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TÉLÉGRAPHIE SANS FIL

La télégraphie sans fil permet l'envoi de messages sans interposition de conducteur entre le poste émetteur et le récepteur. L'expé­rience fondamentale de l'induction en explique la pos­sibilité.

Un courant électrique créait autour de lui un champ magnétique, partie de l'espace où une aiguille aiman­tée est déviée de sa position d'équilibre. Inversement, les variations d'intensité d'un champ magnétique don­nent naissance dans un circuit fermé voisin, à un cou­rant électrique, qui est appelé courant induit. Par con­séquent, en disposant un premier circuit composé de plusieurs éléments de pile réunis par un fil de cuivre sur le parcours duquel nous plaçons un interrupteur, nous créons dans l'espace environnant un champ, ma­gnétique. En manœuvrant l'interrupteur, nous faisons varier ce champ. Plaçons un deuxième circuit composé d'un simple fil de cuivre fermé sur un galvanomètre à une certaine distance du premier. L'aiguille du galva­nomètre dévie à la cadence des mouvements de l'inter­rupteur. Par une combinaison de signaux longs ou courts, appelés traits ou points, nous envoyons des signaux Morse qui correspondent à des lettres, chiffres, ponctuations. Une communication sans fil a été établie.

Cette façon de procéder n'offrirait que peu d'appli­cations, car les circuits dans cette expérience doivent être rapprochés. Mais elle donne une explication élé­mentaire de ce phénomène en apparence mystérieux.

Un premier perfectionnement fut l'emploi des conden­sateurs. La décharge oscillante de ces derniers, en fournissant des courants de fréquence élevée, de dix mille à trente millions de périodes à la seconde, aug­menta la portée des stations émettrices. A la réception, un écouteur téléphonique monté avec un détecteur dé­veloppa la sensibilité.

Expliquons ici ce que l'on entend par détection. Les courants reçus en T. S. F. sont alternatifs, la somme de leurs effets polarisés est nulle : par conséquent ils n'impressionnent pas directement la plaque vibrante des écouteurs. Le détecteur transforme le courant alter­natif qu'il reçoit en un courant ondulé, toujours de même sens. Les variations d'intensité des alternances sont alors audibles au téléphone. A condition, bien entendu, que ces variations soient à fréquence musi­cale. La galène ou sulfure de plomb est le plus connu des détecteurs. Dans les réceptions sur cristal, la portion d'énergie captée par l'antenne est la seule qui fasse fonc­tionner les écouteurs. Ce qui explique la portée réduite de ces postes.

Vers 1913, un ingénieur américain Lee de Forest, mit au point la lampe à trois électrodes ou triode, qui fut l'une des inventions de ce siècle la plus féconde en applications. C'est avec ces lampes que la Télégraphie sans fil à grande distance, intercontinentale même, est devenue pratique.

Pour expliquer le fonctionnement de la lampe, il est plus simple d'examiner d'abord celui de la diode (deux électrodes seulement). Dans une ampoule vide d'air, un filament de matière incandescente, oxyde de tho­rium par exemple, est chauffé au rouge. Il laisse échap­per des grains immatériels extraordinairement ténus d'électricité négative. C'est l'effet Edison. Dans le voi­sinage de ce filament, toujours à l'intérieur de l'ampoule, nous disposons une plaque qui sera chargée positi­vement par rapport au filament. Cette plaque attire les électrons, et un courant filament-plaque est établi, mal­gré que le circuit soit ouvert. Si la plaque est char­gée d'électricité négative, aucun courant ne passe. Dans le cas d'une différence de potentiel alternative entre le filament et la plaque, le courant filament-plaque sera découpé, toujours dans le même sens. Il ne comprendra que les alternances positives. Ainsi, la diode peut ser­vir à redresser les courants alternatifs. Remarquons, qu'en polarisant la plaque à une valeur convenable, on arrive quand même à faire passer un courant alter­natif, mais sous la forme d'un courant ondulé. Il ne reste plus ensuite, par un artifice, qu'à ramener sa valeur moyenne à 0. Cet artifice pouvant être le passage à travers des condensateurs.

La lampe à trois électrodes diffère de la précédente par l'interposition entre le filament et la plaque d'une troisième électrode appelée grille. Cette grille remplit le rôle d'un robinet pour le courant filament-plaque. Chargée négativement, elle repousse les électrons ; positivement, elle favorise d'abord leur passage, ensuite, quand son potentiel augmente, elle les capte tous et il n'en vient plus sur la plaque. On peut encore compa­rer son rôle à celui d'un relais.

La lampe est utilisée comme détectrice, comme am­plificatrice, comme oscillatrice.

