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TACHERONAT

D’où vient le mot ? D’où vient la chose ? C’est le tâcheron qui a créé le tâcheronat. Cet intermédiaire, nocif à l’organisation actuelle du travail collectif, pouvait faire mieux que de créer un système malfaisant et parasitaire semblable aux individus qui l’engendrèrent.

L’exploitation de l’homme par l’homme, d’essence monstrueuse, ainsi que la bourgeoisie capitaliste, ne peuvent enfanter que des monstres. En essayant d’exposer la psychologie du tâcheron, je n’ai pas fait autre chose qu’exposer tout le système du tâcheronat.

Si le tâcheron est un phénomène individuel exécrable parmi la Collectivité des exploités, on se rend facilement compte que le tâcheronat est une plaie sociale à combattre, un fléau redoutable à éviter, à supprimer.

Les gars du bâtiment l’ont caractérisé ; ce fléau est un dessin et le titre d’une brochure de propagande contre le tâcheronat. Ce dessin représente une hideuse pieuvre. C’est bien la pieuvre qui s’étend sur le travailleur s’il n’est organisé pour s’en défendre. Il ne suffit pas de trancher une ou plusieurs des tentacules du Monstre, il faut le détruire complètement.

En différents congrès corporatifs, ont été exposés, mis en relief tous les méfaits du tâcheronat. Des rapports ont été discutés, des ordres du jour votés, des propositions émises et, cependant, le mal existe encore. Il n’y a que la force et la cohésion des victimes, leur entraide, leur action commune qui en viendront à bout. Lest syndicalistes révolutionnaires des corporations atteintes paf le fléau savent cela et ne manquent ni d’énergie ni de persévérance pour parvenir à triompher totalement de cette plaie sociale. Car il n’y a pas à compter sur une législation sociale impuissante. Il n’y a que l’action, répétons-le, pour aboutir à des résultas efficaces.

Le tâcheronat ne peut déplaire aux exploiteurs ni au gouvernement qui, de quelque nuance politique soit-il, est au service des exploiteurs, aux ordres des capitalistes. Or, nous savons trop ce qu’on en peut attendre.

C’est par l’action directe, isolée au collective, qu’un arrivera peut-être à détruire ce mal social qu’est le tâcheronat. Ce n’est pas par des mots mais par des faits que s’illustre la guerre sociale de chaque jour. On sait bien en haut lieu les malfaisances des tâcheront qui volent les travailleurs français et étrangers, en prélevant sur les salaires dont ils sont les distributeurs, en retenant sur ces salaires, si peu élevés, la nourriture et le logis ; car tout le monde sait que la plupart des tâcherons ou sous tâcherons sont gargotiers et logeurs. Ils nourrissent grossièrement, avec d’intéressants profits, la multitude embauchée par eux, et les abritent mal en des baraquements provisoires où l’hygiène est inconnue. Ainsi, le misérable salaire donné par le tâcheron au rude travailleur exploité lui est aussitôt retenu ou repris pour sa nourriture et son logis.

C’est la pieuvre !

Rien à faire contre cela ? Non, rien à faire si l’on compte sur les patrons ou les gouvernants, sur les politiciens ou sur les philanthropes !... Mais tout à faire par le syndicalisme révolutionnaire préconisant l’éducation, l’organisation et l’action pour écraser la pieuvre ! La sale bête, férocement suceuse du sang des travailleurs qui se laissent prendre, hélas !, par toutes les ventouses de ses tentacules, ne disparaîtra pas d’elle-même : il faut qu’on la tué ?

C’est le tâcheronat qui favorise (et qui en profite) la main-d’oeuvre étrangère odieusement exploitée, puis délaissée et sacrifiée.

C’est le tâcheronat qui attire en France des légions de miséreux, venus de partout pour vivre, en certaines époques de crise sociale. Les malheureux de nos colonies et des pays voisins, crevant de faim, sont faciles à exploiter en grand nombre.

On ne saura jamais combien il y eut de morts pour des travaux infects sur des chantiers dangereux, des usines, des ateliers, des locaux malsains, en des climats dangereux. Et combien on a trouvé d’autres ouvriers, remplacés si facilement, en les recrutant par des promesses mensongères ! On ne dit pas quelles hécatombes de prolétaires ont été faites pour des grands ou petits travaux dont se glorifient les gouvernements et dont se sont enrichis nos parasites de toutes espèces, y compris les tâcherons.

Georges YVETOT