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TUBERCULOSE n. f.

Maladie infectieuse qui, comme son nom l'indique, provoque la formation de tubercules dans une partie de l'organisme, quelquefois même dans l'organisme tout entier, la tuberculose est due au bacille de Koch, découvert par le médecin allemand du même nom en 1882. Villemin avait déjà prouvé qu'elle était contagieuse ; mais, parce qu'on manquait de colorants assez énergiques, les premières recherches bactériologiques ne révélèrent la présence d'aucun germe. Les bacilles de Koch se présentent sous la forme de bâtonnets un peu incurvés, de 1,5 à 3,5 microns de longueur et de 1 micron d'épaisseur. Dans un seul crachat de tuberculeux, on en rencontre des milliers ; dans les cultures, ils sont souvent groupés par deux et forment même de petits amas en broussaille. La lumière solaire atténue rapidement leur virulence, mais ne les tue qu'après 6 ou 7 jours d'exposition. A 50°, la chaleur humide les détruit en 12 heures ; à 70°, en dix minutes ; à 95°, en une minute. Mais ils sont très peu sensibles au froid, et résistent bien aux antiseptiques : l'acide phénique à 3 pour 100 ne les tue qu'au bout de 20 heures. Desséché, le bacille de Koch garde longtemps sa nocuité, surtout à l'abri de la lumière et à basse température. C'est un bacille acido-résistant que les uns rangent parmi les bactéries ordinaires, que d'autres rapprochent des moisissures.

La découverte d'un virus filtrant tuberculeux, déjà annoncé par le Brésilien Fontès en 1910 et bien étudié depuis, a complètement transformé les théories médicales concernant le bacille de Koch ct la tuberculose. Cet ultravirus, qui traverse les filtres Chamberland, rendrait possible la transmission intra-utérine des germes de la maladie. Il aurait d'abord l'aspect de grains excessivement petits, puis de granules cocciformes ; à leur tour, certains de ces derniers se transformeraient en bacilles très ténus qui donneraient finalement les bacilles acido-résistants de Koch. Ainsi, l'on n'avait découvert, en 1882, que l'un des stades d'évolution et l'une des formes de résistance du virus tuberculeux. Par ailleurs, la transmission héréditaire, autrefois admise, rejetée ensuite, apparait comme certaine bien que moins habituelle que la contagion post-natale. Ainsi s'expliqueraient des infections et des morts jusqu'à présent énigmatiques, comme aussi ce syndrome de dénutrition progressive qui n'est point rare chez les nouveau-nés dont les parents étaient tuberculeux.

C'est dans les ganglions trachéo-bronchiques et médiastinaux que l'ultravirus se localise de préférence ; il s'y transforme en bacilles de Koch. Mais ces derniers ne deviennent virulents et ne déterminent de lésions que s'il y a successivement plusieurs passages ou réinoculations. Une mort rapide peut néanmoins survenir par toxémie. A la suite de ces découvertes, Calmette proposa de distinguer, en matière de tuberculose : 1° la granulémie prébacillaire, caractérisée par l'absence de bacilles de Koch mais avec production par l'ultravirus d'affections généralement aiguës ; 2° la granulie où quelques bacilles normaux sont associés au virus filtrant ; 3° la bacillose ou tuberculose classique, caractérisée par la présence de nombreux bacilles acido-résistants. Il est à prévoir que des recherches plus approfondies modifieront encore les conceptions actuelles ; en médecine, comme dans les autres branches de la science expérimentale, les théories changent fréquemment. Du moins les faits demeurent, et nos hypothèses successives sont elles-mêmes des approximations qui ne sont point dépourvues de mérite.

La tuberculose peut atteindre tous les organes, en particulier la peau, les méninges, la langue, le larynx, les os et les articulations, les intestins, les reins ; mais la tuberculose pulmonaire est l'infection la plus fréquente, et c'est elle que nous étudierons ici d'une façon exclusive. Sur ce sujet, il existe d'ailleurs une littérature abondante ; nous n'entreprendrons pas de la résumer. Nous voulons seulement donner quelques indications générales qui ne peuvent ni remplacer un examen médical approfondi, lorsqu'on craint d'être tuberculeux, ni dispenser de la lecture des ouvrages spéciaux traitant de cette redoutable maladie.

