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Encyclopédie anarchiste
« La pensée libertaire constitue l’espoir et la chance des derniers hommes libres » Camus
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Education libertaire
Hugues Lenoir
Article mis en ligne le 25 janvier 2020
dernière modification le 25 février 2020

Retour sur l’encyclopédie de 1934

L’article Education dans l’encyclopédie anarchiste ne fut pas écrit par Sébastien Faure, ce qui peut étonner. Il fut rédigé par un syndicaliste révolutionnaire enseignant nommé Eugène Delauney libertaire de la CGT-U des instituteurs du Calvados.

Il considère qu’il y a 4 types d’éducation ce qui une approche assez moderne pour l’époque
« 1° L’éducation involontaire de l’enfant […] ;
2° L’éducation involontaire par les choses et les individus […]
3° L’éducation proprement dite, ou action systématique des adultes sur d’autres individus […] en vue de modifier ces derniers ;
4° L’auto-éducation volontaire (l’individu à éduquer étant son propre éducateur) ».

Dans son article, Delaunay rappelle quelques principes fondamentaux, sur lesquels je reviendrai, sans pour autant faire une allusion directe à la pédagogie libertaire en tant que telle. Il affirme : « ainsi Education et Révolution se complètent, un révolutionnaire conscient ne peut pas se désintéresser de l’Education ». Ce qui paraît aujourd’hui encore incontournable. Il affirme par ailleurs que « nous voulons éduquer l’enfant pour qu’il puisse accomplir la destinée qu’il jugera la meilleure, de telle façon qu’en toute occasion il puisse juger librement de la conduite à choisir et avoir une volonté assez forte pour conformer son action à ce jugement » et que « il est un point qui, nous semble-t-il, ne peut prêter à nulle équivoque ; l’Education est faite dans l’intérêt de l’éduqué et non dans celui de l’éducateur ». Il poursuit en rappelant que si « tout militant se sent porté d’instinct à faire de l’éducation un moyen de propagande en faveur de ses doctrines ; il voudrait faire des enfants autant de disciples ardents, prêts à la rescousse, prêts à remplacer les troupes épuisées ou meurtries. Eh bien ! Nous pensons que c’est une erreur » car cela va à l’encontre du libre développement de l’enfant. Delauney ajoute encore « il ne faut pas confondre l’instruction qui meuble l’esprit et l’Education qui le forme », ce qui n’est pas sans rappeler la tête bien faite de Montaigne. En bref, dans ce longue article un peu vieilli par certains aspects l’auteur énonce quelques caractéristiques de l’éducation telle que pensée et mises en œuvre par les anarchistes.

Une omission volontaire ?

Le plus étonnant c’est le fait que dans l’encyclopédie à laquelle il participe, Delauney ne fait quasi aucune allusion aux pratiques libertaires en Education. Seule pointe une légère critique de Robin et de l’équipe de Cempuis : « en résumé, écrit-il, ce que je reproche aux pédagogues de Cempuis, c’est de ne pas avoir tenu assez compte des réalités et de la variété des milieux éducatifs ». Rien sur les Escuelas modernas de Francisco Ferre, rien sur la Ruche qu’anima Sébastien Faure, rien sur l’orphelinat d’Epône de Madeleine Vernet, rien sur les Maitres Camarades d’Hambourg, etc. Pas plus d’ailleurs qu’il n’évoque les propos d’Albert Thierry ou d’autres théoriciens anarchistes comme Proudhon, Bakounine, Pelloutier, Kropotkine, Reclus ou d’autres sur l’éducation.

Je ne reviendrai pas sur ces expériences d’éducation libertaire aujourd’hui bien connues et référencées. J’évoquerai seulement rapidement quelques initiatives récentes. Tout d’abord l’école Bonaventure qui a fonctionné de septembre 1993 à juin 2001. Elle se définissait était définie comme une expérience d’éducation « à et par la liberté, l’égalité, l’entraide, l’autogestion et la citoyenneté ». Ecole où en respectant le libre développement des enfants, il y était affirmé qu’à Bonaventure, « l’autonomie, l’égalité, l’autogestion… s’apprennent au jour le jour, en proposant des projets, en partageant ses désirs pour qu’ils deviennent réalité ». Ecole qui de facto s’inscrivait dans une continuité avec d’autres expériences libertaires éducationnistes évoquées ci-dessus.

