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TÉLÉGRAPHIE n. f. du grec tele (loin) et graphein (écrire)

Les télégraphes sont des appareils destinés à transmettre à distance, par l'intermédiaire de l'énergie électrique, des signaux conventionnels, ceux-ci étant interprétés par la personne qui reçoit les signaux, ou par un mécanisme approprié pour être traduits en langage courant.

Les premiers essais de télégraphie électrique remon­tent à 1774 : le français Lesage transmit des signaux par fil à distance en utilisant une source d'électricité statique. Il avait tendu 24 fils représentant 24 lettres ou chiffres ; le transmetteur était une machine statique avec laquelle on élevait le potentiel du fil correspon­dant au caractère que l'on voulait transmettre ; le ré­cepteur était pour chaque lettre ou chiffre, une balle de sureau placée à proximité du fil correspondant.

En 1811, Sommering utilisa, le premier, les courants électriques et pour les déceler le seul système connu : le voltamètre. La ligne était un câble de vingt quatre fils chacun pouvant être mis en communication avec une pile de Volta., et transmettant ainsi une lettre ou chiffre. Le récepteur était une série de vingt quatre voltamè­tres ; celui qui correspondait à la lettre transmise l'indi­quait par un dégagement de bulles dans le liquide.

Ampère, en 1820, substitua aux récepteurs voltamétri­ques des aiguilles aimantées que les courants faisaient dévier ; il conserva les vingt-quatre fils.

L'inventeur du télégraphe Morse, cet appareil simple mais génial, est un américain, le peintre Samuel Finlay Breesse Morse qui dut insister près des gouvernements, de 1832 à 1837, pour faire prendre en considération son idée et faire essayer son télégraphe, dont il avait fait construire un modèle encore grossier.

En 1837, Steinheil indiqua les avantages du retour par la terre.

Ce n'est qu'en 1853 qu'on installa des télégraphes électriques en France où la télégraphie aérienne inven­tée par Chappe rendait, depuis longtemps, des services. Le premier modèle de télégraphe installé dans les ré­seaux français fut le Foy-Bréguet dont le récepteur comportait deux bras reproduisant, par leurs positions, les signaux du télégraphe Chappe.

En 1912, la longueur des lignes télégraphiques était en France de 190.000 kilomètres, représentant plus de 700.000 kilomètres de fils.

Divers types de télégraphes. - D'une manière géné­rale, quel que soit le système, la transmission des si­gnaux se fait par émission du poste transmetteur de courants de faible durée, de même sens ou de sens con­traire ; l'appareil récepteur fait connaître l'ordre, la durée, et le sens des courants émis.

Les durées d'émission sont, dans certains systèmes, de deux espèces : très courtes et longues (1/3 de secon­de environ). Combinées avec le changement de sens du courant, elles donneraient 4 signaux conventionnels. Les appareils existants n'utilisent pas cette combinaison. Les signaux sont donc seulement au nombre de deux, différenciés soit par leur durée soit par le sens du cou­rant qui les transmet.

En dehors des appareils imprimant, Hugues, Baudot et dérivés, on emploie un code de signaux appelé alphabet Morse, composé uniquement de points et de traits.

Dans les systèmes où le courant est de sens constant, les points sont évidemment représentés par les émis­sions très courtes de courant et les traits par les émis­sions longues. Dans les systèmes où le courant est inver­sé, on n'émet que des courants très courts, ceux d'un sens représentant les points de l'alphabet Morse, ceux de sens contraire représentant les traits.

