Accueil


TEST n. m.


Qu’est-ce qu’un test ? Une définition précise et complète est difficile. Les tests ont d’abord été seulement des épreuves objectives destinées à mesurer le développement mental, les aptitudes ou les connaissances acquises par les individus (enfants, adultes). Actuellement, les applications de la méthode des tests sont telles que le sens de ce mot s’est considérablement étendu.

Pour indiquer clairement ce qui caractérise les tests, il est indispensable de les comparer aux examens.

Prenons comme exemple le plus simple et le plus répandu de ceux-ci : le certificat d’études primaires. En 1933, les candidats à cet examen qui se présentaient à Amplepuis (Rhône), eurent à subir l’épreuve de dictée et les questions qui suivent :


« La timidité. -La timidité est une infirmité chronique commune à l'espèce humaine et à certaines espèces d'animaux. Le lièvre est timide. Le loup aussi. Le singe et le chien ne sont pas timides. La souris est timide. La chauve-souris encore plus. Le moineau n'est pas timide. La taupe l'est au point de rentrer dans le sous-sol comme le lombric ou ver de terre ; moins que le ténia ou ver solitaire qui, par timidité, reste toujours caché et toujours célibataire. Ce n'est pas une question de taille, de force ou de prestance. Cette timidité est de la prudence. G. de la Fouchardière ».


Questions. -1. Qu'est-ce qu'une infirmité chronique? Citez une ou deux maladies généralement chroniques?

2. Que pensez-vous de l'affirmation de timidité concernant le ténia? Comment pourriez-vous la qualifier?

3. Que faut-il pour avoir de la prestance? A qui en attribue-t-on d'ordinaire?


En présence d'un tel sujet d'examen, choisi par un inspecteur primaire, la commission d'examen, prévoyant que de nombreux échecs, non mérités, résulteraient de la difficulté des questions, en ajoutèrent une quatrième, plus facile, destinée, dans leur esprit, à permettre aux candidats de relever leur note.

La même année, à Pierre-Buffière (Haute-Vienne), les candidats eurent affaire à une commission d'examen moins prévoyante qui constata, mais un peu tard, que 56 élèves sur 84 avaient obtenu la note zéro en calcul. On nota 3 toutes les copies portant zéro et on augmenta d'autant toutes les notes de calcul. Malgré cette mesure et des repêchages, 28 candidats restèrent sur le carreau. Il est évident que les 56 candidats qui avaient tout d'abord obtenu zéro à Pierre-Buffière auraient obtenu des notes différentes si on leur avait donné des problèmes ni trop faciles ni trop difficiles mais de difficulté moyenne qui, seuls, permettent un classement des candidats. Des épreuves mal choisies ne permettent pas de distinguer les cancres des bons élèves.

Dans les examens actuels, le choix des épreuves n'est pas seul condamnable : la correction des épreuves ne mérite pas moins de critiques. Prenons deux exemples, empruntés aux résultats de 1933 : en Ardèche, à Saint-Pierreville, 27 candidats : 10 échecs ; à Rochemaure, avec les mêmes épreuves, 54 candidats : 5 échecs. En Seine-Inférieure, à Saint-Valéry-en-Caux, 51 candidats : 3 échecs ; à Foucarmont, avec les mêmes épreuves, 38 candidats : 27 échecs.

Au sein même des commissions d'examen, que de différences! Chaque membre d'un jury a sa façon de noter et cette façon varie elle-même suivant le temps et l'humeur du correcteur ; tel travail jugé bon en juin apparaitra - au même examinateur - médiocre à quelques semaines de là.

Bref, les résultats des examens dépendent, dans une trop faible mesure de la valeur des candidats. Inégalité des épreuves, inégalité lors de la correction sont deux gros défauts que les auteurs de tests s'efforcent d'éviter.

Un test est une épreuve étalonnée : cette épreuve a déjà été donnée à un nombre assez élevé d'enfants (au moins cent du même âge et du même sexe). On dit qu’une épreuve est caractéristique d'un certain âge lorsqu'elle est réussie par 75% des enfants de cet âge. Une épreuve étalonnée permet de comparer un enfant avec les enfants de son âge et de dire, par exemple : Paul, en problèmes, a obtenu une note qui lui fait attribuer le rang percentile 40, c'est-à-dire que 60 p. 100 des élèves de son âge se classent avant lui et 39 après.

