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Encyclopédie anarchiste
« La pensée libertaire constitue l’espoir et la chance des derniers hommes libres » Camus
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Classisme
Article mis en ligne le 23 juillet 2021

Dans un article paru le 10 mars 2021 sur le site du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM), le militant Christian Delarue écrit : « Le peuple-classe lui, dans sa diversité de situation, est bien la très large fraction de peuple qui subit le classisme d’en-haut, soit la politique de domination de classe de l’oligarchie et de la classe dominante. »

Le terme « classisme », de plus en plus visible dans la littérature militante, est ici employé dans un sens précis, à savoir « la domination de classe », avec une connotation nettement péjorative. Pourtant, ce mot – que l’on ne trouve pas (encore) dans les éditions en ligne du Larousse ou du Robert – a évolué au fil du temps.

Au début du XIXe siècle, il pouvait être employé en lieu et place de classicisme, courant littéraire apparu deux siècles auparavant, comme l’illustre cet extrait : « Le succès de Henri III de M. Dumas a ranimé la guerre, tant soit peu ridicule, du Classisme et du Romantisme » (Le Constitutionnel, 24 février 1829).

Mais l’apparition du mouvement ouvrier moderne vient lui donner une nouvelle signification, ainsi qu’en témoigne l’expression « luttisme de classisme » (La Nouvelle revue française, 1er juillet 1939), employée ironiquement par un Charles Péguy passé du socialisme au patriotisme, tournant le dos à la lutte de classe.

Dans l’entre-deux-guerres, le professeur fasciste Guido Bortolotto estime qu’« en Italie les forces de production, au lieu de s’organiser en classisme sur une base internationale, doivent se constituer en interclassisme sur base nationale » (Sotiris Agapitidès, Le corporatisme en Italie, 1935).

« Classisme » renvoie désormais à l’organisation indépendante du prolétariat. Et c’est cette définition que rejette Alfred Ancel, homme d’Eglise. Dans le contexte de la Guerre froide, il estime que « le classisme est, comme le racisme, une doctrine totalitaire qui veut imposer non seulement un régime politique et économique mais encore une pensée économique à tous les hommes » (La Croix du Nord, 14 octobre 1950).

Parmi les premières occurrences de son acception actuelle, on peut relever ces initiatives relayées par des revues françaises, comme le groupe chrétien new-yorkais « R.S.A.C. ad hoc group on racism, sexism and classism » (Les Cahiers du GRIF, septembre 1975) ou la discussion ayant pour thème « Classisme, Racisme, Sexisme » programmée lors du quatrième congrès annuel de l’International Association of Gay Women and Men, organisé à Washington (Masques, automne 1982).

Nedjib SIDI MOUSSA