qu'on dirait, écrit le Dr Paul Jacoby, dans sa Contribution à l'étude des folies dégénératives, que la psychologie des Romains était bien proche de celle des Chinois. Le poète latin Tibulle a décrit avec amour le pied menu de sa maîtresse

« comprimé » par la bandelette qui l'entourait.

Le fétichisme du pied et de la chaussure revêt une foule d'aspects, qui se résument en ceci : que la jouissance sexuelle n'est obtenue qu'à condition que, objet ou image, le pied ou la chaussure intervienne. Et cela va de l'homme qui suit dans la rue une femme dont le pied ou la chaussure l'aura séduit à celui auquel la caresse d'un pied féminin procure le plaisir sexuel, au collectionneur de bottes, de souliers ou de pantoufles qu'une nouvelle acquisition conduit, par associations d'idées, à la masturbation - ou encore à celui qui n'éprouve de jouissance que s'il est foulé aux pieds. L'élément féminin non plus n'est pas exempt de ce fétichisme ; il y a des exemples de femmes auxquelles l'acquisition de souliers neufs ou la marche sur certains objets ou dans de certaines circonstances procure l'orgasme.

Le fétichisme du sein est également très répandu et est tellement classique qu'il est reconnu et avoué depuis la plus haute Antiquité. On peut dire que la poésie, la peinture, la sculpture, la gravure, le dessin l'ont immortalisé.

« Tes deux seins sont comme deux faons, comme les jumeaux d'une gazelle qui paissent au milieu des lys » déclare l'auteur du Cantique des Cantiques (IV, 5) et l'anecdote de Phryné dont l'acquittement a été obtenu grâce au dévoilement de sa gorge de déesse, indique que les Grecs partageaient, au sujet de cette partie du corps de la femme, l'enthousiasme du chantre des beautés de la Sulamite. Remarquons en passant que le Cantique des Cantiques est saturé de symbolisme sexuel et rivalise, sous ce rapport, avec le Kamasoutra.

Faut-il citer Clément Marot :

Tétin refait plus blanc qu'un œuf,

Tétin de satin blanc tout neuf,

Tétin qui fait honte à la rose .

Benserade :

Tetons qui ne font pas un ply

Caour Lormian :

Le plumage du cygne et la neige nouvelle

N'égalent pas l’albâtre de son sein.

Voltaire:

Un beau bouquet de roses et de lis

Est au milieu de deux pommes d'albâtre.

M. Rollinat :

Ô seins, poires de chair, dures et savoureuses

Monts blancs où vont brouter mes caresses peureuses.

Beaudelaire, dans ses Fleurs du Mal , symbolisant l'attraction sexuelle du sein, fait dire à la femme :

Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants

Et fais rire le vieux du rire des enfants.

On peut apprécier I'influence de ces attributs en considérant la conception différente qu'en ont les maîtres de la peinture. Les seins de la Diane au bain de Boucher, de La source d’Ingres, de la Léda du Corrège, de la Galathée de l'Albane n'ont rien de commun avec ceux des femmes de Rubens dans sa Kermesse flamande ou dans sa Bacchanale ou dans son Départ d'Adonis, par exemple. Et ce n'est pas une question de peuple ou de mode, c'est une affaire de goût personnel. Qu'on compare la Fornarina de Raphaël ou la femme de l’Education de l'Amour du Titien avec l'Europe ou la Suzanne de Paul Véronèse ou les modèles du Tintoret, on verra combien tous ces artistes diffèrent quant à la conception de ce détail du corps humain.

Le fétichisme du sein est tellement ancré dans les mœurs qu'on ne le voit pas figurer dans les livres médicaux à titre pathologique. Et pourtant le nombre est élevé des hommes et des femmes chez lesquels la vue ou le toucher des seins produit une excitation ou une émotion sexuelle érotique à l'exclusion des autres parties du corps.