Autre expérience contemporaine, cette fois-ci à Paris et dans l’enseignement secondaire : le Lycée autogéré de Paris (LAP) qui en 2022 fêtera ses 40 ans. Né en 1982, le LAP s’inscrit, comme le Lycée expérimental de Saint-Nazaire, dans la lignée des expérimentations pédagogiques acceptées par Alain Savary. La démarche de l’équipe pédagogique est délibérément autogestionnaire et peut être considérée comme un laboratoire social en recherche d’une éducation toujours nouvelle. Tout est mis en œuvre pour responsabiliser les élèves vis-à-vis tant du collectif que de leur propre parcours éducatif ; ainsi, « au LAP, il n’existe ni classes, ni notes, ni obligation de présence ». La démarche pédagogique, elle est centrée sur les apprenants et sur leur projet. Au LAP, l’épanouissement intellectuel, culturel, voire éthique, de tous ceux et celles qui ont décidé de s’y inscrire et de s’y engager. Le lycée autogéré permet à chacun-e de « se trouver du temps pour se construire et pour apprendre » [1].

D’autres expériences n’ont pas abouties fautes de moyens comme le lycée autogéré et autonome de Lyon ou d’autres plus ou moins proches des libertaires comme le collège public polytechnique et coopératif à Aubervilliers ouvert en 2018, etc.

Précurseurs et praticiens de la pédagogie libertaire

Il semble aussi important de souligner ici la nature pragmatique de cette pédagogie. En effet, la pédagogie libertaire n’est pas une théorie de l’éducation surgie ex nihilo, c’est-à-dire du cerveau génial d’un penseur allemand réfugié à Londres, par exemple, mais comme l’ensemble de la théorie anarchiste : c’est une théorisation permanente de pratiques diffuses, riches et quelquefois même contradictoires. La pédagogie libertaire naît donc aussi d’une longue filiation historique, elle s’affirme comme le produit d’histoires et de pensées singulières et collectives. Elle est une, de par les principes qui la meuvent, et multiple par les pratiques et les lieux d’exercice à travers lesquels elle se revendique.

Sans remonter à l’Antiquité grecque, j’aimerai évoquer Rabelais : celui qui, selon moi, fut sans doute un précurseur, sans l’avoir su, de cette forme d’éducation libre. En effet, Rabelais, au 16e siècle, fonde à l’abbaye de Thélème [2] - lieu autrement symbolique - avec son « Fais ce que voudras » une réflexion pédagogique innovante, pour ne pas écrire révolutionnaire. Il considère que le premier moteur de l’éducation, entre gens socialisés il est vrai, est une attitude active et libre dans un espace libéré du maximum de contraintes. Il s’agit d’un lieu où l’éducation se construit par la liberté et la liberté par l’éducation. Toute la problématique de la pédagogie libertaire me semble tenir dans ce mouvement dialectique.

Autre précurseur : Charles Fourier, qui, dans un espace de vie et de production, le Phalanstère, imagine un mode éducatif dans la liberté des passions (on dirait aujourd’hui des désirs, des pulsions, des motivations et des intérêts). Il préconise, comme son disciple Victor Considérant non seulement l’éducation intégrale, celle de la main et de l’esprit chère aux anarchistes - de P.-J. Proudhon à S. Faure - mais aussi l’utilisation de la découverte et de la conduite d’expériences multiples, permettant l’essai et l’erreur. De cet ensemble d’expériences naît le vrai choix de l’individu, quant à ses apprentissages et à son activité future. Ce qu’il faut noter, et en cela Fourier fait de l’éducation un enjeu et un acte de responsabilité collective, c’est que l’éducation n’est pas artificiellement déconnectée de la vie de la cité (le Phalanstère) et de la production nécessaire à la survie économique de l’organisation. Cette éducation est intégrée au social sans y être soumise, elle s’alimente du réel économique sans en dépendre totalement, loin s’en faut.