Fonctionnement en détectrice. - Autour d'une cer­taine valeur du potentiel de grille, appelé polarisation, les alternances positives sont seules reproduites ou presque dans le courant filament-plaque. Cette dissymé­trie permet, comme nous l'avons vu, la détection. Dans la réception sur lampe, l'énergie reçue dans l'antenne n'est pas celle qui fait vibrer la plaque des écouteurs ; elle est empruntée à la batterie d'accumulateurs, ou bien, avec les lampes modernes, au réseau. D'où por­tée plus grande des récepteurs à lampe, par rapport aux récepteurs à cristaux.

Fonctionnement en amplificatrice. - La fonction amplificatrice de la lampe résulte directement de son étude élémentaire. De petites variations de la tension grille peuvent donner, sous une différence de potentiel convenable, d'importantes variations du courant fila­ment-plaque.

Ces notions élémentaires sur la détection et l'ampli­fication permettent de comprendre le fonctionnement d'un poste simple à lampes.

Les courants qui prennent naissance dans l'antenne sont d'abord amplifiés dans une première lampe, la haute fréquence. La détectrice redresse ce courant alter­natif pour le rendre audible. Les modulations de ce courant sont à nouveau amplifiées dans la basse fré­quence. Elles viennent ensuite exciter les écouteurs. Dans des lampes disposées en cascades ou étages, ces effets peuvent être multipliés.

La liaison entre les différents étages, c'est-à-dire en­tre les circuits de chaque lampe a lieu soit par trans­formateur, par capacité ou par résistance. La combi­naison de ces différents montages permet la construc­tion d'un grand nombre de récepteurs, mais qui déri­vent tous du même principe.

Fonctionnement en oscillatrice.- Par un réglage convenable de la capacité et de la self du circuit de la grille, couplé avec le circuit de plaque, on peut faire naître dans le premier un courant alternatif entretenu. La lampe oscille. Cette propriété est utilisée en émission pour avoir des vibrations électriques non amorties. La durée constante des oscillations est une caractéristique de l'émission. Elle permet de calculer la longueur d'onde en divisant trois cent mille kilomètres à la seconde par le nombre de vibrations dans cette unité de temps. Dans les postes récepteurs, on utilise aussi cette fonction, soit dans la réaction, soit dans les postes à changement de fréquence où la lampe qui oscille joue exacte­ment le rôle d'un petit émetteur local.

Emission. - La télégraphie sans fil peut se faire de trois façons qui se différencient d'après la nature de l'onde émise.

Par ondes amorties ; dans ce cas, l'émetteur envoie dans l'espace un certain nombre de trains d'ondes amorties.

Par ondes entretenues pures, et enfin par entrete­nues modulées.

L'émission par ondes amorties est effectuée à l'aide de la décharge oscillante d'un condensateur. Ce con­densateur étant périodiquement chargé par un alter­nateur (modèle à éclateur tournant). Dans ce système, le nombre de décharges à la seconde, qui est égal à la fréquence de l'alternateur, donne la note musicale de l'émission. La longueur d'onde n'a rien à voir avec cette fréquence, elle est seulement fonction des carac­téristiques en haute fréquence des circuits, c'est-à-dire de leur self-induction et de leur capacité. Entre l'alternateur et le condensateur on place un transforma­teur dont le rôle est d'élever la tension, afin d'avoir le voltage le plus grand aux bornes du condensateur. La manipulation se fait sur le circuit primaire de ce trans­formateur. Ce genre de télégraphie est pratiqué en cam­pagne par les armées, ou les explorateurs, à cause de sa rusticité et de son faible encombrement, mais son ren­dement en portée n'est pas très grand ; c'est tout juste si l'on arrive à communiquer à cent kilomètres. Les premiers postes d'aviation étaient de ce type là.

L'émission en entretenue pure se fait à l'aide de pos­tes à lampes. C'est en faisant osciller une lampe, com­me nous l'avons vu précédemment, que l'on arrive à avoir une émission. Ici, l'onde obtenue est rigoureuse­ment alternative, c'est-à-dire que, pour chaque pério­de, l'alternance positive est égale à la négative. Par un manipulateur, on interrompt ou on rétablit cette émission à la cadence du Morse. Dans ce système, nous allons voir que les récepteurs ordinaires, comme ceux qui pouvaient capter les amorties, seraient inutilisables. En effet, après détection, on obtiendrait pour un point, un court courant continu, et pour un trait un courant continu plus long. Mais le courant continu n'a aucune action sur l'écouteur téléphonique ; tout juste à l'interruption et à la reprise du courant pourrait-on entendre un toc provenant du collage ou du décollage de la plaque d'écouteur d'après l'électro-aimant. Il exis­te heureusement deux moyens pour faire vibrer la pla­que de l'écouteur dans ces conditions. C'est le Tikkers et l'Hétérodyne.

