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Encyclopédie anarchiste
« La pensée libertaire constitue l’espoir et la chance des derniers hommes libres » Camus
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Article mis en ligne le 4 juillet 2022
dernière modification le 25 juin 2022

Schmitt, Carl (1888-1985) : célèbre juriste, penseur de la « Révolution conservatrice » en Allemagne durant l’entre-deux-guerres, et, selon Loren Goldner [1] « l’un des plus brillants théoriciens (avec le philosophe italien Gentile) de la mystique bien connue de l’État fasciste ». « La relation de Schmitt avec Hitler et les nazis était complexe, mais pas du tout hostile, c’est le moins qu’on puisse dire. La théorie juridique sophistiquée de Schmitt frisait l’idolâtrie de l’État, et présentait une distinction entre “ennemi” et “adversaire” qui passa facilement dans la pensée politique et juridique fasciste. Pour Schmitt, un “adversaire” était un opposant ponctuel, avec lequel on avait un conflit et un désaccord temporaires ; en revanche, un “ennemi” était un opposant irréconciliable contre lequel la lutte était potentiellement totale et mortelle. Schmitt ridiculisa le parlementarisme et la démocratie occidentaux, et développa des idées sur l’inévitabilité de l’activité extra- parlementaire – c’est-à-dire l’agitation dans les rues – qui influencèrent également la Nouvelle Gauche allemande dans les années 1960 (Schmitt était notamment un admirateur de Lénine). A son tour, cela façonna l’idée de Schmitt d’une “confrontation ultime” (Ernstfall) au cours de laquelle la légalité normale devait être suspendue. (Schmitt fournit l’argumentation juridique pour couvrir la “Nuit des longs couteaux” en 1934, au cours de laquelle Hitler élimina physiquement l’aile “fasciste rouge” du parti nazi autour des frères Strasser). »

sécessionnisme ou pansécessionnisme : idéologie de groupes qui, dans d’autres pays que les Etats-Unis, seraient appelés « séparatistes » ou « autonomistes ». L’extrême droite et les fascistes cherchent toujours à inventer de nouveaux mots, ou à redéfinir de vieux termes, en leur donnant un contenu qui apparaisse moins raciste, xénophobe et antisémite que la revendication d’une filiation directe avec le Ku Klux Klan ou des groupes pronazis américains des années 1930, voire même avec les États confédérés du Sud des années 1861-1865.

Le SPLC* a décidé de ne plus classer les groupes d’extrême droite afro-américains comme la Nation de l’Islam* sous la rubrique « séparatistes » pour ne pas les confondre avec les groupes « séparatistes blancs », et mais de les qualifier de « groupes propageant la haine ». Or, il s’agit d’un concept moral, apolitique, comme en témoigne la définition du SPLC : « organisation qui – sur la base de ses déclarations ou principes officiels, des déclarations de ses dirigeants ou de ses activités – prône des croyances ou des pratiques qui attaquent ou diffament une catégorie entière de personnes, généralement en raison de leurs caractéristiques immuables ».

Selon cette ONG, « Le séparatisme noir est né d’une colère légitime contre une oppression historique et systémique bien réelle [...] et est une réponse à la suprématie blanche et au nationalisme blanc [...]. Les séparatistes noirs n’ont pas non plus la part écrasante de violence à motivation raciale attribuée à leurs objectifs généraux de séparation. Certes, certains nationalistes noirs ont commis des actes de violence à l’encontre de communautés juives, mais ceux-ci sont alimentés par l’antisémitisme, et non par le séparatisme. En outre, le séparatisme noir est fondé sur des préoccupations valables concernant la manière dont les institutions fédérales et étatiques traitent les Noirs [2]. » Autant la préoccupation du SPLC de ne pas contribuer à renforcer la répression policière contre tous les Afro-Américains, y compris contre des groupes militants d’Afrodescendants réactionnaires, peut sembler justifiée, autant il est erroné de refuser de considérer qu’un groupe afro-américain puisse devenir fasciste. Comment caractériser le mouvement de masse animé dans les années 1920, aux Etats-Unis, par Marcus Garvey qui se vantait d’avoir été le premier fasciste [3] et se plaignait que Mussolini lui ait volé ses idées ? Comment qualifier le dirigeant, d’origine polynésienne, des Proud Boys, « Tiny » Toese* ?