Un test est une épreuve standardisée : « Les résultats du test sont isolés de façon objective. En effet, de nombreuses épreuves sont conçues de manière à ne présenter qu'une solution correcte ; dans d'autres, le sujet doit choisir entre plusieurs réponses indiquées d'avance et arrangées de manière à ce qu'il y en ait une qui soit la meilleure ; d'autres fois, on laisse le sujet libre d'envisager une réponse et le problème peut comporter plusieurs solutions admissibles ; mais, dans ce cas, les réponses possibles sont tablées d'avance et cotées empiriquement d'après un barème établi » (Mlle Weinberg).

La façon de donner et de corriger le test est si nettement précisée, que deux correcteurs, faisant usage de ce test, noteront de même façon.

Un test est une épreuve dont le but est précisé et limité. « Ainsi, dans les tests de connaissance, on peut distinguer le bagage des connaissances, la compréhension des problèmes, le maniement des techniques ». Dans les tests d'aptitude, les épreuves sont adaptées à l'aptitude à dépister « de telle sorte que cette aptitude soit à peu près la seule qui puisse se manifester quand on les exécute. On a ainsi des tests d'attention, de mémoire, de raisonnement, de jugement, d'habileté motrice, etc.)

A côté des tests de connaissance (examens plus objectifs que les examens ordinaires), il existe des tests de développement, qui permettent de savoir si l'enfant testé est au-dessus ou au-dessous de son âge, s'il est avancé ou retardé, et des tests d'aptitudes qui révèlent certaines dispositions naturelles, par exemple de dire que tel enfant a une mémoire des mots au-dessus de la moyenne des enfants de son âge et préciser en indiquant le percentile. « Si l'on vous dit qu'un enfant de huit ans a pu répéter 5 mots sur 15, qu'il a pu faire en une minute 8 additions, qu'il écrit 90 lettres à la minute... ces chiffres ne vous permettent aucunement de déterminer ni même de deviner laquelle de ces aptitudes est prépondérante chez lui. Un coup d'œil sur les tables de percentilage, qui ramènent ces valeurs diverses à une même échelle, vous apprendra qu'il se classe ainsi :

Percentile

Mémoire des mots................................................................50

Additions ...........................................................................100
Rapidité d'écriture................................................................75

et que, par conséquent, c'est chez lui le calcul qui dépasse les autres aptitudes considérées » (Claparède).

Il y a aussi des tests d'entraînement ou tests correctifs qui ne rappellent en aucune façon les examens et sont des exercices destinés à remédier aux points faibles des élèves. (Exemples : tests pour apprendre à faire les retenues dans les soustractions ; tests pour apprendre à écrire correctement, sans confusions, les infinitifs en er, les participes passés en é et les imparfaits en ait, etc...).

Enfin, les tests d'enquête, employés par les inspecteurs, ne renseignent pas sur l'élève très individuellement, mais sur le rendement moyen d'une école.

Après avoir indiqué en raccourci une classification des tests selon les buts poursuivis, nous devons indiquer une autre classification qui tient compte de leur mode d'emploi. Il y a, en effet, des tests collectifs employés simultanément avec des groupes d'individus et des tests individuels qui exigent que les individus à tester soient pris isolément. Les premiers sont d'un emploi plus rapide, mais ils n'ont, généralement, pas autant de précision que les seconds.


Exemples de tests :


1° La cruche est au lait ce que (?) est aux fleurs.

1) tige ; 2) feuille ; 3) eau ; 4) vase ; 5) racines.


2° Un proverbe dit : « Qui sème le vent récolte la tempête », ce qui veut dire :

1) Qu'il faut semer pour récolter ; 2) que le temps va changer ; 3) Que celui qui fait du mal aux autres en supporte parfois les conséquences ; 4) Qu'il faut cultiver la terre.


3° Phrase à mettre en ordre : « Sommes la pour de heure bonne nous campagne partis ».


4° Test de raisonnement : Si Georges est plus âgé que Louis et si Louis est plus âgé que Jacques, alors Georges est (1) que Jacques.

1) Plus âgé que ; 2) plus jeune que ; 3) aussi âgé que ; 4) on ne peut pas dire.


