Ce mot du siècle dernier, du latin « virus » (poison) auquel est accolé le suffixe « cide » (qui tue), retrouve une nouvelle jeunesse avec la COVID-19. En effet, on en retrouve des occurrences, dans la langue française, dès les années 1970, en particulier dans la littérature médicale.
C’est le cas, par exemple, d’un article portant sur la désinfection des eaux résiduaires : « Nous devons poursuivre nos essais de traitement d’effluents primaires, l’étude de l’action virucide devant faire l’objet d’une publication ultérieure par le Dr Jacques Maurin » (Bulletin de l’Académie nationale de médecine, novembre 1975).
Une dizaine d’années plus tard, ce mot bénéficie d’une nouvelle médiatisation, notamment avec Pierre Langlois, inventeur du tampon Pharmatex : « En tant que simple gynécologue, j’étais persuadé de l’action non seulement spermicide mais également bactéricide et virucide de mon tampon » au chlorure de benzalkonium (Le Monde, 13 janvier 1987).
Avec la pandémie de SIDA, on associera désormais ce terme aux techniques de prévention, notamment celles destinées aux femmes (Journal des anthropologues, 1997), avant que l’émergence du virus de la grippe A (H1N1) au Mexique, à la fin des années 2000, ne fasse apparaître dans les revues des expressions d’une troublante familiarité : « La désinfection des mains était réalisée avec un gel hydro-alcoolique virucide » (Santé publique, 2011).
Sans entrer dans le débat consistant à considérer (ou non) le virus comme un « être vivant » (Sciences et avenir, 31 mars 2017) – pouvant donc être tué, ce qui soulignerait le caractère impropre du terme « virucide » (Le Journal des femmes, 29 octobre 2014) – on pourrait plutôt se demander pourquoi son cousin « virocide » a la préférence du Robert.
Toujours est-il que ce mot rime étrangement avec d’autres catastrophes humaines, surtout chez ceux dont la conscience historique est interpellée chaque fois que les tenants du pouvoir décrètent état d’urgence, couvre-feu et autres confinements, en disséminant la peur (de la maladie, de la contagion, puis de la mort) sur un ton faussement paternaliste.
L’appauvrissement de pans entiers de la population laborieuse, l’incertitude qui frappe un nombre grandissant d’individus, en particulier les jeunes, la stigmatisation de personnes déjà précarisées ne risquent-elles pas, en fin de compte, de nous conduire à un sociocide masqué qui dégagerait une forte odeur d’alcool ?
Nedjib SIDI MOUSSA