Southgate, Troy (Royaume-Uni) : ce militant d’extrême droite quitte le British National Front* avec les scissionnistes de l’International Third Position, avant de fonder son propre groupuscule, l’English Nationalist Movement en 1992, puis en 1998 la National Revolutionary Faction* [4]. Il se réclame du national-anarchisme, une forme de crypto-fascisme décentralisé. Selon Matthew N. Lyons, « la Nouvelle Droite européenne a exercé une influence majeure sur Troy Southgate, le fondateur du national-anarchisme*, et l’a aidé à s’éloigner du racisme explicite pour se rapprocher d’un “ethno-pluralisme*” plus sophistiqué. Les nationaux-anarchistes ont également suivi l’exemple de la Nouvelle Droite européenne en célébrant les partisans de la Révolution conservatrice allemande, surtout Ernst Jünger [5]. » Depuis qu’il a dissous son groupe en 2003, Southgate se démène pour propager ses idées sur Internet.

Spencer, Richard (1978-) : néo-nazi et militant d’extrême droite, sans doute à l’origine de l’expression Alt-Right (droite alternative). Animateur d’un think tank, le National Policy Institute. Ses choix électoraux ont varié au cours des années (de Kerry à Trump), et pour le moment il défend des thèses favorables au nationalisme blanc et aux libertariens sur le plan économique. Il fait partie de ces diplômés universitaires qui tentent de donner un visage respectable au racisme en se réfugiant devant les effets supposés différents de « l’évolution » sur les peuples, les Africains étant doués pour la course (?!), et les Asiatiques plus intelligents que les Blancs, par exemple [6]. Spencer est favorable à « une patrie blanche », à un État noir dans le Sud des Etats-Unis, et à un « nettoyage ethnique pacifique », dont il ne précise pas les modalités, et qui « libérerait certaines parties de l’Amérique du Nord pour les Caucasiens » et éventuellement l’accueil « de réfugiés blancs d’Europe [7] ». Il se montre sceptique « quant au message égalitariste, individualiste et universaliste de Jésus, qui peut être vu comme proto-gauchiste et proto-multiculturel [8] », ce qui le distingue de la droite religieuse et le rapproche des courants néopaïens fascistes, même s’il est inutile de chercher la moindre cohérence chez ce genre d’idéologues, puisqu’il n’hésite pas à dire : « Pour me stimuler intellectuellement, j’ai commencé par lire les auteurs de la pensée critique, Marx, Gramsci, l’école de Francfort, Adorno [9]. »

Spengler, Osvald (1890-1936) : philosophe allemand, dont l’ouvrage le plus connu est Le Déclin de l’Occident (1918) et qui influença le mouvement de la « révolution conservatrice ». Hostile à la République de Weimar, il est favorable à une dictature comparable à celle de Mussolini qu’il admire plus que Hitler et les nazis. Pour cet auteur, les cultures sont des organismes vivants ; lorsqu’elles atteignent le dernier stade de leur développement, elles dépérissent et deviennent décadentes, ce qui est le cas selon lui de l’Occident, qui a provoqué un déracinement des populations liées par « le sol et le sang » et concentrées désormais dans de grandes villes cosmopolites. Ces civilisations meurent sous les coups des prolétaires autochtones qui veulent gagner toujours plus ( ?!) et des prolétaires allochtones qui viennent en Occident. On voit que ce discours correspond parfaitement à celui de l’extrême droite actuelle.

Stafford, Matthew Brien [10] (1976-) : fan d’ésotérisme (d’où son intérêt pour Savitri Devi*), membre du Traditionalist Workers Party* et sympathisant du Green Liberation Front (groupuscule écolo-nazi-vegan-antispéciste), il milite, entre autres, dans un réseau néonazi de la région du Nord-Ouest Pacifique partisan de l’indépendance de la « biorégion* » Cascadia*.

