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VOLUPTÉ n. f. (du latin voluptas, dérivé fort probablement de volupe, chose agréable, plaisir, et de velle, vouloir ardemment. Volupie est, dans la Mythologie, la déesse du plaisir, du bien-être et de la santé ; fille de l'Amour et Psyché)

Vif sentiment de plaisir soit physique, soit moral. Interprété dans son double sens, volupté a une très grande extension et se prend tantôt en bonne, tantôt en mauvaise part. Les voluptés du corps. La volupté de boire quand on a bien soif, de manger quand on a très faim. Les savants trouvent de la volupté dans la découverte des vérités. Aristippe faisait consister le souverain bien dans la volupté. Se plonger, languir dans les voluptés. Les raffinements de la volupté. Ivre de volupté et d'amour. La volupté de certains parfums. Un océan de voluptés. La volupté des courbes qui rappellent la forme des croupes, des seins, des ventres. Employé dans le sens absolu, volupté signifie presque toujours plaisir des sens ; cependant on l'emploie aussi dans l'expression d'un grand enchantement spirituel : les voluptés de l'âme : « Les justes seront abreuvés dans un torrent de voluptés » (Ecrit. Sainte) ; la vertu fut toujours la volupté suprême.


Voici quelques citations d'auteurs en guise d'illustration :


« La volupté est une libertine qui se déplaît dans le mariage parce qu'il y a des liens trop serrés qui l'y attachent. » (Le Père Du Bosc.)


« La volupté est une création humaine, un art délicat où quelques-uns seulement sont aptes, comme à la musique et à la peinture. La Nature ne s'inquiète pas du plaisir, l'acte lui suffit. » (Rémy de Gourrnont.)


« La volupté est ce qui nous fait toucher du doigt la seule idée rationnelle qu'on puisse avoir du Paradis. Mahomet ne s'y est pas trompé . »

(P. Berthoud.)


« Ô Sainte Volupté qui coules dans mes veines,

Toi qui me tords les nerfs et réchauffes mon sang,

Toi qui m'as délivré de mes sublimes chaînes,

Je suis ton fils et ton disciple obéissant. » (Jules Bois.)


« On ne quitte guère la volupté que par lassitude, tant elle nous enchante, tant elle est notre paradis sur terre. » (Saint- Evremond.)


« Le plaisir qu'on m'accorde par devoir cesse pour moi d'être un plaisir, et je dispense ma maîtresse de tout devoir envers moi. Qu'il m'est doux d'entendre sa voix émue exprimer la joie qu'elle éprouve, et me prier de ralentir ma course pour prolonger son bonheur ! J'aime à la voir, ivre de volupté, fixer sur moi ses yeux mourants, ou, languissante d'amour, se refuser longtemps à mes caresses. »


« Si tu veux m'en croire, ne te hâte pas trop d'atteindre le terme du plaisir ; mais sache, par d'habiles retards, y arriver doucement. Lorsque tu auras trouvé la place la plus sensible, qu'une sotte pudeur ne vienne pas arrêter ta main. Tu verras alors ses yeux briller d'une tremblante clarté, semblable aux rayons du soleil reflétés par le miroir des ondes. Puis, viendront les plaintes mêlées d'un tendre murmure, les doux gémissements, et ces paroles agaçantes qui stimulent l'amour. Mais, pilote maladroit, ne va pas, déployant trop de voiles, laisser ta maîtresse en arrière ; ne souffre pas non plus qu'elle te devance : voguez de concert vers le port. La volupté est au comble lorsque, vaincus par elle, l'amante et l'amant succombent en même temps. » (Ovide.)


La volupté était représentée par les anciens artistes sous les traits d'une belle femme dont les joues sont colorées, les regards languissants et l'attitude lascive. Elle est vêtue d'une robe de gaze, couchée sur un lit de fleurs et tient à la main une boule de verre qui a des ailes.


La volupté en amour est un art et une science tout à la fois. Cette recherche de l'intensité dans le plaisir, qui procède généralement d'une nature ardente et d'une délicatesse des sens, a été souvent blâmée par ceux qui ne veulent voir dans la vie qu'une épreuve ou une pénitence, une épreuve pour accéder à une plus haute destinée, comme chez les spirites, une pénitence en raison du péché originel commis par nos premiers parents, selon le dogme catholique. Il est bien évident que pour tous ceux qui croient à l'immortalité de l'âme, la vie n'étant pas une fin en soi, les hommes et les femmes ont le devoir de s'astreindre à des purifications, voire à des mortifications pour mériter le ciel et l'infini ; d'où une morale faite de renoncement aux plaisirs matériels et physiques, un code des devoirs à remplir, des prescriptions à suivre, des commandements à observer en vue d'une autre ou d'autres vies. Cette morale, généralement répandue dans les pays où règne la civilisation occidentale - mais rarement pratiquée par ceux-là mêmes qui l'enseignent - nous fait comprendre le pourquoi du discrédit dans lequel est restée la philosophie épicurienne ; n'appelait-on pas ses disciples : les pourceaux d'Epicure ! On conçoit fort bien que les choses bonnes, de qualité supérieure, étant très limitées dans le monde, les « profiteurs » de tous les temps, de toutes les religions et de tous les régimes aient enseigné aux peuples soumis à leur égoïste entreprise cette morale de résignation, de renoncement aux biens matériels, aux plaisirs et à la volupté : En vérité, cette misérable escroquerie, sous prétexte d'une autre vie gagnée par l'abandon réel de celle-ci, ne laissait aux pauvres ouailles que le devoir, le travail et la reproduction. La volupté charnelle, recherchée pour elle-même, fut condamnée. Cette néfaste influence de la morale anti-physique et anti-naturelle se fait encore sentir partout, même dans les milieux où l'on se targue d'être libérés des dogmes de l'Eglise, et il est constant d'entendre parler des personnes voluptueuses ou de ceux qui recherchent la volupté en termes méprisants ou tout au moins péjoratifs.


Et cependant, pour tout être normal, sensé, non intoxiqué par l'hypocrisie d'une fausse civilisation et par les sophismes de religions abêtissantes, la recherche de la volupté est chose légitime et saine. Il est bon, il est juste, il est utile que la peine des hommes pour assurer leur pain, pour aménager la planète, pour combattre leurs maux soit récompensée par le plaisir et par la joie ; autrement la vie serait haïssable et le monde condamnable. Il faut réhabiliter la volupté, lui rendre la place qui lui revient dans la somme de nos sensations et dans la vie ; je dirai mieux : une société qui aurait le souci du bonheur de ses membres devrait en enseigner l'art, en dévoiler les sources. « Rien de ce qui est humain ne m'est étranger », disait Térence, j'ajoute : « Rien de ce qui est bon ne doit nous être interdit ». « Fils du hasard qui lança un spermatozoïde aveugle dans l'ovaire », l'homme trouve, en naissant, un monde où, le plus souvent, les peines l'emportent, et de beaucoup, sur les joies ... et il sait que sa vie est brève, que la mort le guette à chaque pas. Pour quoi, pour qui se priverait-il du bonheur de jouir largement de tout ce que lui offrent la nature et ses semblables ? La volupté est partout et dans tout : fleurs, fruits, animaux, sites, couleurs, sons, lignes, saveurs, odeurs, toucher ; elle entre en nous par tous nos sens et charme autant qu'elle avive et développe notre intelligence. Si la volupté n'était pas, il faudrait la créer. Los à la volupté qui consolera toujours l'homme sage d'être né !


- Eugène HUMBERT.