Il est une forme répandue du symbolisme érotique, forme très définie et nettement distincte de toutes les autres où la jouissance sexuelle est obtenue en exposant les organes sexuels aux regards d'un individu de sexe différent, assez souvent jeune et innocent, parfois un enfant : c'est l'exhibitionnisme. Dans I'exhibitionnisme en plein air, dans l'exhibitionnisme à l'église - faut-il voir une émergence de l'ancien culte phallique, d'un instinct ancestral, rappelant un procédé d'invitation à l'amour dont le décolleté des femmes serait un aspect

« civilisé » ? Toujours est-il que cette « passion » - qui se relie au fétichisme du pénis et à celui de la vulve ­ coûte à ses pratiquants plus que cela ne mérite quand les défenseurs de la morale officielle parviennent à les surprendre. Il est évident que dans un milieu où l'anudation ne serait pas réprouvée comme immorale, l'exhibitionnisme serait à peine remarqué ou, en tous les cas, proscrit avec beaucoup moins de rigueur ; s'il est aussi sévèrement puni, c'est à cause de l'anathème jeté par l'église sur les organes de la génération, puisque c'est sous son influence qu'on les a qualifiés de « parties honteuses ». Les mœurs des peuples païens étaient beaucoup plus tolérantes pour l'exhibitionnisme et se souciaient même fort peu de l'accouplement en public.

Le docteur P. Garnier voyait dans l'exhibitionnisme sous sa forme typique, un acte systématique équivalent ou se substituant à l'union sexuelle. Toujours est-il que parmi les exhibitionnistes on compte des gens instruits, éduqués, docteurs, écrivains, artistes, etc. et qu'il n'est pas rare de rencontrer des femmes dans le nombre. Cela nous fait souvenir que chez certains peuples primitifs et même chez quelques populations plus ou moins arriérées de l'Europe, l'exhibition de la nudité féminine est un spectacle ou une opération magico­religieuse (Ploss Bartels : Das Weib ; Havelock Ellis : Man and Woman).

Jean-Jacques Rousseau, dans ses Confessions, raconte comment il montra parfois son derrière à de jeunes femmes, mais on sait que sa vie émotionnelle fut profondément affectée par les fessées qu'il reçut pendant son enfance de Mlle Lemercier.

Rappelons que dans l'Oraison du Soir, Arthur Rimbaud a exalté l'exhibitionnisme dans des vers qui sont présents à la mémoire de tous ses admirateurs :

Doux comme le seigneur de cèdre et de l'hysope

Je pisse vers les cieux bruns très haut et très loin

Avec l'assentiment des grands héliotropes.

Un autre aspect du symbolisme sexuel qui a des racines très profondes est le symbolisme scatologique qui se subdivise en urolagnie et en coprolagnie, autrement dit excitation sexuelle produite soit par les fonctions urinaires, soit pas les fonctions excrétoires, fonctions si proches du foyer sexuel anatomique. Le fait est qu'il existe une certaine quantité d'hommes et de femmes chez qui la projection de l'urine, l'attitude nécessaire à cette projection, l'odeur d'un objet imprégné d'urine, la défécation produisent une émotion ou une jouissance sexuelle. « On connaît des faits innombrables, écrit Havelock Ellis, qui prouvent que l'impulsion à attribuer aux actes d'uriner et d'excréter une valeur symbolique sexuelle, pourvu qu'ils soient exécutés par la personne aimée, est fort près du normal ; on l'a rencontré chez des individus de haute valeur intellectuelle ; cela se discerne aussi bien chez les femmes que chez les hommes ; et, tant que cette impulsion ne se manifeste qu'à un faible degré, il faut la ranger dans la sphère naturelle de l'amour. »

Dans presque tous les pays, on constate la croyance aux qualités sacrées et mythiques de l'urine. Chez les Peaux-Rouges de la côte ouest de l'Amérique du Nord, en Australie, chez les anciens Tasmaniens, chez les Tamans de la Birmanie, au Maroc, chez les Juifs, chez les Slaves du Sud, on attribuait et on attribue encore une vertu spéciale et magique à l'urine.

Le fétichisme urolagnique remonte encore plus loin, puisque selon Kind, l'excitation sexuelle produite par le spectacle d'une femme urinant n'est pas spéciale à l'homme, mais est générale chez tous les mammifères.

Ce même Kind, dans Die Weibherrschaft in der Geschichte des Menscheit reconnaît que la proximité du méat urinaire et du clitoris détermine une zone érogène, de sorte qu'uriner est un acte agréable chez les femmes. Dans les actes du Congrès de Médecine de Moscou, t. IV, Pitres et Regis considèrent que le désir d'uriner accompagne toujours l'excitation sexuelle spontanée des femmes, le plaisir éprouvé par l'homme dans le spectacle ou la représentation de la miction féminine s'expliquerait par la connaissance intuitive ou subconsciente de ce fait physiologique.