Proudhon héritera de cette conception de l’éducation, de ces utopies pédagogiques. Le précurseur de la notion d’autogestion, qui fonde l’espoir révolutionnaire sur les capacités des classes ouvrières autonomes, considère que l’école ne doit pas être coupée de la vie et de l’atelier, que le « couple » éducation-production est fondamental, non seulement pour assurer la formation intégrale et pluridisciplinaire des producteurs, mais aussi pour assurer l’indépendance, vis-à-vis de l’État et de quelques autres, des structures éducatives.

Fernand Pelloutier, animateur des Bourses du Travail et inventeur, avec des milliers d’autres, du syndicalisme révolutionnaire, s’inscrit lui aussi, dans ce courant de l’éducation intégrale et libre, lié à un souci d’usage social de la connaissance, sans pour autant, non plus, transformer l’enfant en un petit producteur compétitif et trop souvent exploité dans les ateliers. Le seul but de l’éducation est de préparer à cette condition future de producteur conscient, par la pluridisciplinarité et la multiplicité des techniques. L’importance de Pelloutier, à mon sens, est qu’il responsabilise le syndicalisme quant au problème éducatif. Parfaitement au clair sur les enjeux que représente l’éducation pour les pouvoirs politiques et cléricaux, il considère qu’elle est le meilleur instrument de domination de l’État. Par conséquent, le syndicalisme, qui est l’outil naturel d’émancipation de la classe ouvrière, doit maîtriser le fait éducatif pour le libérer de la tutelle des pouvoirs et, du même coup, œuvrer à la liberté de tous. C’est pourquoi il militera pour que les Bourses du travail deviennent un lieu d’éducation des travailleurs et que l’éducation soit l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, comme les syndicats de la C.N.T. espagnole l’ont expérimenté en leur temps. Il s’agit donc, non seulement d’«  instruire pour révolter  », mais aussi afin de forger la conscience ; de qualifier pour mieux résister et, à terme, afin de construire le socialisme dans la liberté. Pour conclure ce rapide aperçu, j’évoquerai la Ruche, lieu réel s’il en fut, qui mit en application ce souhait de faire de l’espace éducatif un outil au service de l’humanité en veillant à ne pas l’inféoder à un quelconque pouvoir. En effet, comme l’a tenté Bonaventure il y a quelques années, S. Faure essaya de faire vivre une petite république éducative, en s’appuyant sur son autosuffisance économique et sur la solidarité active de structures et d’organisations sociales participant à son financement. Cette volonté de « ne pas dépendre » me parait essentielle, même si cela n’enlève rien aux autres expériences de pédagogie libertaire menées ici et là comme au Lycée autogéré de Paris, le LAP. En effet, Cette volonté apparaît aujourd’hui comme le seul moyen de nous doter de lieux éducatifs autonomes et, pour l’heure, propres au mouvement libertaire. En effet, autant les pouvoirs - et, au premier chef, le pouvoir d’État qui finance les systèmes éducatifs - peuvent tolérer des structures éducatives dissidentes, marginales et libertaires, tant que celles-ci ne diffusent pas ou ne s’inscrivent pas dans un mouvement social puissant et organisé. Autant il est clair qu’ils mettront fin à ces expériences dès qu’elles représenteront une gêne ou un danger pour leur système. C’est pourquoi l’autosuffisance économique est essentielle à terme, c’est sans doute sur ces capacités d’autosuffisance, ancrées dans le social, que l’avenir de la pédagogie libertaire se joue. Que naissent donc cent petites républiques éducatives et que le syndicalisme révolutionnaire y agisse avec responsabilité.