Au début, des symptômes généraux, comme l’élévation thermique (38°7), le soir ou après un effort physique, une marche par exemple, doivent retenir l'attention. L'amaigrissement est assez habituel ; néanmoins il existe des tuberculeux obèses et joufflus. Dépression physique et morale, pâleur du teint, excrétion de phosphates en excès par les urines constituent des signes importants. Parmi les symptômes fonctionnels, mentionnons une toux quinteuse et souvent matinale, la dyspnée et les points de côté, les hémoptysies passagères, la tachycardie et l'hypotension, des troubles digestifs et ici perte de l'appétit. Etroitesse et aplatissement du thorax, submatité du sommet à la percussion, accroissement des vibrations à la palpation constituent, en outre, des signes physiques importants pour le médecin. A l'auscultation, il se rend compte des modifications survenues dans le murmure vésiculaire (diminution, expiration prolongée et soufflante, respiration rude et granuleuse, respiration saccadée), ainsi que des bruits surajoutés, perceptibles surtout au sommet et après la toux (craquements, râles crépitants froissements pleuraux). Radioscopie ou radiographie constituent de précieux moyens d'investigation ; lorsqu'il s'agit de lésions très petites, ils peuvent néanmoins ne rien révéler. La présence des bacilles de Koch dans les crachats constitue un signe presque constant, et parfois dès le début. On n'utilise plus guère l'injection de tuberculine, ni l’ophtalmo-réaction qui ont provoqué des accidents ; d'autres procédés font plus souvent employés. Ajoutons que l'étude des antécédents ne doit pas être négligée.

Habituellement, la tuberculose pulmonaire évolue d’une façon chronique ; les poumons, à leur sommet surtout, s'indurent, puis se ramollissent ; les tissus tuberculeux se transforment en pus et des cavernes apparaissent. C'est par poussées successives que s’accomplit cette évolution ; elle est entrecoupée de phases non fébriles et de périodes d'amélioration, assez longues quelquefois pour faire croire à la guérison ; puis de nouveaux foyers d'infection réapparaissent entraînant une issue fatale.

La tuberculose pulmonaire chronique revêt d'ailleurs différentes formes ; citons, parmi d'autres, la tuberculose ulcéro-caséeuse extensive, la tuberculose pulmonaire fibreuse, la bronchite chronique tuberculeuse. Age, conditions de vie et d'alimentation, présence de troubles pathologiques d'un autre ordre exercent une influence non douteuse sur le cours de la maladie. Fréquemment, la mort survient au bout de six mois, de deux ou trois ans ; mais le dénouement peut être beaucoup plus lent : certains vieillards catarrheux mènent longtemps une vie normale, semant autour d'eux des bacilles qui tueront leurs enfants et leurs petits-enfants ; la tuberculose pulmonaire fibreuse dure vingt ans et plus. Ajoutons qu'une guérison persistante n'est pas impossible et il convient de ne rien négliger pour l'obtenir.

La tuberculose aiguë, si rapidement mortelle, revêt trois formes. 1° Dans la granulie, le follicule tuberculeux reste à l'état de granulation ; les troubles rappellent parfois ceux de la fièvre typhoïde : fièvre élevée, ventre douloureux ; dans d'autres cas prédominent les signes de bronchite ou de broncho-pneumonie. La mort survient en quelques semaines ; 2° Dans la pneumonie caséeuse, un lobe du poumon subit une poussée évolutive et se ramollit en brûlant les étapes : beaucoup de fièvre, la toux est incessante, l'amaigrissement prodigieux, l'anémie extrême. La terminaison fatale arrive après une période allant de un à trois mois ; 3° Dans la broncho-pneumonie tuberculeuse ou phtisie galopante, la fièvre est irrégulière comme dans le cas précédent, les hémoptysies sont fréquentes, les sueurs abondantes, l'amaigrissement est rapide. Cette forme n'est pas rare chez les jeunes gens ; il faut de trois à six mois pour que la mort survienne. D'une façon générale, on observe surtout les formes aiguës chez l'enfant ; elles sont encore fréquentes chez les adolescents ; par contre, ce sont les formes chroniques que l'on rencontre ordinairement chez les adultes, et la transformation fibreuse est loin d'être une exception rarissime.