Le tikkers est analogue au système d'une sonnerie fonctionnant sur courant continu. On arrive, par un artifice de plaque vibrante et d'électro-aimant, à couper et à rétablir le courant. Celui qui écoute la communication, par un réglage de l'élasticité de la lamelle vibran­te (vis pointeau) arrive à modifier le son de son écou­teur.

L'hétérodyne n'est pas autre chose qu'un petit émetteur local dont les ondes propres viennent s'ajouter à l'onde reçue. Lorsque les deux longueurs d'onde sont voisines, on entend des battements, phénomène connu de la physique vibratoire, et ce sont ces battements, coupés ou rétablis à la cadence morse que l'on entend dans l'écouteur. Remarquons que, par un réglage de la self ou de la capacité du circuit de la lampe hété­rodyne, on change sa longueur d'onde et, par consé­quent, la fréquence des battements. D'où réglage de la note à la réception.

Dans l'émission en entretenue modulée, c'est au poste émetteur lui-même que l'on ajoute l'onde de l'hétéro­dyne. A ce moment, n'importe quel poste récepteur peut l'écouter. C'est ce dernier système qui est le plus fré­quemment employé. L'écouteur ne peut pas modifier la note de la transmission, qui ne dépend que des carac­téristiques de l'émission.

Disons quelques mots sur la propagation des ondes entre deux points de la surface terrestre. Considérons sur le globe terrestre un point de sa surface où nous supposons placé le poste émetteur. Soit B le poste récep­teur. Les ondes ne se propagent pas en ligne droite en pénétrant dans l'écorce terrestre. Elles glissent le long de la surface de la terre dans la direction du grand cercle allant de A à B. Cette hypothèse du glissement à la surface de la terre a du être admise dès le début de l'utilisation pratique des ondes électromagnétiques en T. S. F., car il est impossible de se rendre compte des réceptions à grande distance par propagation direc­te à travers la terre, par suite de l'absorption énorme que subiraient ainsi les ondulations.

La propagation par glissement superficiel, onde de surface, convient pour expliquer les portées effectuées à l'aide d'ondes longues. Mais les ondes courtes de 10 à 100 mètres sont de plus en plus fréquemment utilisées par les stations commerciales.

On a admis une réflexion sur une surface conductrice située dans la haute atmosphère, à quatre vingt kilomè­tres environ, et appelée couche de Heaviside-Kennelly des noms de ses deux théoriciens. Cette couche conduc­trice serait due à une ionisation de l'air raréfié, ionisa­tion produite par les rayons émis du soleil.

Elle varierait en hauteur suivant les heures du jour et les saisons. La propagation des ondes courtes d'une station à une autre très éloignée pourrait donc se pro­duire suivant un chemin brisé, donné par deux réflexions successives sur la couche ionisée. La station émettrice serait entendue très loin, et pas du tout dans son voisinage. C'est l'effet de rebondissement ou « skip effect » des Américains.

Au voisinage de l'émission, les ondes de surface inter­viennent seules dans la propagation et la proximité de la terre les arrête, les freine rapidement. Cette circons­tance peut expliquer les réceptions faibles ou nulles en France de stations nationales sur ondes de 35 mètres, par exemple, et qui au même moment sont entendues avec beaucoup d'intensité au Brésil ou en Indo-Chine. Des zones de silence peuvent d'ailleurs résulter de l'inter­férence des ondes de surface et des ondes provenant de la couche de Heaviside. Il y a, d'ailleurs, une longueur d'onde optimum pour réaliser une liaison donnée et qui dépend de l'heure, de l'époque de l'année, des con­ditions barométriques, etc...

On observe très nettement sur les ondes inférieures à 600 mètres, moins nettement sur les grandes ondes, le phénomène du « fading» ou évanouissement. Ce phéno­mène se traduit à la réception par des variations consi­dérables d'intensité d'audition, variation allant jusqu'à la disparition complète pendant quelques dizaines de secondes.

Ces extinctions sont le plus souvent suivies de courtes périodes de net renforcement. De nombreuses hypothèses ont été faites sur le mécanisme qui régit le « fading », il semble qu'il faille voir ici une action d'origine atmos­phérique.

Les ondes très courtes, inférieur à 10 mètres de lon­gueur, sont dites « quasi lumineuses » car leur propaga­tion s'effectue de manière très analogue à celle de sim­ples rayons optiques, propagation en ligne droite. Elles ne subissent aucune réflexion sur la couche de Heavisi­de-Kennelly.

–Alexandre LAURANT.