De nombreux modèles de télégraphes ont été, à cer­taines époques, en faveur. Citons le télégraphe Breguet encore en usage sur de nombreuses lignes de chemin de fer français et qui consiste en un manipulateur tour­nant, conduit à la main par l'agent du poste transmet­teur, qui lui fait parcourir un cadran horizontal sur le pourtour duquel sont inscrits les lettres de l'alphabet et les chiffres et en un récepteur constitué par une aiguille qui parcourt un cadran vertical sur lequel sont égale­ment marqués les lettres et les chiffres. Chaque signe de rang pair du manipulateur correspond à une par­tie en relief du manipulateur qui établit un contact et donne lieu à un courant commandant au poste récepteur l'attraction de l'armature d'un électro-aimant. Cha­que signe de rang impair correspond à une encoche et le manipulateur au passage de ce signe rompt le cou­rant et provoque au récepteur la libération de l'arma­ture de l'électro. Celle-ci, rappelée par un ressort, en­traîne, par un mouvement à ancre, une roue sur laquel­le est montée l'aiguille, de sorte que celle-ci accomplit un mouvement rigoureusement synchrone de celui du manipulateur. Lorsqu'on arrête celui-ci sur une lettre, l'aiguille du récepteur s'arrête sur la même lettre et c'est ainsi qu'elle est transmise.

Il ne faut pas oublier de citer le pantélégraphe de Caselli qui transmettait les dessins et l'écriture.

Actuellement, on transmet régulièrement l'écriture autographe de Paris aux principales grandes villes à l'aide du téléautographe Edouard Belin, qui est l'appareil le plus parfait dans ce genre, lequel a donné lieu à beaucoup d'inventions.

Enfin, un appareil remarquable est celui qui imprime dans les banques les nouvelles financières émises à tout instant par un établissement central. Les mots et les nombres sont inscrits comme sur une feuille imprimée ; les retours à la ligne se font automatiquement ; le fonc­tionnement en est sûr.

Sounder. - Les agents de télégraphes peuvent déchif­frer les messages transmis par l'appareil Morse au son, et sans regarder la bande qui n'est plus qu'un moyen de contrôle. Dans certains pays, en Amérique en par­ticulier, on supprime même cet enregistrement et le son est amélioré en remplaçant l'électro par un relais action­nant une sorte de récepteur téléphonique émettant un son musical et qu'on nomme sounder.

Système Wheatstone. - Ce système ne transmet que des points, mais les courants qui les produisent sont de sens alternés suivant qu'on veut représenter les points ou les traits du code Morse. La bande imprimée porte deux lignes de signes ponctuels. Ceux de la ligne du haut sont les points du code Morse, ceux de la ligne du bas sont les traits.

La transmission se fait mécaniquement par des ban­des perforées au préalable dans des appareils spéciaux. La perforation suivant la ligne centrale est à espace­ment régulier, et sert à l'entraînement de la bande. La perforation de la ligne du haut correspond aux points. La perforation de la ligne du bas correspond aux traits.

Le débit de ce télégraphe est considérable. Il peut atteindre 300 ou 400 mots à la minute. Il faut plusieurs agents occupés à la perforation pour assurer ce débit. La réception se fait à l'aide d’un électro-aimant pola­risé.

Reperforateur imprimeur Creed. - Cet appareil traduit mécaniquement, en écriture courante les bandes perforées à la réception par le récepteur Wheatstone et imprime le télégramme ; son débit est de 125 mots à la minute.

Téléqraphe Hugues. - Ce télégraphe imprime direc­tement, en caractères courants, les lettres émises par un clavier à 28 touches.

Chaque touche du clavier commande une tige mobi­le correspondante d'une roue entraînée par un mouvement d'horlogerie et cette tige ne peut être soulevée qu'au moment de son passage dans une position, la même pour toutes les tiges. Au récepteur, une roue dite roue des types porte sur sa jante, en relief, les 28 signes correspondant aux touches du manipulateur ; elle tour­ne en parfait synchronisme avec la roue de celui-ci. Le soulèvement de la tige du transmetteur produit un courant qui détermine, au récepteur, l'abaissement de la roue des types et l'empreinte du caractère qui se trou­ve à ce moment en regard du papier.

Téléqraphe Baudot. - Il représente un perfection­nement énorme et nécessite une explication un peu dé­taillée.

La transmission et la réception d'un courant élec­trique de faible durée ne sont pas instantanées. On cal­cule suivant la distance le temps minimum nécessaire pour qu'un courant émis à l'origine de la ligne ait produit son effet et se soit ensuite annulé à l'extrémité.