Les animaux sont également une source de symbolisme érotique. La vue du coït des animaux, certains produits animaux, la cour que se font les animaux peuvent produire l'excitation sexuelle chez l'homme. C'est ce que Havelock Ellis appelle un symbolisme fondé sur une association par similarité : « L'acte sexuel animal rappelle l'acte sexuel humain et ainsi l'animal devient le symbole de son frère supérieur. »

C'est ainsi que l'accouplement des grands animaux - chevaux et autres - a vivement intéressé des personnes de haute culture. On se souvient que François Ier conduisait les dames de la cour dans la forêt de Saint-Germain pour leur rnontrer les cerfs faisant l'amour avec les biches, pendant la saison du rut.

Mais la zoophilie tourne à la « zooérastie » ou bestialité quand il s'agit de l'impulsion à obtenir la jouissance sexuelle par le coït ou tout autre contact intime avec les animaux. Il est évident, quand on songe aux totems qui sont principalement des animaux, aux jeux, aux fêtes, aux cérémonies, aux danses religieuses si communes chez les peuples primitifs et dont les acteurs portent des déguisements animaux, qu'il dût exister une époque où les hommes ne voyaient rien d'amoral ou de mal à s'accoupler avec les animaux.

C'est pourquoi les peintures de vases ou les marbres antiques représentant des satyres s'accouplant avec des chèvres ne suscitaient pas plus de réprobation que les représentations, sculptées sur les temples de l'Inde, de copulation entre humains et animaux. D'ailleurs les légendes mythologiques d'Io et du taureau, de Léda et du cygne, d'Europe, de Pasiphaé, etc., indiquent la persistance de souvenirs d'accouplements de ce genre qui avaient fini par être sanctionnés par la religion.

L'homme et la femme se sont accouplés avec des chiens, des chiennes, des vaches, des truies, des rennes, voire des chats et des lapins. Si les dames romaines manifestaient de l'attraction pour les serpents et plus rarement pour les ours et les crocodiles (bien que leur préférence pour l'âne soit bien connue), en Extrême-Orient, on utilise les poules, les canards, les oies, juste revanche de la gent volatile.

Quant à l'accouplement de la femme avec le singe, il ne semble pas, malgré les documents à ce sujet, qu'il en existe de bien véridiques, bien que Moll prétende que ce semble être le signe anormal d'un intérêt pour ces bêtes que la tendance des femmes à observer les singes dans les jardins zoologiques.

Notons ici la tentative faite par le Docteur Ellie Ivanoff, pour croiser, par la méthode connue sous le nom d'imprégnation artificielle, le singe et l'homme. Subsidié par le gouvernement des Soviets, Ivanoff emmena neuf chimpanzés femelles dans une vaste forêt du Turkestan russe où il avait établi son laboratoire. Le Docteur Alfonso L. Herrera a parlé longuement de cette tentative dans le cahier 82 des Cuadernos de Cultura, intitulé El Librido del Hombre y del mons (Valencia, 1933).

Il semblerait que les guenons n'ont pu supporter leur captivité. Le docteur Ivanoff n'est pas un inconnu en France et il avait tenu le Docteur Calmettes au courant de ce qu'il voulait réaliser.

Les lois condamnant la bestialité étaient très sévères chez les Juifs, qui assimilaient la bestialité à la sodomie. L'Exode (XXII, 19) et le Lévitique (XX, 15) prescrivent la mise à mort de l'humain et de l'animal. Au Moyen Âge, la bestialité était très répandue et par le Pénitentiel d'Egbert (IXème-Xème siècles) nous voyons qu'évêques, prêtres et moines n'en étaient pas exempts.

En général, les idées de ce temps étant influencées par la morale judéo-chrétienne, la bestialité était passible de longues pénitences et souvent de mort. En France, on brûla ensemble des hommes et des truies, des hommes et des vaches, des hommes et des ânesses. Au XVIIème siècle il se trouvait encore un jurisconsulte, Lebrun de La Rochette, pour justifier ces assassinats !