Les principes régulateurs de la pédagogie libertaire

Quant aux principes de la pédagogie libertaire, je me limiterai à l’énonciation de quelques grands repères axiologiques fondamentaux. Il m’apparaît aujourd’hui que la finalité essentielle de ce processus de l’éducation par la liberté consiste en ce que l’individu, au fur et à mesure du travail éducatif, participe de plus en plus à l’organisation et à la production de ses savoirs. L’éducation, en cela, est co-constituante de l’anarchisme, puisqu’elle vise à autoriser l’individu à se produire en tant que personne autonome, soucieuse de développer par la connaissance et la connaissance de soi, sa liberté et la liberté des autres, et qu’elle se propose de donner à tous et à toutes un espace dans lequel se réaliser socialement et professionnellement. Comme l’écrivait Pestallozzi, pédagogue suisse du 18e siècle, le projet éducatif tente de permettre à chacun de «  se faire libre  », compte tenu de ce qu’il est. Les théoriciens et les praticiens de la pédagogie libertaire iront eux aussi dans ce sens. A la suite J.-J. Rousseau, avant Pestallozzi, qui l’avait préconisé pour Emile et qu’il se proposait de faire «  premièrement homme  ». L’Encyclopédie anarchiste comme évoqué ci-dessus est sans ambiguïté à ce sujet : « l’éducation a pour but d’éduquer l’enfant pour qu’il puisse accomplir la destinée qu’il jugera la meilleure, de telle façon qu’en toute occasion, il puisse juger librement de la conduite à choisir et avoir une volonté assez forte pour confronter son action à ce jugement ». Ainsi, le but de l’éducation libertaire, et a fortiori de la pédagogie libertaire, consiste à participer à l’élaboration d’un individu libre - libre d’agir et de penser - et capable de produire un discours critique sur ses propres choix. En cela, le projet anarchiste d’éducation dépasse la simple accumulation de savoir et se propose de construire un individu capable d’analyse et de recul critique.

Vers des individus libres et autonomes

Si « la liberté est le couronnement de l’édifice éducatif », former l’esprit « c’est le mettre en garde contre toutes les causes subjectives (intérêt personnel, amour-propre, paresse, dépendance d’autrui, principes dogmatiques, goût du merveilleux), qui nous empêchent d’observer et de juger ou nous induisent en erreur dans nos observations et nos jugements » [3]. L’éducation libertaire s’affirme comme une pédagogie rationaliste, voire scientifique qui refuse de faire de l’enfant, et plus tard de l’adulte, un croyant en l’anarchie. Elle prône un individu qui après analyse et réflexion tentera, éventuellement avec d’autres, de construire l’anarchisme. Elle n’est donc pas, contrairement à de nombreuses doctrines pédagogiques, une machine à reproduire et à décerveler, mais, au contraire, un mode de production d’individus libres et autonomes, capables de choisir leur mode d’engagement social. L’éducation libertaire et son corollaire, la pédagogie, visent, comme le proposait déjà W. Godwin, « à apprendre à penser, à discuter, à se souvenir et à se poser des questions » [4]. La connaissance, même si elle est indispensable, n’est pas une fin en soi. Le résultat de l’éducation n’est pas une tête bien pleine mais une tête bien faite qui offre à l’individu tous les moyens d’agir, tant dans la sphère du travail manuel que dans celle de la pensée et du travail intellectuel. Elle se propose de doter l’individu, sans négliger ni oublier les influences extérieures, des outils de son autoconstruction.

De plus, l’éducation libertaire - la pédagogie Freinet et la pédagogie institutionnelle s’en inspireront largement - est aussi une école de la vie et des fonctionnements sociaux. L’enfant doit donc s’éduquer et être éduqué dans la liberté et le respect de l’autre, adulte ou enfant. Dans les réunions, écrivait déjà J. Guillaume, les enfants seront complètement libres : « ils organiseront eux-mêmes leurs jeux, leurs conférences, établiront un bureau pour diriger leurs travaux, des arbitres pour juger leurs différents, etc. Ils [elles] s’habitueront ainsi à la vie publique, à la responsabilité, à la mutualité, le professeur qu’ils auront librement choisi pour leur donner un enseignement ne sera plus pour eux un tyran détesté, mais un ami qu’ils écouteront avec plaisir » [5].