Ce temps, pour la distance Paris-Bordeaux, serait d'environ quatre centièmes de seconde ; il s'ensuit que, par seconde, on pourrait envoyer vingt-cinq signaux, alors que les manipulateurs ne peuvent en expédier que cinq. Le débit des lignes peut donc être quintuplé, si l'on arrive à mettre sur chacune cinq appareils émet­teurs et cinq appareils récepteurs. Pour éviter le brouil­lage, on place à chaque poste un distributeur, le synchronisme de deux postes étant assuré, chaque distri­buteur est, pendant 1/25e de seconde, en relation avec un récepteur et un seul de l'autre poste, si bien que les signaux préparés sur les cinq transmetteurs à une cadence de cinq à la seconde, sont successivement transmis dans la ligne 0 la cadence de 1/25e par secon­de, et ils sont recueillis à la même cadence par le dis­tributeur du poste d'arrivée qui les transmet à chacun des récepteurs qui inscrivent à la cadence de 1/5e de seconde. Les signaux ne sont plus ceux du code Morse. Les lettres de l'alphabet sont représentées par des combinaisons réalisées avec cinq touches seulement, et cha­que appareil récepteur transforme ces combinaisons en caractères imprimés ; chaque appareil débite 180 mots à la minute en moyenne.

Téléqraphie en duplex. - Ce système double encore l'utilisation des lignes ; il permet de télégraphier d'un poste A à un poste B et vice-versa en n'utilisant qu'un seul fil.

On utilise à chaque poste une disposition en pont de Wheatstone.

Relais. - Le débit des lignes télégraphiques très longues deviendrait trop faible en raison du temps néces­saire pour la réception d'un signal à distance. On remé­die à cet inconvénient en divisant les lignes en sections à l'extrémité desquelles se trouve un récepteur et un transmetteur ; mais l'intervention humaine n'est pas nécessaire pour recevoir les signaux transmis et les réexpédier, le récepteur commande directement le trans­metteur ; l'ensemble constitue un relais. C'est un appa­reil très simple, constitué par un électro-aimant polarisé ou non, suivant les systèmes, et dont la palette établit ou rompt des contacts en tout semblables à ceux qui ont été établis et rompus au poste d'origine. Une pile fournit l'énergie nécessaire à chaque section.

Lignes téléqraphiques. - Pour les distances moyen­nes, le fil de fer galvanisé, un isolement moyen suf­fisent. Le retour se fait toujours par la terre, Pour les lignes sous-marines, on noie des câbles constitués par une âme conductrice en cuivre pur entourée d'un iso­lant en gutta-percha, d'un ruban de laiton pour la pro­tection contre les tarets, d'une matelassure en jute et de fils de fer assurant la protection mécanique.

Télégraphie sous-marine. - La capacité et la résis­tance d'un câble d'une certaine longueur son repré­sentées par des nombres considérables, de sorte que la période d'établissement et d'extinction d'un courant au poste récepteur est trop longue. Entre la France et l'Amérique, on ne pourrait guère envoyer qu'un signal toutes les 10 secondes, si l'on utilisait les procédés ter­restres.

Pour éviter cet inconvénient, on n'attend pas que le courant soit établi et on n'utilise que le début de la période pendant laquelle le courant a une très faible valeur, mais qu'un galvanomètre très sensible peut dé­celer. On utilisait, au début, le galvanomètre à cadre mobile, et on lisait sur une règle les déplacements du spot lumineux. Lord Relvin rendit ce télégraphe impri­meur en adjoignant sur le cadre du galvanomètre un très petit siphon en verre dont la petite branche plon­ge dans une cuve contenant de l'encre, et dont l'autre est en contact avec un papier qui se déroule. Les dévia­tions sont ainsi inscrites : celles d'un sens indiquent les points du code Morse, celles de l'autre les traits. Cet appareil est un siphon recorder.

On est d'ailleurs arrivé à monter des appareils Bau­dot en multiple aux extrémités des câbles, à l'aide de dispositifs d'amplifications appropriés.

-Alexandre LAURANT