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ECOEUREMENT n. m.

Action d'écœurer : état d'une personne écœurée. Qui soulève le cœur, qui inspire de la répulsion. Une odeur écœurante ; un être écœurant ; un acte écœurant, un crime écœurant, une lâcheté écœurante, une trahison qui provoque l'écœurement.

Lorsque l'on jette un coup d'œil circulaire sur tout ce qui nous entoure, n'y a-t-il pas de multiples raisons d'être saisi d'écœurement? La société est un bourbier duquel s'échappent des miasmes nauséabonds qui soulèvent le cœur de dégoût. « Un siècle de musc et de merde », disait Octave Mirbeau, en causant du siècle de Louis XIV ; le nôtre vaut-il mieux et les hommes ne se vautrent-ils pas aujourd'hui dans la bassesse et dans l'ordure, comme ils le faisaient au temps du grand roi? Le courtisan a disparu et le politicien a vu le jour. L'un et l'autre se valent. Le courtisan flattait le roi, le politicien flatte le peuple. Mais pour le peuple c'est la même chose, que ce soit le roi ou lui, c'est toujours lui qui est victime et qui paie.

Comment peut-on ne pas être écœuré, lorsque l'on assiste au spectacle de l'orgie à laquelle se livrent les grands de ce monde, alors qu'il y a quelques années à peine, des milliers de jeunes êtres plein de vie et de santé se faisaient tuer pour bâtir ou consolider les fortunes des mercantis criminels. Comment ne pas être soulevé d'écœurement lorsque l'on sait qu'à l'ombre de la diplomatie se préparent d'autres carnages, que d'autres tranchées seront creusées et que les hommes périront encore dans la boue et dans le sang. N'est-on pas dégoûté lorsque se déroule devant soi la comédie électorale et que les candidats se couvrent d'insultes et d'injures pour arracher à l'électeur naïf la voix qui fera de lui un esclave?

Mais ce qui nous écœure par dessus tout, c'est la passivité, l'indifférence, la lâcheté avec lesquels le peuple, pressuré, asservi, exploité depuis toujours, accepte son esclavage et se couche comme un chien à la voix de son maître. N'est-il pas lui-même dégoûté de tout ce qui se passe, n'a-t-il pas assez de la tragédie dont il est l'un des acteurs, et n'est-il pas las de souffrir?

Son écœurement ne va-t-il pas se manifester enfin par sa révolte, et sa répugnance ne va-t-elle pas le conduire à faire le geste qui le libèrera de toutes ses misères en mettant fin à la pourriture parlementaire et au régime abject du capitalisme!...