Au-delà de la modernité et de l’idéalisme du propos, il convient de souligner que le projet libertaire remet fondamentalement en cause le statut du couple savoir/pouvoir dans la situation éducative. C’est pourquoi, elle fut et elle est encore, en de nombreux lieux, dérangeante et anticipatrice des sociétés futures. En effet, sans se leurrer non plus, le pouvoir n’appartient plus, ou plus complètement, à celui qui sait (l’enseignant), mais, en principe, à tous et à toutes. Le savoir est la résultante, non plus d’une assimilation passive, mais d’un travail individuel socialisé ou d’une activité collective. L’éducateur n’est plus là pour transmettre un savoir académique, issu de directives et de programmes autoritaires, mais pour favoriser chez les apprenants la production de connaissance en fonction de leurs centres d’intérêt ou de leurs préoccupations du moment. L’enseignant disparaît en se décentrant, et devient un aide à l’apprentissage qui n’a pour mission que d’aider les apprenants « à trouver les réponses à leurs questions, soit dans l’expérience, soit dans les réunions avec les camarades, soit dans les livres et le plus rarement possible à leur répondre directement eux-mêmes » [6]. Il s’agit tout simplement de mettre en acte la très célèbre formule de Blanqui dans l’espace éducatif « ni dieu (omniscient) ni maître (omnipotent) ».

Une attitude de vie

Pour clore cette évocation rapide de quelques principes de pédagogie libertaire, j’aimerais ajouter deux remarques. La pédagogie libertaire, d’abord, n’est pas une pédagogie de l’outil, mais une pédagogie de la démarche et de l’attitude. C’est-à-dire qu’elle ne fonde pas ses résultats sur l’objet de la médiation - tel ou tel livre, telle ou telle méthode, tel ou tel support - mais sur l’aptitude du groupe et de son animateur à mettre en œuvre un processus éducatif dans la liberté. Elle est une intention permanente en acte, d’où ses fragilités, et non pas une croyance dans l’infaillibilité de la méthode, d’où sa force. La pédagogie libertaire est une pédagogie pragmatique, non dogmatique, qui repose avant tout sur quelques principes simples et surtout la conscience et la participation active de ceux et de celles qui la mettent en œuvre en situation et dans un contexte.

Ma deuxième remarque - mais n’est-elle pas inutile ici ? - consistera à insister sur le fait que la pédagogie libertaire n’a de sens que si elle est mise en acte, conçue et guidée par les apprenants eux-mêmes, en bref qu’elle est faite pour (et par) les éduqués et non pour (et par) l’éducateur. Il ne s’agit donc pas seulement de se faire plaisir, encore que cela soit aussi recommandé, mais d’agir dans l’intérêt des «  citoyens en apprentissage  » et de leur autonomie, leur autocapacité à s’éduquer.

Les invariants de la pédagogie libertaire

Pour clore cette article Education libertaire, voici à la suite de ceux ce Célestin Freinet, quelques invariants de l’éducation libertaire et autogestionnaire [7], point d’aboutissement d’une longue pratique.

Du côté de la pédagogie et des apprenants

Invariant n°1 : Etre rationnelle et développer l’esprit scientifique, favoriser la recherche de la preuve.

Invariant n° 2 : émancipatrice et permettre à chacun de devenir un individu équilibré et épanoui dans toutes ses dimensions. De devenir un individu fier et libre.

Invariant n°3 : Encourager l’expérience, la découverte et les projets.

Invariant n°4 : Mettre l’individu au centre de ses apprentissages afin de lui permettre de se réaliser.

Invariant n°5 : inciter à développer son autonomie et son esprit critique, favoriser le doute.

Invariant n°6 : Offrir à l’individu tous les moyens afin d’être sans jamais devoir être.

Invariant n° 7 : Favoriser le papillonnage (la découverte) afin de permettre une libre orientation personnelle et professionnelle.

Invariant n°8 : Assurer la liberté pour apprendre (rythme, modalités, contenu, supports…).

Invariant n°9 : Ouvrir les lieux d’apprentissage à toutes les compétences et volontés extérieures (adultes, gens de métiers...).

Invariant n°10 : développer la pédagogie intégrale et les liens entre pratique et théorie.

Invariant n°11 : Développer les pédagogies actives et donner sens aux savoirs

Invariant n°12 : faciliter et promouvoir la coopération et l’entraide dans le collectif d’apprenants.

Invariant n° 13 : Inciter à la confrontation des idées, à l’écoute et au respect d’autrui.