Une autre forme encore assez fréquente du symbolisme sexuel est la cleptolagnie ou vol associé à l'excitation sexuelle dont l'étude des manifestations est toute récente. La cleptolagnie est la jouissance sexuelle obtenue grâce « à l'énergie émotionnelle déterminée par l'excitation du vol ». Certaines femmes, surtout proche la période menstruelle, volent des étoffes, généralement de la soie et ressentent, leur action commise, une jouissance voluptueuse, « accompagnée d'une sensation délicieuse comme elle n'en éprouvait jamais pendant le coït ou autrement » a raconté l'une d'elles (Annales médico-psychologiques, mars 1921). Les hommes sont également sujets à ce genre de symbolisme.

Il me faudrait des volumes pour décrire les différentes manifestations du symbolisme ou fétichisme sexuel. Fétichisme de la bouche : dans Le Carillonneur, G. Rodenbach a décrit un personnage devenant amoureux d'une jeune fille uniquement à cause de sa bouche, ne voyant plus « que cette bouche tentante et haletante », comme une fleur isolée qu'il eût voulu cueillir dans le jardin de sa chair ... L'amour était dans cette bouche, comme Dieu dans l'hostie. » - Fétichisme de la voix - fétichisme du nez - fétichisme des yeux tout autant classique que le fétichisme des cheveux, tous deux chantés avec enthousiasme par les poètes. Le rôle des boucles de cheveux (à quoi il faut rattacher celui des poils de l'aisselle ou du bas ventre) comme excitant sexuel est bien connu. Du temps où l'on portait de longues chevelures, les coupeurs de tresses occupaient assez souvent la chronique des tribunaux et on n'ignore plus qu'une fois la tresse dans leurs mains, ils se trouvaient au comble de la jouissance. Fétichisme du bras, de la main. Fétichisme des fesses, normal chez certaines peuplades sud africaines et reconnu par les Grecs qui lui avaient consacré leur Vénus Callipyge. Fétichisme des odeurs, phénomène qui mériterait une longue étude étant donné son importance. Fétichisme des enfants impubères dont la femme n'est pas plus exempte que l'homme et au sujet duquel il faut rappeler que chez certains peuples, dont les Scythes, les mœurs autorisaient les relations sexuelles avec les fillettes. Fétichisme du costume, dont le gant, les dessous, le mouchoir, le tablier blanc, le bonnet de nuit, les bas, les fourrures, les éventails sont des subdivisions. Stanley Hall dans le Journal américain de Psychologie (vol. VIII) explique l'amour pour les fourrures par le souvenir d'une époque où les relations avec les animaux étaient beaucoup plus intimes que maintenant ou par celui des âges où nos ancêtres étaient velus. Une autre subdivision du fétichisme du costume est l'excitation produite par la femme en costume religieux, mais la recherche des origines (vestales, etc.), m'entraînerait trop loin. On a connu un juge d'instruction (Dr Emile Laurent, dans l'Amour morbide) qui éprouvait un attrait presque irrésistible pour le costume des prisonnières. Fétichisme des travestis. Fétichisme des monstruosités ou difformités.

On me reprochera peut-être de n'avoir parlé ni du sadisme ni du masochisme. Mais ni le sadisme ni le masochisme ne peuvent, selon moi, être englobés dans le symbolisme sexuel ou érotique. Le sadisme consiste à se procurer de la jouissance sexuelle en faisant souffrir autrui ou en étant témoin de ses souffrances, alors que le masochisme est le moyen de se procurer cette même jouissance en se faisant infliger de la souffrance par autrui. Cela n'a rien à faire avec le véritable symbolisme ou fétichisme sexuel physiologique qui n'associe nullement la douleur à l'amour. Ainsi, le vampirisme ou la recherche de la jouissance sexuelle par la profanation des cadavres n'a rien à faire avec le sadisme ou le masochisme; aucun désir d'infliger ou de subir une souffrance quelconque n'existe en effet dans la nécrophilie. Pas plus qu'il n'en existe dans l'excitation par les statues. L'exhibitionniste, le fétichiste qui s'empare d'un gant, d'un mouchoir, d'une mèche de cheveux, etc., pour se procurer une excitation sexuelle ne cherche aucunement à infliger de la souffrance et n'établit aucun rapport entre la douleur et la volupté.

