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Encyclopédie anarchiste
« La pensée libertaire constitue l’espoir et la chance des derniers hommes libres » Camus
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Peuples premiers et colonisation populaire
Article mis en ligne le 10 juillet 2021
dernière modification le 12 juillet 2021

Les premiers penseurs anarchistes du XIXe siècle ont tous proposé des réflexions anthropologiques, mais ce sont surtout Élisée Reclus et son frère Élie Reclus (1827-1904), lui-même se considérant comme anthropologue, qui creusent la question à partir de leur expérience personnelle sur le terrain et leurs nombreux contacts.

Mécislas Golberg

La rencontre de Kropotkine avec les tribus sibériennes quand il était jeune explorateur lui donne des éléments pour bâtir la théorie de l’entraide. On peut y ajouter la figure méconnue de Mécislas Golberg (1869-1907).

Leur principal apport tient dans leur prise en considération de « nos frères primitifs », la dénonciation de leur génocide et le refus d’une philosophie de l’histoire qui les considère comme en retard dans la course de l’évolution. Au contraire, ils affirment qu’ils peuvent être même « en avance » sur les « prétendus civilisés ». Les tribus développent des facteurs d’aide mutuelle entre êtres humains et dans leur relation avec la nature. Elles montrent une mésologie originale puisqu’elles aménagent soigneusement leur milieu.

Élisée Reclus insiste aussi sur le fait que, désormais, tous les peuples sont en relation les uns avec les autres, d’où une recomposition du monde. Le brassage des cultures passe par une mobilité croissante, subie ou voulue, des êtres humains en fonction des conditions économiques et des projets de vie qui reposent sur la liberté de déplacement. L’installation humaine sur de nouvelles terres ne doit pas se faire au détriment des aborigènes.

Élisée Reclus distingue ainsi colonisation populaire, faite de migrants souvent pauvres, et la colonisation étatique, liée aux militaires, aux marchands et aux missionnaires, spoliatrice et violente. La première doit dépasser la seconde pour créer un nouveau peuple multiculturel et cosmopolite, comme cela aurait pu être le cas en Algérie où l’approche d’Élisée Reclus annonce celle d’Albert Camus, l’une comme l’autre étant souvent incomprise. Car la décolonisation sous l’égide étatique produit de nouveaux maîtres qui peuvent être aussi dominateurs et exploiteurs que les précédents.

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