Contre la tuberculose, il convient de prescrire un ensemble de mesures hygiéniques qui ont déjà fourni d'innombrables preuves de leur efficacité. Le repos sera partiel dans la majorité des formes chroniques ; il sera total si le malade est fébrile, ce qui survient souvent dans les formes aiguës. La cure d'air est essentielle, mais elle requiert une connaissance préalable du climat. Certaines contrées trop froides, trop chaudes, trop exposées au vent ou encore humides sont à éviter ; de plus il existe des climats excitants, d'autres sédatifs, et pour connaître leur action précise sur un sujet il faut généralement un séjour d'une ou deux semaines. Les questions de durée, d'orientation, d'heure, etc..., ont aussi leur importance. D'où la nécessité d'un contrôle médical sérieux. A la cure de repos et d'air, l'on doit joindre une alimentation abondante et substantielle qui ne provoque pas néanmoins de troubles digestifs : quatre repas par jour et une nourriture reconstituante sont conseillés au malade. Ces mesures conviennent non seulement lorsque la tuberculose est à ses débuts, mais comme moyens prophylaxiques. Elles sont appliquées d'une façon rationnelle et méthodique dans les nombreux sanatoriums et préventoriums que l'on trouve maintenant un peu partout. Peut-être changera-t-on d'idées plus tard concernant l'alimentation des tuberculeux ; les expériences des naturistes devraient être examinées d'une façon impartiale par les savants qui ne redoutent point de contredire les routines officielles. Malheureusement, en médecine comme ailleurs, la vérité ne s'impose d'ordinaire qu'après des luttes pénibles et longues.

Intentionnellement nous ne dirons rien des innombrables médicaments ou drogues, ni des interventions chirurgicales, tendant à immobiliser le poumon, que l'on a préconisés. Certains médicaments ont donné de bons résultats, certaines interventions chirurgicales ont eu des conséquences heureuses. Mais, seul, un médecin qui connaît le tempérament du sujet et qui suit l'évolution de la maladie peut donner d'utiles indications, lorsqu'il s'agit de questions aussi délicates. Jusqu'à présent, aucun sérum, aucun vaccin ne s'est révélé capable de guérir la tuberculose nettement déclarée. Par contre, on conseille l'emploi du vaccin Calmette-Guérin, à titre préventif, chez les enfants nés de parents tuberculeux. Ce vaccin est une culture vivante d'un bacille bovin, dépouillé de toute propriété tuberculigène. Le nourrisson doit en ingérer trois doses dans les dix jours qui suivent sa naissance ; l'immunité contre la tuberculose dure, paraît-il, environ cinq ans. On peut renouveler la vaccination dès la fin de la troisième année et à l'expiration de la septième, puis de la quinzième année. L'avenir dira ce qu'il faut penser exactement de l'invention des docteurs Calmette et Guérin.

Peste, choléra, typhoïde, diphtérie ont engendré des épidémies redoutables, mais comme leurs apparitions, ainsi qu'en témoigne l'histoire, furent intermittentes et rares, elles n'ont pas fait autant de victimes que la tuberculose. Seuls, la syphilis et le cancer exercent des ravages comparables à ceux de la maladie que nous étudions. En France, où les pouvoirs publics ne firent rien pour enrayer ce fléau jusqu'à la guerre de 1914­-1918, il se révèle particulièrement meurtrier. C'est à 150.000 que la Commission permanente de préservation contre la tuberculose a évalué le nombre des décès annuels qui, chez nous, lui seraient imputables ; et les plus optimistes n'abaissent pas ce chiffre au dessous de 100.000. Des statistiques sérieuses semblent démontrer que, certaines années, la moitié ou presque des individus décédés entre 20 et 40 ans sont morts de tuberculose. Ajoutons qu'il est très difficile d'arriver à des évaluations exactes, car un grand nombre de décès tuberculeux sont attribués à d'autres maladies ou à des causes mal précisées. Les villes sont plus éprouvées que les campagnes ; et, du moins jusqu'à ces dernières années, Paris avait le triste privilège de détenir le premier rang, aussi bien par rapport aux principales agglomérations françaises, que par rapport à toutes les grandes villes d'Europe et même, assurent certains, du monde entier. La situation serait-elle meilleure, depuis que la lutte contre la tuberculose est à l'ordre du jour, je le souhaite, mais je manque de documents bien établis me permettant de l'affirmer. Durant les années de guerre, plus de 100.000 soldats furent réformés pour tuberculose ; beaucoup d'autres furent atteints du même mal sans parvenir à le faire reconnaître par les commissions de réforme. Un accroissement de la mortalité tuberculeuse s'en suivit : elle devint si grande, même à la campagne, que nos ineffables politiciens acceptèrent de voir prendre des mesures hygiéniques, d'ailleurs bien insuffisantes.