De Sade, qui a donné son nom au sadisme, est un précurseur en fait de psychopathie sexuelle, dont quelques esprits avertis commencent à reconnaître le talent. Il a combattu toutes les valeurs morales de son époque et s'est efforcé de démontrer dans ses romans que ce sont ceux qui sont les gardiens de la moralité qui en font le plus fi. Rappelons qu'on peut établir des parallèles profitables entre de Sade (qui florissait à la fin du XVIIIème siècle), Schopenhauer, Stirner et Nietzsche. On peut même se demander s'il n'a pas influencé le solitaire de Sils Maria.

De Sade était malthusien. Dans la Philosophie dans le boudoir, Mme de Saint-Ange parle comme les néo­ malthusiens actuels. Il était contre le respect des propriétés. Alcide Bonneau a fait remarquer, dans la Curiosité littéraire et philosophique, que, dans son premier mémoire sur la Propriété (1840) « La Propriété c'est le vol », Proudhon développe exactement les mêmes idées que Dorval, un autre héros de la Philosophie dans le Boudoir.

Lorsqu'au Vème Congrès de la Ligue mondiale pour la Réforme sexuelle, le Dr Magnus Hirschfeld déclare qu'il n'est pas une des formes prises par l'instinct sexuel « si anormale qu'elle nous paraisse » qui ne soit au fond « normale, justifiée, en tout cas irrésistible », ceux qui ont étudié le problème ne peuvent qu'être d'accord avec lui. Le grand malheur cependant pour l'anormal, pour le symboliste, le fétichiste sexuel, c'est qu'en dépit de toute la littérature savante ou profane (lue par une infime minorité d'ailleurs), il n'est compris par presque personne. L'amant normal a derrière lui la foule des autres êtres humains qui agissent comme lui, son espèce, son sexe, sa nation. Même l'amant inverti rencontre des individus dont les aspirations sont semblables aux siennes et auxquels il peut s'associer. Mais l'anormal sexuel, moyen, équilibré, du fait de son éducation, s'imagine qu'il est seul au monde. Son désir le plus sacré, pour ainsi dire, ceux qui l'entourent le considèrent comme une obscénité dégoûtante ou un enfantillage absurde, sinon comme un vice exigeant l'intervention de la police.

Ses contemporains ont oublié que l'adoration du pied, le respect pour les actes et les produits de l'excrétion, la cohabitation avec des animaux, la solennité de l'exhibition des organes de la reproduction, tout cela « c'étaient pour des ancêtres qui ne sont pas très lointains, le support des conceptions les plus élevées et des ardeurs religieuses les plus profondes ». Le voilà seul. Rien d'étonnant à ce que cet isolement influe sur son moral. Et ce n'est pas le châtiment qui le sortira de cette situation, s'il n'est pas assez « habile » ou « perspicace » pour y échapper.

Si on s'occupe de l'inverti sexuel, personne ne s'occupe du symboliste, du fantaisiste sexuel. C'est qu'il n'a pas à présenter une lignée de grands ascendants intellectuels, lui. Les grands intellectuels fétichistes se gardent bien de se proclamer tels : ils sont encore trop esclaves de l'opinion publique, de l'opinion de leur milieu. Malgré la fréquence des symptômes de morbidité congénitale (comme s'il n'y en avait pas parmi les normaux) de

« toutes les manifestations de la psychologie sexuelle les phénomènes relevant du fétichisme sexuel sont ceux qui sont le plus spécifiquement humains ». Plus que tous les autres, ils présupposent une force plastique très développée de l'imagination. Ils nous montrent à nu l'homme individuel, non seulement séparé de ses contemporains, mais en opposition avec eux, et forcé de créer tout seul son propre paradis. Ils constituent le triomphe suprême de l'idéalisme humain » (Havelock Ellis : Le symbolisme érotique).

Dans son Précis de Psychologie sexuelle (Alcan 1934), Havelock Ellis reste fidèle à lui-même, déclare à nouveau : « J'ai toujours cherché à montrer qu'il n'y a pas de limites tranchées entre le normal et l'anormal. Toutes les personnes normales sont anormales à tel ou tel point de vue, et les anormaux sont toujours menés par des impulsions fondamentales semblables à celles qu'éprouvent les normaux. »

On comprend que dès lors qu'il n'y a ni violence, ni fraude, ni cruauté, ni dol,

« l'anomalie sexuelle » ait paru, à maint esprit dépouillé de préjugés, tout autant fondée que les autres propriétés de l'homme à revendiquer sa place au soleil. Il ne faut pas oublier ici cette phrase de Nietzsche : « Sans une certaine exaspération du système sexuel, nous n'aurions pas eu Raphaël. »

L'attitude des individualistes anarchistes à l'égard des fantaisistes sexuels (titre sous lequel j'englobe les anormaux, les pervers, les déviés, les symbolistes, les fétichistes, etc.) n'est pas plus dictée par la répulsion que leurs actes inspirent aux moralistes que par la classification arbitraire en sains ou morbides. Ils ne se demandent pas non plus si les fantaisies dont il est question sont congénitales ou acquises, guérissables ou irrémédiables, etc. Ils acceptent tout simplement leur existence.