Stormfront [11] : créé en 1995, pour soutenir la campagne sénatoriale du nationaliste blanc David Duke*, Stormfront a d’abord été un « système de tribunes électroniques » (BBS), puis un site Web et un forum de discussion favorables aux thèses des identitaires et suprémacistes blancs, et des néonazis comme en témoigne la présentation de leur site : « Nous sommes une communauté de réalistes raciaux* et d’idéalistes. Les nationalistes noirs, hispaniques, asiatiques et juifs soutiennent ouvertement leurs intérêts raciaux, les contribuables américains étant même tenus de soutenir l’État ethnique juif d’Israël. Nous sommes des nationalistes blancs qui soutiennent la vraie diversité et une patrie pour tous les peuples, y compris le nôtre. Nous sommes la voix de la nouvelle minorité blanche en difficulté ! ». Son fondateur est régulièrement invité dans les médias dominants et il veille à ce que ses forums soient modérés pour éviter les insultes racistes et se donner une image démocratique qui ne soit ni sectaire ni ouvertement raciste. Les différents courants de l’alt-right, du suprémacisme et du nationalisme blancs, et de l’extrême droite peuvent s’exprimer et dialoguer sur ce forum suivi par des centaines de milliers de personnes.

Strasser (frères) : allusion à Gregor et Otto Strasser, tous deux membres des milices des corps francs après 1918, puis de l’aile pseudo anticapitaliste du parti d’Hitler, favorables à des alliances ponctuelles avec les communistes (léninistes puis staliniens) et, au niveau diplomatique, entre l’Allemagne et l’URSS. Gregor fut le grand organisateur du Parti nazi jusqu’en 1932 avant d’être assassiné par Hitler en 1934 dans le cadre de la Nuit des longs couteaux. Quant à son frère, Otto, il quitta le NSDAP en 1930 tout en continuant à militer dans les sections d’assaut (SA) et à éditer des publications nazies. Il émigra dès 1933 en Autriche puis aux Etats-Unis et n’eut le droit de revenir en Allemagne qu’en 1955 où il continua à défendre des idées fascistes et à participer activement à des organisations internationales d’extrême droite (Mouvement populaire européen et Jeune Europe).

Suhayda, Rocky (1952-)  : adolescent, il rejoint l’American Nazi Party tout en militant au sein du Ku Klux Klan de la ville où il fait ses études secondaires. Il crée un groupuscule qui reprend le nom American Nazi Party* après sa dissolution ; il soutient le mouvement Occupy Wall Street en 2011 ; et il déplore que les « Aryens-Américains » n’aient pas la détermination des terroristes du 11 septembre 2001 – ce qui lui vaut une petite renommée médiatique. Après l’élection de Donald Trump, en 2016, il se réjouit de la nomination de Steve Bannon comme stratège en chef, mais, lorsque Bannon est viré, il qualifie Trump de « marionnette sioniste ».

Suprémacisme blanc (voir aussi nationalisme blanc*) : le suprémacisme blanc est nettement moins « respectable » que le nationalisme blanc, mais les différences entre les deux idéologies sont infimes. Elles n’ont rien de particulièrement nouveau dans le contexte américain puisque l’esclavage fut rapidement justifié par la prétendue supériorité raciale des individus d’origine européenne (dits « blancs », essentiellement anglosaxons et germaniques) sur ceux d’origine non européenne. Néanmoins, les critères de la « blanchité » ont évolué avec le temps : par exemple, jusqu’en 1945, voire plus tard, les Juifs américains d’origine européenne étaient considérés comme des « Blancs » de seconde classe, voire des « non-Blancs », y compris dans les grandes universités, les clubs privés de notables, etc. Le suprémacisme blanc repose sur un cocktail aux ingrédients variables selon les groupes concernés : l’hypothèse farfelue du « grand remplacement » ; la crainte d’un « génocide blanc » suscité par l’immigration (immigration considérée à la fois comme criminogène, porteuse de toutes sortes de maladies et/ou d’idéologies révolutionnaires ou nihilistes) ; la « science raciale » et l’eugénisme. A ces ingrédients peuvent s’ajouter la glorification de la Confédération sudiste ; l’antisémitisme (plus ou moins prononcé) ; le racisme antimusulmans, le complotisme, etc.