Ces exemples ne sont que des extraits abrégés ; ainsi, le 3° est accompagné de deux autres phrases en désordre d'indications pour l'emploi et la notation :


« On dit : voici une phrase dont les mots sont tous mélangés, et qui n'a point de sens. Si les mots étaient rangés en ordre, ça ferait une bonne phrase. Regarde bien, et tâche de me dire comment la phrase devrait être. Si le sujet ne réussit pas la première phrase, la lui lire correctement en lui montrant chaque mot. Puis continuer. Une minute par phrase.


Notation. - Réussir deux phrases sur trois. Compter 1/2 pour toute phrase qui, quoique complète, est mal construite, exemple : Pour la campagne, nous sommes partis de bonne heure. Autoriser les corrections et modifications spontanées ».

Cette épreuve fait partie d’une série de tests de développement de 12 ans. Il en est de plus difficiles qui conviennent au classement des intellectuels et nos lecteurs en jugeront par les deux questions suivantes qui font partie d'un même test.

« I. - D'après les renseignements sur les tailles respectives des diverses personnes désignées ci-dessous par leur prénom, répondez aux cinq questions qui vous sont posées, en mettant dans les trois premières le mot qui manque (plus, moins, aussi) si la réponse vous paraît possible, et sinon, on écrivant en marge : « réponse impossible », en donnant le nom qui convient pour les deux dernières :

« Paul est plus grand que Pierre et moins que Jacques ; Emile est plus grand que Paul et moins que Louis ; André est plus grand qu'Henri et moins qu'Emile ; Jacques est plus grand que Lucien et moins que Louis ; Lucien est plus grand que Pierre et moins qu'Henri ; Joseph est plus grand qu'Etienne et moins que Pierre.

Henri est ........ grand que Pierre ; André est ....... grand que Paul ; Joseph est ........ grand que Jacques ; Le plus grand de tous est........ ; le moins grand de tous est ......... ».

II. - Le test primitif comprenait trois épreuves mais nous laissons de côté la deuxième, trop facile et peu classante ».

III. -Vous êtes en possession d'une série de quatre couples d'anneaux fermés. Vous avez besoin de réunir ces anneaux en une chaîne continue et solide, dont tous les anneaux soient fermés. Or, on ne vous permet pas de couper ou de souder à votre gré vos anneaux : tant en coupures qu'en soudures, on n'autorise que quatre opérations en tout : est-il possible, avec ces quatre opérations seulement (tant coupures que soudures), de constituer votre chaîne continue, à anneaux tous fermés, avec vos quatre couples d'anneaux ? Si la chose est possible, décrivez comment vous la réaliserez en indiquant les numéros des anneaux sur lesquels seront pratiqués coupures et soudures, et l'ordre des anneaux constituant la chaîne au moyen de ces opérations »

Nous croyons inutile de reproduire les instructions très précises données aux expérimentateurs sur la façon de donner les épreuves et les notes ».


Emploi des tests. - Les tests pourraient permettre de répartir les élèves en classe. En particulier, dans les villes où il existe des classes spéciales pour attardés, anormaux et surnormaux, ils permettraient un triage systématique - mais cependant sujet à révision - dès le début de la carrière scolaire de l'enfant.

Plus tard, lorsqu'il s'agirait de sélectionner les mieux doués avant de les admettre dans des écoles secondaires ou supérieures, il conviendrait de tenir compte des résultats fournis par les épreuves d'intelligence et de connaissance comme aussi des observations des maîtres. On aurait tort de se fier alors uniquement aux résultats d'épreuves assez brèves, qui comportent toujours une certaine part de hasard et qui ne permettent pas de se rendre un compte très exact de la réelle valeur des enfants émotifs.


Nous avons vu que certains tests sont employés comme exercices correctifs. Les tests contribuent ainsi doublement à l'enseignement sur mesure mieux adapté à l'enfant.