Deux conditions se présentent :

Ou les fantaisistes sexuels sont des autoritaires, c'est­à-dire entendent, pour la réalisation de leurs fantaisies, - dont la plupart ne peuvent s'accomplir qu'en compagnie - user de violence ou de contrainte à l'égard d'autrui ; et, dans ce cas, il n'y a pas à hésiter, il faut se défendre contre eux, comme il importe de se garer de tous ceux qui, dans un domaine quelconque, politico-économique, éthique ou intellectuel, s'arrogent d'utiliser la contrainte ou la violence à l'égard d'autrui ; et il ne faut pas faire de distinction. Quiconque, groupe ou personnalité, pour arriver à ses fins, se sert de la violence ou de la contrainte, est dangereux pour l'individu comme pour le milieu.

Ou bien les fantaisistes sexuels n'usent ni de violence ni de contrainte, c'est-à-dire que, pour trouver des compagnons de pratique, ils ne recourent qu'à l'invite ou à la publicité, qu'à la persuasion ou au graphisme verbal ou figuré, et ne s'adressent qu'à des personnes en état de les comprendre : autrement dit font tout ce qu'accomplissent les associationnistes de toute espèce pour se gagner des amis ou des adhérents.

Intervenir alors - selon les individualistes anarchistes - est du domaine de la persécution, quel que soit le prétexte invoqué ou inventé. Est persécution toute action légale ou administrative ou autre ayant pour but d'empêcher une personne parvenue à l'âge où elle est capable de passer contrat, de disposer (dans des buts sexuels ou érotiques) comme il lui plaît de tout ou partie de son corps.

À vrai dire, quand on y regarde d'un peu près, on s'aperçoit vite que les plus acharnés persécuteurs des fantaisistes sexuels ou érotiques sont, dans leur genre, eux aussi, des fantaisistes : mais excessivement dangereux. Je parle des sincères comme des hypocrites.

Je conclus en disant que les ruines et les désastres accumulés par les « fantaisistes » religieux ou moraux, pour ne citer que ces deux catégories - ceux-là par le dogme (dont la naissance miraculeuse du Christ est un type caractéristique) - ceux-ci par la morale, qui vise à faire le bonheur de tous ceux qu'elle s'assujettit par une réglementation écrite qui ne satisfait peut-être pas le dixième des hommes - ne peuvent être mis en parallèle, comparativement parlant, avec les quelques accidents auxquels a pu donner lieu l'exagération de certaines fantaisies sexuelles. De temps à autre, la chronique judiciaire attire l'attention publique sur un cas d'anomalie sexuelle ou érotique dont le danger est très souvent et à dessein amplifié et qui n'aurait eu aucune répercussion s'il était resté secret : mais que sont ces cas isolés et assez rares par rapport aux crimes innombrables qu'ont perpétrés les perversions et les fanatismes politico-économiques, religieux ou moraux ? Il est dans le rôle des individualistes anarchistes de proclamer, de défendre le droit du fantaisiste sexuel (dès lors, je le répète, qu'il n'entend user ni de violence, ni de contrainte) à s'associer à autrui, à faire comme tout autre associationniste, de la publicité pour entrer en relations avec d'autres fantaisistes de son genre et de protester chaque fois qu'on le persécute et qu'à l'encontre de ce qui se fait pour les entrepreneurs de distractions et d'amusements de toute espèce, on lui interdit de publier des journaux, des tracts ou des brochures, etc., traitant des variétés sexuelles qui lui tiennent à cœur. Réclamer, revendiquer la liberté d'expression, de réunion et de publicité s'entend pour les individualistes dans tous les domaines, ce qui est d'ordre sexuel ou érotique inclus.

- E. ARMAND.