En Belgique, aux Pays-Bas, en Angleterre, en Allemagne, etc., la lutte contre la tuberculose, entreprise bien avant 1914, avait donné des résultats très encourageants. Alors que le nombre des décès tuberculeux était de 10 p. 100 en France, il était seulement de 6,2 en Belgique, de 7,02 en Angleterre, de 8,3 en Allemagne, de 8,0 aux Pays-Bas. Mais, chez les peuples qui prirent une part active à la dernière guerre, la recrudescence du fléau devint très sensible. C'est à la misère engendrée par l'injustice de notre organisation sociale que la tuberculose doit, d'ailleurs, de rencontrer un terrain si favorable. Alcoolisme, taudis, privations alimentaires, manque d'air salubre, facilitent singulièrement sa propagation. Les statistiques prouvent que des liens très étroits relient l'alcoolisme à la tuberculose : cette dernière sévit de préférence dans les contrées où l'on consomme beaucoup d'eau-de-vie ou chez ceux que leur profession conduit souvent au cabaret. Les logements obscurs et mal aérés ont aussi une influence néfaste ; dans certaines maisons particulièrement insalubres, la mortalité tuberculeuse s'élève à 5,54 ou même 12 p. 1.000, alors qu'elle est seulement de 1,34 pour 1.000 dans des habitations du même centre construites d'une manière conforme aux règles de l'hygiène. Cuisines, water-closets, chambres d'hôtel sont, en outre, des lieux où les bacilles de Koch abondent, dans certaines demeures pourtant confortables et propres. Parce qu'elles débilitent l'organisme, les privations alimentaires diminuent la résistance de l'individu contre les germes de la maladie ; chez les jeunes surtout, elles aboutissent à des résultats désastreux. Or combien de familles ouvrières, ne mangent pas à leur faim, même en temps normal, à plus forte raison lorsque le chômage sévit! Quant au manque d'air salubre et d'espace, il se fait vivement sentir dans tous les centres surpeuplés. L’atmosphère confinée des usines, des salles de spectacle, des écoles, des bureaux, des cafés, etc..., favorise la contamination d'une façon extraordinaire. Dans bien des bourgs ruraux, l'habitation du paysan est, d'ailleurs, aussi malsaine que le taudis ouvrier des grandes agglomérations. Jamais le soleil ne pénètre dans maintes demeures villageoises ; l'air n'y circule pour ainsi dire pas ; et une malpropreté repoussante achève d'en faire des foyers d'infection. Les professions qui ne permettent pas le travail à l'air libre prédisposent, d'une façon générale, à la tuberculose. Si la proportion atteinte pour les maçons, par exemple, est de 35 p. 100, elle variera de 64 à 85 p. 100, lorsqu'il s'agira d'ouvriers sédentaires vivant dans une atmosphère poussiéreuse. La mortalité tuberculeuse est particulièrement forte dans les prisons, dans les asiles d'aliénés, dans certaines administrations, surtout dans l'enseignement.

De toutes ces remarques il résulte que les ravages du bacille de Koch sont imputables à la société autant qu'à la nature. La rapacité des capitalistes s'est unie à l'orgueilleuse incompétence des gouvernants pour faire oublier les plus élémentaires règles de l'hygiène à nos contemporains. Par son aspect social, le problème de la tuberculose peut intéresser même ceux qui n'ont qu'un goût très limité pour les recherches médicales.


- L. BARBEDETTE