Invariant n°14 : Refuser les notes et les classements qui ne visent qu’à instaurer et à entretenir voire créer des hiérarchies entre les individus.

Invariant n°15 : combattre toute forme de coercition et de violence physique, psychique ou symbolique envers les apprenants

Invariant n°16 : Assumer la mixité et la co-éducation au sens de Ferrer, donc de sexe, d’âge, de culture, d’origines géographiques et sociales…

Invariant n°17 : Inciter à l’auto-direction (choix des apprentissages), à l’auto-organisation (choix des temps et des environnements physiques et humains pour apprendre), à ‘auto-évaluation pour se jauger (mesurer ses avancées dans les connaissances).
Invariant n° 18 : voir ci-dessous

Du côté des appreneurs

Invariant n° 19 : Développer une posture facilitatrice au sens de Carl Rogers c’est-à-dire accepter d’être une ressource pédagogique parmi d’autres.
Invariant n° 20 : Réduire et tendre à faire disparaître l’asymétrie pédagogique (inégalité maître-élèves).
Invariant n° 21 : Renoncer à la tentation de la toute-puissance.
Invariant n° 22 : garder à l’esprit le lien toujours possible entre savoir et pouvoir.
Invariant n° 23 : Accepter de ne pas être indispensable et favoriser l’auto-organisation des apprenants.
Invariant n° 24 : Se définir comme un compagnon d’apprentissage plutôt qu’un guide indispensable.
Invariant n° 25 : Veiller à la trans et l’inter disciplinarité et aux liens entre les savoirs (polytechnie).
Invariant n° 26 : Veiller par le dialogue et l’expérimentation à qualité des concepts et des acquisitions de connaissances dans tous les domaines.
Invariant n° 27 : Favoriser l’appétence à l’éducation à tous les âges de la vie.
Invariant n° 28 : Faire du désir d’émancipation de l’autre un principe absolu.
Invariant n° 29 : Favoriser l’intelligence collective et la coopération des idées.
Invariant n° 30 : Œuvrer à l’autogestion pédagogique
Invariant n° 31 : Ne mettre aucun frein à la réalisation de soi, à l’autogestion de soi.
Invariant n° 32 : Soutenir le principe de l’éducabilité cognitive et de l’égalité des intelligences.

Au-delà du rappel de ces quelques principes de la pédagogie libertaire, l’intention de ses promoteurs est tout simplement (invariant n°18) par la liberté et l’éducation permettre à l’individu libre de s’auto-construire afin de (se) penser et d’agir librement afin de se construire en « individu fier et libre » à même de construire une société sans dieu, sans maître et sans état fondé sur la liberté et l’égalité sociale de tous et l’autogestion économique.
Enfin, pour moi, l’éducation libertaire fut l’une des plus belles des victoires, même si j’en conviens du chemin reste à parcourir jusqu’à l’anarchisme, car son influence fut constante et fertile. Elle est une manifestation constructive et permanente de l’anarchisme social. Ces propositions - autrefois immorales et révolutionnaires - ont largement irrigué les réflexions et les pratiques pédagogiques contemporaines. Elles sont aujourd’hui, même si certaines restent encore marginales, très largement entrées dans les mœurs. Elles continuent par ailleurs - ce qui démontre leur caractère émancipateur - à être soit combattues par tous les talibans de la pensée, soit encore largement prônées, y compris par l’Unesco, quand il s’agit de gagner même petitement en démocratie.

Hugues Lenoir

Pour aller plus loin :

Brémand N., 1992, Cempuis, une expérience d’éducation libertaire à l’époque de Jules Ferry, Paris, éd. du Monde libertaire.
Lenoir H., 2014, Madeleine Vernet, Paris, éd. du Monde libertaire.
Lenoir H., 2020, Éducation libertaire et socialiste, Lyon, ACL.
Lewin R., 1989, Sébastien Faure et « la Ruche », Cahiers de l’Institut d’histoire des pédagogies libertaires, Vauchrétien, Ivan Davy Éditeur.
Wagnon S., 2013, Francisco Ferrer, une éducation libertaire en héritage, Lyon, éd. ACL.