Les tests peuvent servir à de multiples enquêtes pédagogiques. Ils peuvent contribuer à déterminer les meilleurs procédés et les meilleures méthodes d'enseignement Il serait dangereux cependant de leur accorder à ce sujet un crédit excessif : certaines méthodes ne peuvent être jugées sur leur résultat qu’après une expérimentation de trois ans ou plus ; or, pendant un si long temps, les élèvent se développent, évoluent, sont soumis à d’autres influences que celles de la méthode dont on voudrait juger les résultats d’autre part ; il est assez aisé de mesurer l’acquisition des connaissances, il est plus difficile d’apprécier l’influence d’une méthode sur le développement intellectuel. Les tests peuvent aider les inspecteurs à contrôler le rendement d’une école, à constater les différences importantes de niveau qui existent entre les diverses régions.


Enfin l’emploi des tests est tout indiqué en orientation ou sélection professionnelles. Dans ce cas encore, l’emploi des tests ne doit pas être exclusif. Il faut tenir compte aussi : 1° Des rapports ou fiches fournies par les instituteurs ou les professeurs sur les inaptitudes ou les aptitudes, les défauts et les qualités de caractère qu'ils ont eu l'occasion de constater dans la dernière année d'études de l'élève ; 2° des résultats d'un examen médical et plus particulièrement de contre-indications nettes concernant le métier que désirerait exercer le candidat (par exemple, le métier de tanneur qui prédispose aux maladies occasionnées par le froid est incompatible avec les affections respiratoires et rhumatismales, etc...) ; 3° Des résultats d'un examen des aptitudes motrices et psychomotrices qui sont plus ou moins fines et plus ou moins régulières ; 4° Des données statistiques sur l'état du travail et l'encombrement de certaines professions.


Les difficultés. Les inconvénients. - Les tests sont d'un emploi relativement récent et le succès qu'ils avaient connu en Amérique à la suite de l'examen des soldats et de leur sélection lors de la grande guerre, a eu un lendemain assez bref.

Comme toute nouveauté, ils ont eu contre eux la foule des conservateurs et des routiniers. Ce n'étaient pas des adversaires bien terribles.


Ils ont eu pour eux non seulement de véritables savants, mais encore une foule de gens non qualifiés, prenant leurs hypothèses pour des vérités démontrées. Ces partisans, plus dangereux que des ennemis déclarés mais sages, ont causé aux tests le plus grand tort. Alors que les personnes vraiment qualifiées n'ignoraient pas que la méthode des tests n'en était encore qu'à son aurore ; qu'elle était encore d'un maniement délicat et ne pouvait, surtout en ce qui concerne l'orientation professionnelle, donner de bons résultats qu'à la condition d'être employée par des spécialistes compétents et prudents, des illuminés et des toqués ont attribué à la méthode en général et à leurs procédés en particulier des qualités que n'avaient ni l'une ni les autres. Qu'il en soit résulté quelque discrédit sur la méthode n'a rien qui puisse surprendre. Aux Etats-Unis surtout, on a eu la superstition des statistiques et des enquêtes. Il eût mieux valu moins de statistiques et moins d'enquêtes mais un peu plus d'esprit critique et de finesse.

De nombreux propagateurs de tests parfaitement stupides se sont heureusement heurtés au bon sens d'une grande partie de la population de leurs pays.


La grande difficulté réside dans l'appréciation de l’intelligence. Comment trouver une norme qui permette de juger les réponses? Certains ont pris comme modèles les réponses fournies par des gens occupant une haute situation : directeurs, ingénieurs, etc., et c'est d'après les réponses types des individus supposés intelligents qu'ils ont jugé du degré d'intelligence des autres réponses. De tels tests permettaient de juger le conformisme et non l'intelligence.

La France n'a point commis de tels excès ; l'application des tests dans l'enseignement y a été timide ; de rares novateurs seuls les ont employés. Il n'en a pas été tout à fait de même en ce qui concerne la sélection et l'orientation professionnelles. Il existe même un Institut National d'Orientation Professionnelle qui a des professeurs d'une réelle valeur et publie un bulletin mensuel depuis 1929. Ceci s'explique sans peine si l’on songe que les intérêts des employeurs capitalistes sont plus directement en jeu. Il est certain que l’orientation professionnelle, et, partant, l’emploi des tests, a permis, dans de nombreux cas, d’augmenter le rendement et de diminuer le nombre des accidents.

Comme toujours, la société capitaliste n'utilise les travaux des savants que dans l'intérêt des capitalistes.



- E. DELAUNAY